Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 5 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le programme « fonction publique » est doté de 232 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 235 millions d’euros en crédits de paiement. Certes, c’est très peu par rapport à la masse salariale, qui s’élève à 82,4 milliards d’euros. Il faut bien conserver le sens des proportions ! Soulignons cette année la création d’une nouvelle action au sein du programme « fonction publique », dédiée à l’apprentissage et dotée de 30 millions d’euros. Cette innovation induit une progression de 15 % de l’ensemble des crédits du programme par rapport à l’an passé. Je ne peux que vous en féliciter, madame la ministre ! Suivre ce bon chemin permettra de reprendre plus globalement la définition de l’apprentissage dans le cadre de l’arrivée sur le marché du travail.

Viser l’objectif ambitieux de 10 000 apprentis au sein de la fonction publique, qui pour l’heure n’en compte que 700, est une excellente chose. Je soutiens activement cette démarche, car l’apprentissage est l’un des meilleurs moyens de développer l’emploi des jeunes de seize à vingt-cinq ans. Je réitère d’ailleurs une proposition déjà formulée l’an passé et cette année en commission élargie. Il s’agit de prendre en compte l’ancienneté résultant des services rendus en tant qu’apprenti dans la fonction publique dans l’accession aux concours internes. Il s’agit à mon avis d’une solution intéressante. Ma proposition s’est malheureusement heurtée à l’article 40 de la Constitution. J’aimerais obtenir un engagement de votre part, madame la ministre, selon lequel le Gouvernement reprendra ma proposition à son compte dans le cadre de la navette parlementaire.

Au-delà de cette question particulière, je voudrais soulever devant vous le problème du cumul d’activités des agents publics. Même si j’ai entendu ce que vous avez indiqué, j’aimerais obtenir un engagement de votre part au sujet des données que nous doit l’administration grâce auxquelles évaluer le cumul d’activités au sein des trois fonctions publiques. Il est essentiel de disposer de données sans lesquelles on ne peut rien faire. Comme vous l’avez souligné, les fantasmes les plus fous courent sur l’absentéisme dans la fonction publique, car depuis quinze ans, en gros depuis la publication du rapport Roché, nous n’avons rien ! Nous ne disposons d’aucun indice à partir duquel réfléchir et travailler véritablement sur ce problème essentiel. Il faut absolument savoir si oui ou non, les fonctionnaires travaillent ! Certains partent du principe qu’ils ne travaillent pas, d’autres disent qu’ils travaillent. Nous avons besoin de chiffres !

Il en va de même du cumul des emplois dans la fonction publique. Pour ce faire, il faut se doter d’outils informatiques qui manquent cruellement dans l’administration et en particulier dans votre ministère, madame la ministre. Sur ce sujet, à propos duquel vous m’avez souvent répondu être déjà très occupée et le remettre à plus tard, je souhaite obtenir un engagement solennel de votre part. Quant aux restrictions apportées au cumul d’activités, elles me semblent injustifiées et parfois disproportionnées. Je vous remercie cependant d’avoir accepté plusieurs amendements que j’ai déposés afin d’autoriser l’exercice d’activités à titre accessoire sous le régime de l’auto-entreprise, ce qui me semble une très bonne chose, et la création ou la reprise d’une entreprise pendant deux ans renouvelables un an au lieu de deux ans non renouvelables comme le prévoyait le projet de loi initial.

En fin de compte, il s’agit d’un choix philosophique. Ne faut-il pas, comme je l’ai déjà proposé, opérer un changement de paradigme et considérer qu’il est plus approprié de promouvoir pour tout fonctionnaire le principe de la liberté de cumuler plusieurs activités professionnelles, sauf bien sûr si un tel cumul a pour effet de porter atteinte à l’intérêt du service public et sous réserve d’être dûment autorisé, au lieu d’interdire tout cumul par principe sauf exception ? Il s’agit certes d’un changement de raisonnement, mais nous nous orientons vers le fonctionnaire pauvre, ce à quoi il faut absolument éviter d’aboutir, car un fonctionnaire pauvre est un fonctionnaire qui n’est pas motivé, et l’absence de motivation entraîne l’absentéisme.

Dès lors que l’État est désargenté, il est selon moi indispensable d’autoriser les fonctionnaires, bien évidemment dans le cadre du respect des missions de service public, à faire éventuellement autre chose que la mission de service public pour laquelle ils ont été choisis. Il s’agit d’un changement de conception, mais je ne vois pas comment on peut faire autrement. Le problème de l’absentéisme est très grave. Il coupe la fonction publique de ceux qui n’y sont pas. On a beaucoup de mal à expliquer comment il peut se faire que 500 000 à 600 000 emplois aient été supprimés dans le secteur privé depuis cinq ans, et aucun dans la fonction publique, sans engagement particulier des fonctionnaires en matière de présence et par là même de qualité du service public.

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