Intervention de Louis Gallois

Réunion du 20 novembre 2012 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Louis Gallois, Commissaire général à l'investissement :

Le contexte général est marqué par des budgets de défense en baisse dans les pays de l'OTAN, contrairement à des États comme l'Inde, la Corée du Sud ou le Brésil. La part des exportations sera dans ces conditions d'autant plus importante.

La France a été provisoirement épargnée mais les contraintes budgétaires conduiront à des restrictions dès 2013. Quant à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne, elles ne font pas non plus exception à cette tendance générale et les pays d'Europe du Sud ont pratiquement arrêté d'investir, à l'exemple de l'Espagne, qui est un partenaire important de l'industrie de défense française.

Dès lors, les perspectives industrielles sur les marchés européen et américain sont en baisse et ne peuvent être compensées que par des exportations vers d'autres marchés, lesquelles feront l'objet d'une compétition farouche. Les industriels américains notamment sont en train de revenir à l'exportation : on le voit en particulier dans des pays comme l'Inde, même si cet État a choisi la solution française pour les avions de combat.

L'autre caractéristique actuelle est la difficulté à construire l'Europe de la défense, la presse parlant même de « feu l'Europe de la défense ». Or, sans cette dernière, la constitution d'une Europe industrielle de la défense ne sera pas facile. Pourtant, la solution d'une partie de nos problèmes peut être trouvée dans la conjonction des efforts européens.

Nous nous orientons donc vers une nécessaire adaptation de l'industrie de défense. Celle-ci touchera au format de cette industrie – en Europe comme probablement en France – et posera la question des restructurations ou rapprochements possibles.

Ayant assisté de loin au projet BAE-EADS, je considère qu'il s'agit d'une chance historique ratée de constituer une entreprise européenne de grande dimension, très équilibrée entre le civil et le militaire et ouverte sur le marché américain – lequel est décisif, le budget américain représentant entre 40 et 50 % des budgets mondiaux de défense.

Cette fusion aurait permis aussi de renforcer la gouvernance de l'Eurofighter et l'actionnariat de MBDA.

Quelle peut être dès lors la politique des pouvoirs publics dans ce domaine ?

En premier lieu, ils peuvent soutenir l'industrie de la défense à l'exportation. Globalement, la France le fait assez bien par rapport à ses partenaires, même si des améliorations sont toujours possibles. Elle le fait même mieux que les Britanniques, en raison de son savoir-faire, de son organisation et de l'action de la direction générale de l'armement (DGA) et, en son sein, de la direction chargée des relations internationales.

Deuxièmement, l'État va devoir examiner si des restructurations industrielles sont nécessaires en France.

Troisièmement, il aura à faire des choix, lesquels doivent privilégier la recherche et développement ainsi que les études amont. On peut toujours adapter un appareil industriel, ce qui est parfois difficile sur le plan social, mais si nous perdons nos bureaux d'études, nous perdrons l'industrie : il faut donc préserver une certaine masse critique en la matière.

En quatrième lieu, l'État doit s'occuper de politiques européennes, même s'il ne faut pas fonder trop d'espoirs là-dessus. Il s'agit de rechercher si des programmes peuvent être menés en commun à deux ou trois pays, sachant que plus aucun programme d'envergure ne sera national en dehors de la force de dissuasion.

Ces programmes pourraient porter sur les drones ou les satellites d'observation, sans parler de l'A400 M – qui est maintenant sur les rails – ou des avions de combat, pour lesquels c'est encore trop tôt.

MBDA est engagé sur des programmes franco-britanniques, qu'il est important de préserver, dans la mesure où ils sont porteurs de technologies et de capacités. Il s'agit notamment du missile antinavire, de la nouvelle génération de l'Aster ou du successeur du Milan.

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