Oui, dans une certaine mesure. C'est d'ailleurs la première fois que l'on ne m'accuse pas d'être la mouche du coche, celle qui pose les questions gênantes et qui assume, parfois, un rôle de modérateur. Notre mission est de réunir les treize responsables des organisations professionnelles, de la production jusqu'à la distribution. La recherche du consensus à tout prix est souvent vouée à l'échec, mais nous nous efforçons de faire émerger des positions communes. En ce sens le rapport de l'Observatoire est un travail utile qu'il faut poursuivre.
Le vrai problème, pour la filière bovine, réside dans un ajustement entre l'offre et la demande. La viande consommée en France, a observé M. Chalmin, est pour l'essentiel un sous-produit de l'élevage laitier ; ce n'est malheureusement plus vrai, puisque 55 % de la viande bovine consommée est celle de l'élevage allaitant ; or, dans ce secteur, les revenus proviennent exclusivement de la commercialisation des bêtes. Je préfère la notion de co-produit à celle de sous-produit, même s'il est vrai que l'éleveur laitier, de son côté, se soucie trop peu du prix du veau de huit jours ou de la vache de réforme. Quoi qu'il en soit, doit-on inciter les éleveurs qui ne vivent que de la vente du bétail à se cantonner à ce type d'élevage, alors qu'ils sont parfois en mesure d'en développer d'autres ? Là est la vraie question, même si elle dépasse nos débats d'aujourd'hui.
Au sein de l'interprofession, les échanges sont parfois vifs entre les éleveurs, qui se plaignent de mal gagner leur vie, et les distributeurs, qui affirment qu'ils ne peuvent pas faire plus. Quant aux transformateurs, ils se déclarent prêts à payer plus cher, mais à la condition que les produits correspondent mieux à leurs besoins. Or, force est de constater que les vaches laitières étant de moins en moins nombreuses, le minerai pour les steaks hachés se raréfie également. Les syndicats du secteur de l'abattage ont fourni, l'an dernier, des tableaux chiffrés qui montrent que les minerais issus de vaches allaitantes seront bientôt aussi intéressants, pour la confection des steaks hachés, que ceux issus de vaches laitières. Notre préoccupation, dans ces conditions, est de mieux ajuster l'offre à la demande, sans oublier les exportations, qui occupent désormais une place prépondérante dans la mesure où elles permettent de vendre à des prix rémunérateurs.
Quant aux circuits courts, ils ne peuvent être, dans notre filière, que des exceptions, du moins pour ce qui concerne les relations entre producteurs et consommateurs. On pourrait en revanche les développer dans la restauration collective. Il faudrait peut-être que les appels d'offres favorisent le mieux-disant, comme c'est le cas avec les produits « bio ». Je n'ai évidemment rien contre les bouchers, mais leur activité s'apparente de plus en plus à la haute couture. Loin devant elle, la restauration collective constitue aujourd'hui la deuxième source de commercialisation de la viande.
Le « drive », dont a parlé M. Creyssel, me semble incompatible avec la distribution de viande : les Français préfèrent les produits préparés sur place à ceux préparés ou commandés ailleurs ; cela explique sans doute que la viande fraîche soit quasiment absente du panier moyen du « drive ».
L'Observatoire doit poursuivre son travail ; depuis la publication du tableau sur les minerais que j'évoquais, les fédérations d'abatteurs lui transmettent des données anonymes. Il faut enfin pousser plus loin les investigations sur les frais fixes, afin de les rendre plus transparents.