Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Un mot sur la demi-part. Pourquoi avons-nous, en 2008-2009, procédé à sa suppression ? Si nous avions gagné les élections en 2012, ce qui vient de se produire ne se serait pas produit. (Sourires et exclamations.)

En 2008, cette demi-part que l'on avait, à plusieurs reprises, essayé de réformer au cours de la décennie précédente était attribuée à toute personne seule dont les enfants constituaient leur propre foyer fiscal. Autrement dit, si un couple marié ayant élevé des enfants divorçait, des années après que les enfants avaient quitté le foyer familial pour vivre leur propre vie, chacun des conjoints continuait de bénéficier d'une demi-part. Je me souviens avoir défendu la suppression de la demi-part en expliquant que Mme Dupont divorcée de M. Dupont devenue follement amoureuse de M. Durand, divorcé de Mme Durand, ne pouvait pas épouser M. Durand, sans quoi ils risquaient de perdre chacun le bénéfice d'une demi-part. Or cette demi-part dite « vieux parents » coûtait 1,6 milliard d'euros, et le gouvernement de l'époque souhaitait la supprimer purement et simplement.

Un examen plus attentif révélait cependant trois problèmes, qu'il fallait résoudre.

Tout d'abord, il y avait des personnes seules qui avaient élevé seules leurs enfants, et qui, au regard des sacrifices que cela représentait, méritaient de conserver cet avantage fiscal. Avec Charles de Courson, qui avait relevé ce problème, nous avions donc rédigé un amendement permettant de laisser le bénéfice de cette demi-part à toute personne seule qui avait élevé seule un enfant pendant au moins cinq ans. Cela nous avait valu quelques sarcasmes, notamment sur les modalités de vérification de cette condition de cinq années. Nous avions cependant obtenu gain de cause.

Ensuite, selon le projet du gouvernement de l'époque, la suppression devait être étalée sur une période de trois ans. Nous avons porté ce délai à cinq ans, non pour produire le bug fiscal que vous connaissez aujourd'hui, mais parce que l'avantage maximal que procurait cette demi-part, en termes d'impôt sur le revenu, représentait tout de même un montant de 900 euros. Nous avons donc prévu une diminution progressive de ce plafond pour arriver à 120 euros en dernière année, en 2013, donc.

Restait encore le problème des veufs et des veuves, et des personnes seules dont les ressources étaient très faibles. Il était impossible de traiter la question des veufs et des veuves à part : le Conseil constitutionnel avait censuré la première tentative de réforme de la demi-part, en 1996, au motif qu'elle était réformée pour les personnes célibataires et divorcées, et non pour les veufs et les veuves, ce qu'il qualifiait de rupture d'égalité devant l'impôt. De ce point de vue, nous connaissions la jurisprudence, explicite. Ne demeurait plus que la question des personnes seules ayant de petits revenus.

Dès cette époque, nous avions mis en garde sur la dernière année d'application de la mesure parce que, même si le plafond de l'avantage maximal retiré pour l'impôt sur le revenu n'était plus qu'à 120 euros, le revenu fiscal de référence pris en compte pour l'octroi des exonérations de taxe d'habitation et de taxe sur le foncier bâti se trouvait quant à lui majoré de 2 850 euros, du fait de cette demi-part. La solution pouvait consister soit à réduire en biseau la majoration du revenu fiscal de référence, soit à conserver une demi-part à dix euros, par exemple. Tout cela a déjà été dit au cours des débats.

C'est Christian Eckert qui, à l'époque, s'était opposé le plus violemment à cette réforme. Pourtant, en 2012 elle a été maintenue et même consolidée. Lorsque le Gouvernement a fiscalisé la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu au moins trois enfants, Charles de Courson avait appelé l'attention sur le cas de veuves et veufs de la fonction publique. Pour eux, en effet, avec le régime de retraite IRCANTEC, il peut arriver que la majoration représente en réalité 30 % du revenu. Nous l'avions mis en garde ici même sur le fait que la suppression de la demi-part allait aggraver les choses et qu'il faudrait une coordination avec le critère de RFR applicable pour certaines exonérations. Mais rien n'a été fait. J'en tire une fois de plus la conclusion que si le Gouvernement écoutait un peu plus les membres de la commission des finances, tant l'opposition que la majorité, nous n'en serions pas là aujourd'hui.

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