Intervention de Gérard Sebaoun

Réunion du 9 novembre 2015 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun, rapporteur pour le titre liminaire et le titre premier :

Il n'est évidemment pas question de faire ici le procès de nos viticulteurs, qui ont beaucoup progressé, ces quarante dernières années, et la viticulture est effectivement un facteur important de dynamisme pour de nombreuses régions. Il n'en est pas moins question de santé publique. De même, il n'y a pas, d'un côté, les prohibitionnistes et, de l'autre, des agents du lobby viticole. Tenons-nous en à des éléments factuels.

La première fois que Denys Robiliard m'a expliqué qu'un problème juridique se posait à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation, je n'y comprenais rien – et je ne suis pas formé pour savoir si la Cour a tort ou raison. Après avoir assisté à des débats assez vifs, pour ne pas dire violents, je me suis intéressé à la question de manière plus générale. N'était-il question que d'un tout petit accroc à la loi Évin ? Ou bien voulait-on faire passer un gros chat par le chas de l'aiguille ?

Vous dites, chers collègues, vouloir améliorer la loi Évin, grâce à cet article 4 ter issu des travaux du Sénat, qui a pour objet d'insérer un article L. 3323-3-1 après l'article L. 3323-3 du code de la santé publique. Je vous invite cependant à lire l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, issu de la loi Évin. Le second alinéa est ainsi rédigé : « Cette publicité peut comporter des références relatives aux terroirs » – précisément le mot qu'a employé M. Lurton – « de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine […] ou aux indications géographiques ». Ainsi, quoi que vous en disiez, cette question du terroir et des indications géographiques est déjà prise en compte par le droit actuellement en vigueur.

Je me suis également demandé si quelque « publicité cachée » n'était pas pratiquée du côté non des viticulteurs mais, plus généralement, des alcooliers et si des associations ne promouvaient pas l'alcool sous un jour très ludique, ou très doré. J'en donnerai deux exemples. Dans tous les concerts de musique, notamment au très connu festival Rock en Seine, vous trouvez une association : Pression Live, qui existe depuis dix ans. Or qui est derrière Pression Live ? Un brasseur, dont je ne citerai pas le nom. Ensuite, connaissez-vous Entreprise & Prévention ? Cette association fut même partenaire de l'éducation nationale et a lancé une opération intitulée « Espace » dans le Limousin. Née en 1990, et soutenue par l'ensemble de la filière et des alcooliers, cette association est devenue le 6 octobre 2015 – est-ce un symbole ? je ne sais – Avec modération ! L'ensemble des alcooliers sont donc réunis – la composition du conseil d'administration en fait foi – dans une association qui s'appelle « Avec modération ! »

Les alcooliers nous vendent donc l'idée de la consommation responsable. Je considère que je suis un consommateur responsable. Si vous buvez du vin ou de l'alcool, beaucoup d'entre vous, chers collègues, sont des consommateurs responsables, j'en suis persuadé. Représentez-vous cependant la déviance que cela représente. Si les territoires ne sont pas empêchés, aujourd'hui, de faire de la publicité, nous avons, d'un autre côté, des entreprises qui font la promotion de leurs produits, en faisant la promotion de la prévention, de la modération.

Le petit travail que j'ai fait et mes rencontres avec ceux qui s'occupent de prévenir et de soigner l'alcoolisme aigu ou chronique m'a donné la conviction, indépendamment de cette question juridique soulevée par mon collègue Robiliard et d'autres, sur laquelle je suis incapable de me prononcer, qu'il serait bon de ne pas toucher à la loi Évin. N'oublions pas ce que peut représenter l'alcool, et cela n'emporte aucune action hostile aux viticulteurs – je ne veux pas, monsieur Accoyer, d'autodafés !

La position de Mme la présidente me paraît donc devoir être soutenue. Je suis favorable à cet amendement.

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