Je vais m'efforcer de répondre aux questions soulevées par les rapporteurs, mais je souhaite également rappeler à cette occasion les grands choix en matière de santé que traduisent les lois financières pour 2016, dont le projet de loi de finances, qui ne couvre, je le rappelle, qu'une petite partie de la politique de santé.
Ces lois financières traduisent la priorité que nous accordons à la prévention. La préservation des crédits de prévention du programme 204, à hauteur de 162,1 millions d'euros, en est le gage. Ce soutien budgétaire à la politique de prévention passe principalement par la dotation du programme 204 destinée aux projets régionaux de santé dans le cadre du Fonds d'intervention régional. Ces crédits resteront, sur toute la durée du triennal, au niveau de la loi de finances initiale de 2014 ; ils s'élèveront à près de 130 millions d'euros sur les 162 millions dédiés à la prévention. Dans un contexte où d'importants efforts de réduction sont imposés à plusieurs autres lignes de dépenses de l'État, la préservation des crédits de prévention du FIR est un choix politique fort.
Ces crédits permettent de maintenir l'engagement de l'État en faveur de la promotion de la santé et du développement de l'offre de prévention. Ils serviront notamment à financer les structures assurant la gestion des dépistages organisés des cancers, la lutte contre la tuberculose ou la politique vaccinale, dans un cadre qui, comme vous l'avez vous-même indiqué, madame la rapporteure, doit être stabilisé. C'est pourquoi je ne suis pas certaine qu'il soit opportun d'inscrire dans le FIR les budgets des MIG correspondant au traitement de certains cancers, en particulier les cancers pédiatriques, alors que d'autres lignes existent déjà.
Ces ressources viennent s'ajouter, au sein du budget du FIR, à celles qu'apporte l'assurance maladie, soit près de 220 millions d'euros en 2015, ainsi qu'aux crédits supplémentaires que les ARS peuvent mobiliser dans ce domaine, dans le respect de l'enveloppe globale allouée au titre du FIR. En 2014, 28,8 millions d'euros de crédits supplémentaires ont ainsi été consacrés à la prévention par les ARS.
L'effort en faveur de la prévention est également soutenu grâce à la mobilisation d'autres ressources, notamment les fonds de prévention de l'assurance maladie. Ainsi la convention d'objectifs et de gestion avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) prévoit une progression des moyens du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS), à champ constant, de 437 à 455,4 millions d'euros entre 2013 et 2017. Doivent notamment être mentionnés les 228 millions consacrés à la prévention bucco-dentaire entre 2014 et 2017 – avec une progression des dépenses de 49,9 à 59 millions d'euros de 2013 à 2017 – et les 295 millions consacrés au dépistage des cancers entre 2014 et 2017.
Nous allouons également des ressources supplémentaires à la prévention dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, ressources qui doivent notamment financer la prise en charge des dépistages du cancer du sein, la mise en place d'une approche innovante de prévention de l'obésité chez les jeunes enfants et la prise en charge de l'intégralité du parcours de contraception des mineures – une mesure en faveur de laquelle la présidente de la commission des affaires sociales s'est fortement engagée. C'est également en 2016 qu'entrera en vigueur le remboursement intégral aux centres de vaccination de leurs achats de vaccins ; cette mesure a pour but de soutenir leur activité. Par ailleurs, je dois souligner, en tant que ministre de la santé et des droits des femmes, que le doublement des moyens accordés à la lutte contre la traite des êtres humains contribuera à financer des actions de prévention auprès des personnes victimes du système prostitutionnel.
Les crédits de prévention sont ainsi entièrement préservés de l'effort demandé au budget du programme 204, qui porte essentiellement sur les opérateurs. Sur la durée du triennal, les agences sanitaires participent en effet aux efforts d'économies à hauteur de 1 % de leurs dépenses hors rémunérations. Mais ces économies sont le résultat de réformes structurelles.
La création de la future Agence nationale de santé publique, dont je me réjouis qu'elle soit saluée par tous, permettra d'améliorer l'efficacité de la réponse aux risques sanitaires, de favoriser une approche intégrée de la santé publique, mais aussi de réaliser des mutualisations grâce à la fusion des trois opérateurs. Ces mutualisations ne pourront toutefois jouer à plein qu'une fois passée la phase d'installation, donc à partir de 2017. C'est pourquoi il a été décidé d'exonérer, en 2016, les agences qui fusionnent de la diminution de 50 ETP du plafond d'emplois demandée à l'ensemble des opérateurs. Aucune ponction sur réserves ne leur sera par ailleurs demandée en 2016, afin de couvrir les investissements rendus nécessaires par la création de la nouvelle agence.
J'en viens à présent à l'une des questions posées par votre rapporteure pour avis, concernant les travaux de préfiguration de la future agence. Une mission a été confiée en septembre 2014 au docteur François Bourdillon, directeur général de l'InVS et directeur général par intérim de l'INPES, afin de préfigurer l'organisation du nouvel établissement. La recherche des mutualisations possibles, des synergies et des intégrations à envisager a fait l'objet d'un soin particulier, afin que la future agence ne soit pas seulement la juxtaposition de trois instituts, mais un établissement efficient disposant d'une réelle cohérence d'ensemble et de valeurs communes. Le rapport de préfiguration m'a été remis en juillet dernier, à l'issue d'une large concertation avec les personnels des établissements et leurs représentants, concertation qui a permis de montrer que la création du nouvel établissement mobilise les agents autour d'un projet commun. Cette concertation se poursuit sur les projets de textes réglementaires, afin que le futur institut puisse être mis en place au début de l'année 2016, dès la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé.
Vous m'avez également interrogée, madame la rapporteure pour avis, sur le rôle du Comité stratégique d'animation du système d'agences (CASA). Le projet de loi de modernisation du système de santé organise le renforcement de la coordination des opérateurs intervenant dans le champ du ministère chargé de la santé. Il donne une base légale et réglementaire à cette coordination, aujourd'hui assurée de manière informelle au sein du CASA. Plusieurs thèmes de travail ont été identifiés, parmi lesquels la déontologie de l'expertise, la sécurité sanitaire, les articulations territoriales, la communication en santé et l'action européenne et internationale. La composition du CASA sera élargie à l'ensemble des directions du ministère chargé de la santé et aux autres ministères concernés. Ses travaux viseront à harmoniser les approches et les pratiques et à renforcer les complémentarités et les synergies, tout en préservant les prérogatives propres des établissements.
J'en viens à présent au Fonds d'intervention régional, à propos duquel vous m'avez posé plusieurs questions importantes, madame la rapporteure pour avis. Tout d'abord, je vous remercie d'avoir rappelé la forte mobilisation des équipes des ARS autour de la réforme de la gestion du FIR. Cette réforme très importante mettra fin à la complexité qui caractérise le système actuel de gestion du FIR par les ARS et l'assurance maladie et permettra notamment à celles-ci de disposer d'une meilleure vision globale des recettes et des dépenses du FIR et donc d'en améliorer le pilotage.
La question des marges de manoeuvre dont disposent les ARS pour fixer des priorités selon les caractéristiques des territoires est souvent évoquée, car elle correspond à une préoccupation des acteurs de la santé et des élus. Il appartient aux ARS d'identifier des priorités de santé publique sur leur territoire ; ces priorités peuvent même être différenciées selon les territoires de santé composant leur région. Elles peuvent y consacrer des moyens, notamment en mobilisant, comme je l'ai évoqué, des crédits supplémentaires par redéploiement en faveur d'actions de prévention et de promotion de la santé. En 2014, vingt et une agences, soit une très large majorité d'entre elles, ont usé de cette possibilité, pour un montant de 28 millions d'euros, soit près de 8 % de leurs dépenses de prévention, c'est-à-dire le double de l'année précédente. Je veux dire combien je suis satisfaite de cette dynamique qui, même si elle peut paraître limitée, montre que les ARS se sont approprié ces instruments et n'hésitent plus ou hésitent moins à s'engager dans cette voie.
Par ailleurs, depuis la création du FIR en 2012, les crédits relatifs à la prévention font l'objet d'une péréquation entre régions. Comme je m'y étais engagée devant le Parlement l'an dernier, nous avons étendu ces mécanismes de péréquation, de sorte qu'ils concernent cette année plus de 60 % des crédits alloués dans le cadre du FIR.
Madame la rapporteure pour avis, je veux apaiser vos inquiétudes concernant la délégation tardive des crédits du FIR aux ARS. Les arrêtés de délégation sont publiés au printemps car, s'agissant de la contribution de l'assurance maladie au FIR – soit environ 90 % des crédits –, les décisions sont prises concomitamment avec celles sur la campagne hospitalière. Mais les agences disposent de mécanismes, notamment la règle des douzièmes provisoires, qui leur permettent, dès le 1er janvier de l'exercice, de mobiliser des crédits et d'engager leurs projets. Nombre de dépenses du FIR financent ainsi le fonctionnement de structures dès le mois de janvier. La création au 1er janvier 2016 d'un budget annexe au sein des ARS va permettre de mieux anticiper ces paiements, puisque les conseils de surveillance devront adopter un budget initial du FIR avant même le début de l'exercice, parallèlement à l'adoption de leur budget principal.
Vous avez enfin appelé de vos voeux la création d'un FIR pluriannuel qui permettrait de sécuriser le financement de certains projets. Il s'agit bien là de l'un des enjeux de la réforme votée en 2014, qui prévoit la possibilité de reporter des crédits non consommés d'un exercice sur l'autre, dans la limite d'un plafond qui est en cours de définition.
Contribuer aux efforts d'économies tout en finançant les priorités : tel est également notre objectif s'agissant du programme 183, consacré à la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale.
Avant d'en venir au financement de l'aide médicale de l'État, je voudrais rappeler que, dans le cadre du PLF 2016, l'État stabilise à hauteur de 10 millions d'euros sa contribution au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). C'est un message politique fort, puisque, certaines années, cette contribution a été nulle. L'État reconnaît ainsi sa responsabilité dans l'indemnisation des victimes de l'amiante. Nous améliorons également l'efficacité du FIVA, en réduisant les délais de présentation et de paiement des offres d'indemnisation. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de procéder, par voie d'amendement en loi de finances, à l'abandon des créances résiduelles du FIVA vis-à-vis des victimes de l'amiante ou de leurs ayants droit qui avaient bénéficié d'un trop perçu du fait d'évolutions de la jurisprudence. Cet abandon de créance sera intégralement compensé par l'État au FIVA.
J'en viens à présent à l'aide médicale de l'État.
Je veux tout d'abord rappeler la réalité des chiffres. En 2015, nous prévoyons 700 millions d'euros de crédits pour l'AME de droit commun. Nous sommes donc très loin des chiffres parfois avancés. Ce budget est fondé sur une hypothèse de progression tendancielle des effectifs identique aux années précédentes, soit 5 %, ce qui est cohérent avec les dernières tendances observées. Elle est proche du niveau de dépenses constaté en 2013 et 2014 et de celui que nous anticipons pour 2015. Je tiens à préciser dès à présent que les ouvertures de crédits supplémentaires que nous demanderons en loi de finances rectificative pour 2015 seront inférieures à ce qui a été constaté les années précédentes, ce qui montre que nous progressons dans la précision de la budgétisation. Nous attendons, du reste, une diminution modérée de la dépense en 2016, en raison de l'entrée en vigueur de la réforme de l'asile, qui devrait réduire le nombre de déboutés du droit d'asile continuant à résider sur notre territoire.
L'AME est une dépense nécessaire ; elle garantit un accès aux soins à des personnes qui ne sont pas des assurés sociaux. Non seulement cette démarche correspond à nos valeurs, mais elle permet de prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence. Je veux ici rappeler que la durée moyenne de séjour et la prévalence de certaines pathologies sont bien plus élevées pour les soins urgents que pour l'AME de droit commun. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'AME est exemptée de l'effort d'économies. Des mesures à fort impact ont en effet été prises en 2015, comme la fin de la prise en charge des médicaments à 15 % ou la baisse du coefficient de majoration de certains tarifs hospitaliers.
En ce qui concerne la Guyane, monsieur le rapporteur spécial, je vous répondrai très simplement qu'entre 2012 et 2014 les dépenses y ont été réduites de presque 10 %, passant de 34,1 à 30,9 millions d'euros.
Madame la rapporteure pour avis, vous m'avez questionnée sur les moyens mis en oeuvre pour maîtriser cette dépense, notamment pour améliorer la fiabilité de l'instruction des dossiers et les procédures de contrôle. J'ai demandé au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de rendre plus efficaces les procédures de contrôle d'ouverture des droits. Cela vaut pour l'AME comme pour d'autres prestations, et ces contrôles peuvent concerner à la fois les bénéficiaires et les professionnels de santé. Tous les dossiers dans lesquels les demandeurs ont déclaré n'avoir aucune ressource font l'objet d'un contrôle approfondi des moyens d'existence, comprenant la convocation du demandeur à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) pour un entretien. Au niveau national, sur les 204 480 notifications d'ouverture de droit adressées en 2014, 29 405 ont été des notifications de refus, soit un taux de refus de près de 15 %. Par ailleurs, 160 agents spécialement formés sont chargés de contrôler les dossiers de demande et les conditions d'attribution de la prestation. Enfin, il est reconnu au service du contrôle médical une compétence générale qui lui permet d'analyser l'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'AME dans les mêmes conditions que pour les assurés.
Enfin, monsieur le rapporteur spécial, lorsqu'on prétend parler du coût complet, il faut être précis et rigoureux. L'an dernier, vous aviez avancé un chiffre d'un milliard en faisant feu de tout bois – pour user d'une autre expression que celle que vous avez reprise. En effet, non seulement vous preniez en compte une dette de l'État envers la sécurité sociale – ce qui n'a pas de sens puisqu'il s'agit d'un montant accumulé sur plusieurs années –, mais vous reveniez également sur la réforme de la facturation des séjours hospitaliers AME qui a aligné cette facturation sur le droit commun – réforme qui a été en partie votée sous votre majorité – et vous surestimiez largement des coûts liés à la situation de Mayotte.
Si l'on prend en compte, pour 2014, des crédits budgétaires de 722 millions d'euros pour l'AME et des dépenses de 105 millions pour les soins urgents, on est en deçà de 830 millions. La réalité, c'est que ce montant a diminué entre 2013 et 2014, passant de 844 à 827 millions. En effet, la dépense au titre des soins urgents, après avoir fortement augmenté entre 2011 et 2013 à la suite de l'introduction du droit de timbre, passant de 76 à 129 millions, a baissé en 2014. C'est donc bien plutôt la création du droit de timbre qui a constitué une opération d'insincérité budgétaire, puisqu'elle avait conduit à transférer des dépenses de l'AME vers les soins urgents.
Telles sont, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur spécial, les réponses que je souhaitais vous apporter.