Intervention de Nathalie Andrieux

Réunion du 20 octobre 2015 à 18h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Nathalie Andrieux, membre du Conseil national du numérique, CNN, chargée du groupe de travail du CNN sur l'emploi, le travail et le numérique :

Je vais m'exprimer à deux titres. D'abord, comme patronne d'entreprise, ce qui m'a amenée à mettre en place des dispositifs en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, en m'appuyant notamment sur le numérique comme accélérateur. Ensuite, comme chargée du groupe de travail du CNN sur l'emploi, le travail et le numérique, qui a commencé ses travaux il y a seulement deux mois, mais sur lesquels je peux vous fournir aujourd'hui quelques premières pistes de réflexion.

Pour le Conseil national du numérique, la question des femmes et de leur place grâce ou à cause ou par le numérique a toujours été une question centrale, y compris dans notre précédent rapport Ambition numérique, pour une politique française et européenne de la transition numérique, publié en juin 2015. Nous considérons en effet que le numérique, en changeant profondément l'entreprise, est une occasion à saisir pour rendre effective l'égalité femmes-hommes. Car si les quotas ont amélioré la présence des femmes au sein des conseils d'administration, les choses sont beaucoup plus compliquées au niveau des comités de direction, les « codir », et des comités exécutifs, ou « comex ».

Dans le cadre de nos travaux, nous nous sommes demandé pourquoi l'impact du numérique sur le travail revêt une telle ampleur par rapport à celui d'autres transformations précédentes, comme la révolution industrielle. L'explication est que si les postulats existent toujours, ils sont par contre amplifiés par le numérique. Un exemple : la question de la rigidité du cadre de l'emploi était déjà posée il y a quinze ans, mais elle prend aujourd'hui une dimension âpre car toute rigidité constitue un frein à l'accélération qui caractérise notre environnement actuel.

Nous avons organisé une quarantaine d'auditions – sociologues, économistes, patrons d'entreprise, chercheurs –, afin d'élaborer notamment une cartographie du numérique en termes de créations ou de suppressions d'emplois, de secteurs et de professions concernés, etc. Mais pour l'instant, nous ne pouvons pas prédire si le numérique supprimera des emplois ou pas, si l'automatisation concernera davantage les emplois à faible valeur ajoutée ou certaines professions intellectuelles, car les avis sont contradictoires.

Par contre, ces auditions ont montré qu'il existe des points de stabilité. Par exemple, si certains experts pensent que le numérique, qui représente d'ores et déjà 5,5 % du PIB, créera beaucoup plus d'emplois qu'il n'en détruira, quand d'autres pensent l'inverse et d'autres encore ne le savent pas, tous se rejoignent cependant pour dire que les emplois qui subsisteront seront ceux qui nécessiteront de la créativité, de l'intelligence émotionnelle, de l'intelligence relationnelle. Certains même disent que la force de demain sera le couple robotisationhumain.

À partir de ces points de stabilité, nous avons identifié six axes, sur la base desquels nous pouvons émettre de premières pistes d'amélioration.

Le premier axe est le dialogue social et le numérique.

Le deuxième axe concerne les indicateurs. En effet, les avis convergent pour dire que les indicateurs actuels ne sont pas pertinents : ils devraient être revus, en prenant notamment en compte les problématiques qui touchent les femmes.

Le troisième axe est lié à la fin du salariat – salariat au sens de l'emploi tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est-à-dire avec le statut qui s'y rattache. La distinction a été faite entre les notions d'emploi, de travail et d'activité, laquelle intègre des activités marchandes et non marchandes. Nous allons nous efforcer de définir ces notions, qui renvoient toutes à la création de valeur.

Le quatrième axe porte sur l'évolution de l'entreprise. Les avis convergent pour dire qu'il faut faire évoluer l'entreprise, mais aussi évoluer au sein même de l'entreprise. Faute de quoi, l'entreprise risque de disparaître, à la faveur de l' « uberisation », et les salariés évolueront sans elle, ce qui posera la question de la précarité. Or les populations les plus précaires sont les jeunes et les seniors, mais aussi les femmes.

Dernier axe : les représentations mentales. Il ressort des auditions qu'il faut casser les stéréotypes, extrêmement forts. Nous en avons identifié un certain nombre, en particulier concernant les femmes.

Nous n'avons pas abordé notre rapport sous l'angle du genre. En revanche, en relisant les comptes rendus d'auditions – les experts étaient en majorité des hommes –, j'ai été frappée de constater que seules les femmes auditionnées ont abordé la question des femmes. C'est un point d'attention extrêmement fort dans une société où les dirigeants d'entreprise restent des hommes, où ceux qui détiennent l'information restent des hommes – la polémique récente sur les réseaux sociaux à propos de la garde du corps grecque de François Hollande, qualifiée de « jolie, grande, blonde » par Le Figaro, est tout à fait symptomatique. Dans la lutte contre les préjugés et les stéréotypes, l'État doit être garant de l'égalité hommes-femmes à tous les niveaux.

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