Intervention de Bruno Léchevin

Réunion du 28 octobre 2015 à 12h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Bruno Léchevin, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ADEME :

Oui, naturellement. Ce document est en ligne sur le site de notre agence, mais il reste possible d'organiser une remise officielle. Le véhicule électrique émet peu de pollution et coûte peu cher à l'usage, mais sa construction revient cher et induit quant à elle des émissions polluantes plus significatives.

En fait, il n'y a pas de solution idéale, mais un optimum à rechercher selon les différents usages. Tel pourrait être d'ailleurs le fil conducteur du court exposé liminaire que je voudrais vous présenter. Il se divisera en trois parties. Je vous livrerai d'abord des éléments de contexte, puis je plaiderai pour la nécessité de développer un mix énergétique diversifié, avant d'ouvrir la perspective sur l'avenir et sur les programmes d'investissement d'avenir relatifs à la manière de nous déplacer demain.

Le secteur des transports est à la fois très consommateur d'énergie et très émetteur de gaz à effet de serre. Il représente en effet 35 % des émissions de CO2 et 32 % de la consommation d'énergie finale en France. La part des voitures particulières dans la consommation d'énergie du secteur est de près de 61 %.

Il est par ailleurs fortement responsable de la dégradation de la qualité de l'air en France et contribue, en 2012, à 54 % des émissions d'oxyde d'azote (NOx), 14 % des émissions de particules fines en suspension (ou particulate matters) PM10 et 17 % de celles de PM2,5.

C'est également un secteur ayant des impacts économiques forts, avec un poids important sur la facture énergétique française, plus de 90 % des carburants utilisés étant issus du pétrole. Pour finir, c'est aussi un secteur à fort enjeu social, concernant notamment le problème de la dépendance vis-à-vis de l'automobile en zones rurales ou péri-urbaines, non desservies par les transports en commun.

En résumé, les transports sont un secteur clé pour la lutte contre le dérèglement climatique et la pollution de l'air, mais leurs impacts vont bien au-delà. Ils sont au coeur de nombreuses problématiques de développement durable de notre pays.

J'en viens à la nécessité de développer un mix énergétique diversifié. Le progrès technique et la diversification énergétique constituent un volet d'actions essentiel pour réduire l'impact énergétique et environnemental de l'automobile. Cependant, l'ADEME insiste sur la nécessité d'adopter une approche de neutralité technologique. Nous ne sommes pas dans une logique consistant à dire que telle ou telle énergie est à bannir. Nous regardons les choses de façon factuelle et pragmatique, et constatons qu'aujourd'hui et pour encore longtemps, il y a de la place pour tout le monde.

Certes, certaines technologies présentent des avantages car elles ne nécessitent pas de systèmes de dépollution susceptibles de dysfonctionner et donc présentent moins de risque de dérives en situation réelles. C'est le cas par exemple de l'électromobilité et des carburants gazeux. Le gaz naturel pour véhicules (GNV) en particulier présente également l'intérêt fondamental de pouvoir évoluer vers du BioGNV. C'est aussi potentiellement le cas du GPL, avec le Biopropane. Ces carburants ouvrent donc la voie à plus d'énergies renouvelables, et à une meilleure collaboration entre les réseaux énergétiques.

En Rhône-Alpes, l'ADEME soutient actuellement le projet Équilibre, qui aide des transporteurs à couvrir le surcoût d'acquisition de camions GNV jusqu'à en regrouper une quinzaine, seuil d'amortissement d'une station GNV sans aide publique. Les transporteurs sont très demandeurs d'un déploiement large du GNV. Cela peut représenter environ 200 000 euros d'aides pour un ensemble quinze camions et une station, avec un effet de levier égal à 10. Ce soutien pourrait être financé sur le fonds de financement de la transition énergétique (FFTE).

À l'ADEME, nous croyons qu'il faut développer un mix énergétique diversifié parce que c'est cela qui permettra de tirer le meilleur parti des énergies renouvelables. Toutes les énergies et technologies auront leur place, Diesel, hydrogène, etc., et il faudra surtout veiller à les utiliser dans leur sphère de meilleure performance environnementale, et là où elles sont le plus adaptées d'un point de vue pratique. Par exemple, dans l'état actuel de la technique, le véhicule électrique n'est pas adapté pour un Paris-Marseille mais un Diesel l'est. La meilleure solution reste cependant un train bien rempli !

Pour certaines énergies, il faudra commencer par développer les usages captifs, sur des flottes de véhicules. L'hydrogène a de son côté un statut particulier, car c'est plus qu'une énergie de mobilité. C'est un vecteur énergétique global qu'on peut stocker, produire à partir d'autres sources, etc.. Il y a donc toute une infrastructure à développer, avec des liens dans le déploiement des réseaux intelligents (smart grids) et des logiques véhiculebâtiment et véhiculeréseau. De ce fait, dans nos visions énergies, son déploiement est vu à un horizon plus lointain que le GNV ou les véhicules électriques à batteries.

Ouvrons enfin des perspectives sur la manière dont nous déplacerons demain. La réponse à la réduction des impacts énergétiques et environnementaux de l'automobile ne pourra pas être que technologique.

L'amélioration de la performance des véhicules aura évidemment un impact positif, mais cela ne suffira pas. Il faut aussi une évolution des comportements pour optimiser les flux de déplacement, réduire le nombre de trajets, augmenter les taux de remplissage des véhicules, etc.

Pour faire simple, l'objectif est de pouvoir utiliser chaque moyen de transport au meilleur de ses capacités, sur l'usage pour lequel ses impacts environnementaux sont les plus faibles. Ceci passe par une évolution des comportements qui visera à combiner les moyens de transport pour aller d'un point A à un point B, plutôt que de recourir à un mode unique, en particulier la voiture personnelle, pas toujours pertinente. Elle n'est qu'une solution parmi d'autres, que l'on peut partager avec d'autres utilisateurs, comme pour le covoiturage ou l'autopartage. Nous devons passer d'une logique de possession à une logique d'usage et de partage. C'est la fameuse notion de véhicule « serviciel ».

Par ailleurs, il faut également que nous reconsidérions les modes « actifs », comme le vélo ou la marche. Trop souvent, le déplacement motorisé est devenu un réflexe, alors que beaucoup de déplacements peuvent se faire à pied, voire ne pas se faire du tout.

Pour les déplacements des personnes, nous irons vers plus d'intermodalité, pour combiner différents moyens de transport entre eux, les transports en commun et les modes actifs en tête. La situation sera évidemment très différente entre les zones urbaines et rurales, suivant la disponibilité de l'offre. Les technologies de l'information et de la communication joueront un rôle clé car elles permettront de proposer des itinéraires multimodaux avec une information mise à jour en temps réel.

L'ADEME suscite, expérimente et accompagne évidemment ce mouvement dans ses différentes actions. Elle apporte notamment un soutien fort au développement de technologies performantes et adaptées aux évolutions des usages, ainsi qu'aux solutions organisationnelles innovantes : programme de Recherche et Développement ; programme de caractérisations des technologies ; enveloppe Investissements d'avenir au titre des programmes « Véhicule du futur » (PIA1) et « Véhicules et transports du futur » (PIA2).

Les investissements d'avenir représentent début 2015 pour l'ADEME plus de 180 projets soutenus, et un montant d'aide de 1,33 milliard d'euros pour un coût total des projets de 4,14 milliards d'euros. Les transports et la mobilité en représentent une part importante, et mobilisent actuellement huit appels à projets, dans le ferroviaire, la logistique et l'intermodalité, le véhicule dans son environnement, la route du futur, la mobilité du futur, les navires du futur, les ferries propres, le déploiement des bornes de recharge électriques, plus une initiative réservée aux PME.

Plus spécifiquement, l'action « Véhicules et transports du futur » du PIA, dotée de 1,12 milliard d'euros, accompagne et renforce la capacité d'innovation des entreprises (grands groupes, établissements de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME)) et des organismes de recherche notamment dans le secteur du transport routier, contribuant à accélérer le développement et le déploiement de technologies et d'usages de mobilité terrestre innovants moins consommateurs en énergies fossiles.

Ce sont, en quelques chiffres, dix appels à projets destinés au secteur du transport routier ouverts depuis 2010 ; 42 projets décidés pour financement ; 1,1 milliard d'euros d'investissements par les bénéficiaires des projets décidés ; 262 conventions de financement signées ; 350 millions d'euros d'aides au titre des investissements d'avenir engagés (38 % de l'aide sous forme de subvention, 62 % en avance remboursable)

L'appel à projets en cours « Véhicule et mobilité du futur Édition 2015 » est ouvert jusqu'au 1er octobre 2016. Les axes soutenus sont les technologies et innovations permettant l'amélioration des performances des véhicules, les technologies et innovations sur le véhicule connecté ou le véhicule autonomeautomatique ; l'expérimentation d'usages et services innovants de mobilité des personnes comme des biens.

En 2015, a également été ouverte une action intitulée Initiative PME pour accompagner et renforcer la capacité d'innovation des PME dans le secteur du transport routier notamment. Répondant aux besoins des PME, les prochaines initiatives sont programmées jusqu'en 2017. Elles seront fondées sur la simplicité, la réactivité et l'attractivité, grâce à des dossiers de candidature simplifiés, à des décisions de financement six semaines après dépôt d'un dossier et à une subvention forfaitaire de 200 000 euros pour tous les lauréats. Pour la première édition, 40 projets d'entreprise ont été financés sur 89 dossiers reçus.

Voici trois exemples de projets soutenus. Le projet OPTI'MOD LYON permet d'améliorer la mobilité des particuliers, des professionnels et du fret en milieu urbain en fournissant en continu des informations : prévisions de trafic à une heure, navigateur multimodal sur téléphone mobile, guidage sur mobile pour les conducteurs de fret... Le projet EOLAB est un concentré d'innovations pour les voitures de demain –aérodynamique, allégement, motorisation hybride, connexion– pour atteindre une consommation très basse, jusqu'à un litre aux cent... Ce projet doit être connu du grand public, qui doit pouvoir se l'approprier.

Enfin, le projet Hybrid'air de récupération et restitution d'énergie via la compression d'un gaz permet globalement une baisse de consommation d'un tiers pour des voitures essence. Ce projet abouti n'est pas encore commercialisé, faute de partenaire industriel s'engageant aux côtés de PSA.

Parmi les questions stratégiques auxquelles doivent répondre les constructeurs : faut-il changer de métier, et passer de la vente de véhicules à la vente de mobilité ? Est-ce qu'à l'avenir c'est Google qui rédigera le cahier des charges des véhicules, qui deviendront simplement des supports de services de mobilité sophistiqués ? Comment aider les constructeurs français dans ces évolutions ? De ce point de vue, le bel outil que nous gérons pour le compte de l'État, le PIA, peut être une belle opportunité même si nous commençons à réfléchir pour qu'il soit encore plus adapté afin d'aider nos constructeurs à mieux répondre au défi de l'arrivée du numérique. On n'est plus seulement à vendre des objets avec des modèles d'affaires qui vont bien, mais on doit permettre, au travers d'un soutien avec des subventions appropriées, de pouvoir tester des services de mobilité innovants, d'avoir les territoires pour le faire. On est donc davantage dans du test organisationnel, avant d'engager le développement d'éventuels futurs objets de mobilité.

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