Madame la ministre, nous nous félicitons du changement de tonalité dans le discours sur la précarité et l'exclusion. Lorsque le Premier ministre, à la fin de la conférence nationale, a précisé que la précarité et la pauvreté étaient, non pas une marque d'infamie, mais le fruit d'un processus, l'ensemble des acteurs a été rassuré sur le sens de l'action menée.
Nous sortons en effet de dix ans de politiques publiques erratiques et de discours stigmatisants sur l'exclusion. La droite, après avoir asséné des principes sur la fraude, a finalement réussi à convaincre les Français que le système était injuste. Je me réjouis que la réflexion se déroule aujourd'hui dans un climat de sérénité, sans invective et sans jeter l'opprobre. Cela n'empêchera pas les évaluations et les contrôles. Encore faudra-t-il y affecter les moyens nécessaires, ce qui n'a pas été le cas au cours des dix dernières années.
Nous notons deux marqueurs forts. D'une part, la prise en compte des personnes qui passent de sujets à acteurs puisqu'ils seront désormais associés aux décisions prises au sein des différentes instances. D'autre part, l'instauration d'un plan pluriannuel qui permet de s'inscrire sur les cinq prochaines années en s'appuyant sur des groupes de travail, de prendre des engagements précis et de faire le point régulièrement. Nous nous réjouissons à cet égard que le comité interministériel soit réactivé.
Nous nous félicitons que les mesures annoncées concernent tous les champs de la vie des personnes. C'est la globalité des situations qui est prise en compte – école, crèche, cantine, prestations familiales, santé, logement, surendettement, emploi. Les personnes ne seront plus considérées comme autant de dossiers à traiter entre les différentes instances, au fil des compétences des uns et des autres. Nous allons travailler sur tous les aspects de la vie quotidienne. D'autant qu'il n'y a pas de petits sujets lorsqu'on parle de frais bancaires, de la date de leur prélèvement, de la domiciliation, de l'accès aux droits, de simplification administrative : on élabore au contraire les conditions de la réussite d'un dispositif qui n'oublie ni l'enjeu général ni les détails, ces derniers pouvant transformer la vie lorsqu'ils la simplifient.
Des bénéficiaires de différents dispositifs nous ont expliqué qu'ils avaient souffert de la stigmatisation dont ils avaient fait l'objet. Ils nous ont ainsi raconté que bénéficier d'un contrat aidé revenait à être considéré comme un « cas social », qu'aller à la Poste, certains jours, c'était se faire repérer comme un allocataire du RSA. Lorsque nous nous attaquerons à ces questions, nous résoudrons donc une partie de leurs difficultés.
Nos interrogations visent à enrichir la réflexion. Elles portent sur la gouvernance, sur les moyens et sur le calendrier. Un grand chantier est annoncé sur le RSA activité. N'est-ce pas le moment de remettre à plat toutes les politiques d'insertion ? Et alors qu'on parle également du RSA jeune, de revoir tout ce qui concerne le CIVIS ? On parle d'un nouveau contrat de garantie. Peut-être est-il temps d'avoir une politique d'ensemble et de retravailler sur la question du retour à l'emploi. L'enjeu est de faire reculer la pauvreté, peut-être de détruire la misère, comme le réclamait déjà Victor Hugo en 1849. Donnons-nous les conditions de la sortie des dispositifs aidés pour que les personnes retrouvent leur pleine et entière autonomie.