La mission « Santé » se compose de deux programmes, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie », lequel comprend deux actions dont celle dédiée à l'aide médicale de l'État. Claude Goasguen vient de souligner que les montants qui y sont consacrés explosent, à tel point que le programme 204 « Prévention » s'en trouve affecté. La Cour des comptes indique en effet, page 15 de celle des analyses complétant son rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2014 qui est consacrée à la mission « Santé », que « l'ouverture de crédits supplémentaires sur le programme 183 a été en partie gagée par l'annulation de crédits du programme 204 ». C'est donc le financement du pilotage de notre politique de santé qui est amputé par le dérapage des dépenses de l'aide médicale de l'État.
C'est d'autant plus dommage et grave que la mission « Santé » est, dites-vous, l'une des priorités du Gouvernement. Je pense notamment aux risques auxquels les jeunes sont exposés, comme le tabagisme, dont vous parlez souvent – la lutte contre le tabagisme est en quelque sorte le résumé de votre « programme de santé » –, la mauvaise alimentation et la consommation excessive d'alcool. Il faut, dites-vous, un programme national de réduction du tabagisme. Vous soulignez notamment l'importance du paquet neutre, mais nous sommes un certain nombre à vous l'avoir dit : vous vous trompez de cible. Vous devriez peut-être vous interroger sur le fait que c'est à l'âge de onze ans que, dans notre pays, on commence à fumer !
Il faudrait donc des actions un peu plus fortes en milieu scolaire, mais les budgets concernés diminuent. Le déficit de médecine scolaire inspire une vive inquiétude au groupe Les Républicains. Notre médecine scolaire est devenue l'une des plus mauvaises d'Europe, avec 1 300 praticiens contre 2 000 en 2001. C'est une très nette diminution et cela signifie, notre pays comptant 12 millions d'élèves, qu'il y a un médecin scolaire pour 10 000 écoliers, et même, par endroits, pour 15 000, compte tenu des inégalités entre territoires. Cette baisse des budgets consacrés à la prévention et cette médecine scolaire squelettique ne peuvent que nous attrister, a fortiori lorsque cette situation est due à la progression d'une aide médicale d'État que vous n'arrivez plus à gérer.
Certains programmes mériteraient d'être développés, comme cela a été souligné par notre collègue Valérie Fourneyron, notamment ceux qui permettent de prescrire une activité physique aux patients atteints de cancer, de douleurs chroniques ou d'autres pathologies dans le cadre de leur traitement. Des expérimentations très sérieuses ont fait la preuve de leur efficacité à Strasbourg et à Marseille. Mobilisons donc quelques crédits à cet effet.
Nous sommes également quelque peu déçus en ce qui concerne la fin de vie. Vous avez annoncé, à grands renforts médiatiques, le développement des soins palliatifs et avancé le montant de 40 millions d'euros supplémentaires inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, mais nous ne disposons d'aucun élément concret sur l'avancement de ce plan. Qu'en est-il donc ?
Le nombre de bénéficiaires de l'AME a dépassé 300 000, et la Cour des comptes prévient que le dynamisme des dépenses, autrement dit leur croissance persistante, compromet la soutenabilité de la mission. Nous constatons donc, encore une fois, une dérive, résultant de la forte augmentation du nombre de bénéficiaires, qui vous a obligée à ouvrir des crédits supplémentaires, comme le rapporteur l'a indiqué. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les crédits de l'AME sont en augmentation. Si un montant de 605 millions d'euros était inscrit en loi de finances initiale pour 2014, l'exécution s'est soldée par une dépense de 760 millions. Pour l'année 2015, vous avez ouvert 677 millions d'euros de crédit et vous prévoyez 744 millions en 2016. Nous ne pouvons qu'être extrêmement inquiets.
Vous indiquez que le recours aux génériques dans le cadre de l'AME est enfin acquis, mais c'est tout de même la moindre des choses ! Vous nous annoncez également que les titres ouvrant droit à l'AME seront sécurisés. Soit, mais nous le réclamions depuis plusieurs années, et nous aimerions des chiffres. Combien de bénéficiaires de l'AME possèdent déjà un titre sécurisé ?
Selon le projet annuel de performances, la réforme du droit d'asile votée cet été aura sans doute quelque influence, et vous-même venez de tenir des propos en ce sens, madame la ministre. Cependant, la Cour des comptes, s'appuyant sur les chiffres d'un service de l'État, la direction générale des étrangers en France (DGEF), nous apprend que 96 % des déboutés restent en France : seules 1 432 personnes déboutées sur 40 206 ont été éloignées. Ce taux d'exécution extrêmement faible nous fait penser que les montants de l'AME ne diminueront pas.
Le groupe Les Républicains voulait souligner cette dérive. Que la politique de prévention de notre pays soit réduite à l'état squelettique au profit de l'aide médicale de l'État nous paraît tout à fait scandaleux et inadmissible.