Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 4 novembre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Égalité des territoires et logement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous le savez, le logement et son corollaire le foncier sont les deux questions les plus sensibles pour un département comme la Guyane, qui voit croître sa population de 4 % par an et aurait besoin de 6 000 logements supplémentaires pour rattraper le retard accumulé, lutter contre l’habitat insalubre et combattre la sur-occupation des logements.

Le logement social guyanais étant financé par la mission « Outre-mer » et la question de l’opération d’intérêt national ayant été abordée en commission élargie, je n’y reviendrai pas ce soir.

Je ne reviendrai pas non plus sur la reconduction dans le prochain plan triennal de l’éco-prêt à taux zéro, sur la prolongation du crédit d’impôt pour la transition énergétique accordé aux particuliers ayant financé certaines dépenses de rénovation énergétique dans leur résidence principale, ni sur l’augmentation du nombre de communes éligibles au PTZ rural. Ce sont de bonnes mesures qui ont d’ores et déjà prouvé leur efficacité et pour lesquelles je ne peux que vous féliciter.

Ce soir, si vous le permettez, je souhaite consacrer mon intervention aux deux pierres d’achoppement dont l’avenir conditionnera mon soutien à ce programme budgétaire. Il s’agit, vous vous en doutez, d’une part du Fonds national des aides à la pierre, qui émeut l’ensemble des acteurs du logement social, et d’autre part de la prise en compte du patrimoine du locataire pour le calcul des APL, mesure particulièrement injuste envers les étudiants. Ceux-ci appellent, dans toute la France, à manifester et à bloquer les établissements scolaires.

Je considère que le Fonds national des aides à la pierre – et le groupe GDR me rejoint sur ce point – est une excellente idée. Ce fonds traduit l’un des engagements du Président de la République selon lequel l’État doit rester un financeur direct du logement social et les aides à la pierre doivent être gérées de façon collégiale.

Le problème est que, dans la forme que vous proposez, ce fonds ne répond absolument pas à ces objectifs, bien au contraire.

Ainsi, alors que le chef de l’État parlait d’une participation effective directe à hauteur de 250 millions d’euros de crédits pour 2016, on se retrouve avec une participation discrétionnaire de l’État qui intervient en complément des cotisations des bailleurs.

Sur les 250 millions d’euros annoncés par le Président, il ne reste au final que 150 millions puisque 100 millions proviennent en fait de la Caisse de garantie du logement locatif social.

Certes, cela permettra de mettre un terme à la gestion verticale de l’attribution des aides à la pierre afin de les repositionner en accord avec les besoins réels observés dans les territoires. Mais cette méthode témoigne indéniablement d’un désengagement de l’État. Nous ne pouvons que le déplorer.

En quoi y a-t-il désengagement de l’État, me direz-vous ? Parce que si on y regarde de plus près, on se rend vite compte que la plus grosse contribution à ce fonds provient des bailleurs sociaux – à hauteur d’environ 270 millions d’euros. Cela revient inéluctablement à faire peser la construction de logements sociaux neufs sur la trésorerie des bailleurs et donc, par ricochet, sur les locataires, alors même que ces derniers font partie de la frange la plus fragile de notre population.

Dès lors, on peut réellement se poser la question de l’opportunité pour un gouvernement de gauche de faire reposer le poids du financement du logement social sur les classes populaires quand on a tant de mal à s’attaquer à des situations bien plus préjudiciables pour les Français ! Je pourrais évoquer ici les niches fiscales à destination des plus aisés ou notre système de lutte contre l’optimisation fiscale, qui demeure très perfectible.

Le deuxième point d’achoppement réside dans la volonté affichée de prendre en compte le patrimoine des locataires dans le calcul des APL et d’introduire un plafond de loyer au-delà duquel l’APL serait dégressive.

Si ce plafonnement est théoriquement une bonne idée pour lutter contre les abus, dans les faits et en fonction des décrets d’application il risque de se révéler un véritable casse-tête dont les premières victimes seront, une fois de plus, les Ultramarins, qui pâtissent du prix extrêmement élevé de l’immobilier du fait de la pénurie de logements.

Les secondes victimes seront tous les locataires du privé qui, malgré de faibles ressources, payent souvent un loyer trop cher pour des logements petits et indignes.

En outre, quid des étudiants en rupture familiale en cours d’année scolaire, qui dépendent toujours du foyer fiscal de leurs parents et dont la réalité économique ne correspond en rien à celle que transcrit la fiche d’imposition qu’ils devront obligatoirement fournir pour constituer un dossier ? Ce sont ces mêmes étudiants qui se retrouvent actuellement sans bourse et sans ressources du fait des délais qu’exige le dépôt d’un dossier de demande de bourse – lequel dossier ne permet pas, dans certains cas, de rendre compte fidèlement de la réalité économique de l’étudiant au moment de la rentrée universitaire.

L’introduction de ce plafond risque de précariser davantage des étudiants déjà défavorisés et de remettre ainsi en cause notre modèle d’ascenseur social.

Alors que moins de 10 % des jeunes Guyanais de 18 à 25 ans entreprennent des études supérieures, faute de moyens et d’accompagnement, on peut aisément entrevoir les conséquences dommageables que pourrait avoir un tel dispositif.

Madame la ministre, vous pouvez supposer que, dans ces conditions, les députés Front de gauche du groupe GDR ne voteront pas ce budget, qu’ils jugent contraire à l’intérêt général, en particulier à celui des classes modestes.

Pour ma part, je serais tenté d’émettre un avis positif compte tenu du rôle que vous avez joué dans le déblocage du dossier OIN – opération d’intérêt national – en Guyane. Cependant, je ne saurais cautionner cette réforme de l’APL que je trouve particulièrement rude pour les Français, notamment pour les étudiants les plus défavorisés. Je ne puis dès lors que souhaiter qu’elle soit écartée par voie d’amendement, et par avance je vous en remercie.

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