Une chaîne logistique n'est efficace que si chaque maillon de la chaîne est optimisé : une logistique de transport ne peut se concevoir que du premier au dernier kilomètre. Or, en dépit de l'importance de notre façade maritime, nos portes d'entrée maritime sont moins performantes que les grands ports européens. Si on considère l'importance des flux de marchandises, il est juste de dire que les principaux ports français ne se situent pas en France.
Il est vrai que la France, à la différence des Pays-Bas, par exemple, n'a jamais eu de grandes ambitions en termes de transport, alors qu'elle dispose d'un très vaste territoire. Elle n'a pas suivi non plus l'exemple allemand, qui s'appuie, d'une part sur des ports très solides, d'autre part sur un maillage logistique et des transports terrestres performants.
Le fer et la route sont par nature complémentaires parce qu'il ne peut pas y avoir de concurrence directe entre ces deux modes de transport. Le transport routier permet des délais plus rigoureux et des envois moins massifiés, plus conformes aux évolutions de la production. C'est le mode de la souplesse, du porte-à-porte, de la moyenne distance et de la rapidité par excellence.
La comparaison terme à terme des avantages de chacun de ces deux modes est cependant compliquée par le fait que l'entreprise SNCF est aujourd'hui le premier transporteur routier français. Dans le domaine du fret, le chiffre d'affaires de la SNCF ne cesse de régresser sur le rail et de progresser sur la route, au point qu'il est aujourd'hui sensiblement plus important sur la route que sur le fer ; l'État actionnaire montrant le mauvais exemple, voilà qui est quelque peu paradoxal ! Ce n'est pas propre en tout cas à encourager le report modal.
L'État manque également d'une véritable politique environnementale dans le domaine des transports. Le Grenelle a indiscutablement posé de bonnes questions, mais n'a pas apporté de bonnes réponses – nous savons que la taxe poids lourds n'a pas grand-chose à voir avec l'environnement. La lutte contre les gaz à effet de serre devrait plutôt s'inspirer des politiques européennes de réduction des rejets de gaz polluants : la fixation de normes européennes d'émission, jusqu'à l'application, à compter du 1er janvier 2014, de la norme Euro 6, plus exigeante pour nous que pour les voitures, aura permis de réduire de 95 % en vingt ans l'émission de ces gaz. C'est la bonne méthode : il vaut mieux verdir plutôt que bannir. Il est illusoire de penser qu'on favorisera le report modal, par une réglementation arbitraire ou par une taxation, puisque nous sommes d'ores et déjà excessivement fiscalisés.
Ce que nous demandons, c'est une véritable politique des transports, qui favorise le développement du multimodal et de l'intermodal tout en nous permettant de répondre aux besoins de l'industrie et de notre société de consommation. Il faut savoir que 99,5 % des objets de notre environnement quotidien ont été transportés par un camion : c'est là une donnée incontournable.
On ne peut pas envisager la problématique du transport massifié sans distinguer entre transport interurbain et transport urbain. À l'évidence, le modèle de la logistique urbaine – ce qu'on appelle le transport du dernier kilomètre – reste à inventer : ce sera l'enjeu des prochaines années. On peut imaginer des flottes captives de véhicules soumis à des normes environnementales spécifiques, pourquoi pas électriques. La logistique du transport interurbain sera naturellement différente, et ce serait commettre une lourde erreur que de ne pas différencier les approches.
Nous ne sommes pas encore en mesure d'évaluer l'impact du crédit d'impôt sur l'activité des entreprises du secteur. Je me contenterai donc de faire deux remarques. Premièrement, le déficit de compétitivité vis-à-vis des autres pays européens dont souffrent nos activités de transport est pour nous un problème prioritaire, et nous sommes demandeurs d'une réponse gouvernementale. Alors que le gouvernement précédent avait retenu le principe de la TVA sociale, le gouvernement actuel a choisi le crédit d'impôt. En tout état de cause, il faut impérativement améliorer la compétitivité de nos entreprises si on veut préserver l'emploi français. Jusqu'à présent, la culture de nos entrepreneurs fait qu'ils identifient la nationalité de l'emploi à celle de l'entreprise mais cela ne durera pas.
Cependant, notre déficit de compétitivité est tel que des mesures générales ne suffiront pas à le combler, d'autant qu'il faudra raisonner à fiscalité égale : il faudra donc imaginer des transferts de charges sur d'autres facteurs que le travail.