Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 4 novembre 2015 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

À vingt-six jours de l'accueil par la France de la 21e Conférence des parties (COP21), le débat sur l'instauration d'un droit humain à l'eau potable et à l'assainissement revêt une dimension hautement symbolique.

Hier, nous avons eu le plaisir d'entendre dans l'Hémicycle M. Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain et de débattre avec lui de la mise en place d'un plan d'urgence d'accès à l'électricité et à la lumière pour le continent africain. Il nous a présenté la recommandation, adoptée à l'unanimité par le Parlement panafricain le 7 octobre dernier, validant l'initiative de la Fondation Énergies pour l'Afrique, présidée par M. Jean-Louis Borloo. Il s'agit là d'un magnifique défi pour la décennie à venir, porté de surcroît par un ancien ministre français, un défi qui est en passe d'être relevé, ce dont nous pouvons être fiers.

Ce défi met en lumière d'autres enjeux vitaux, pour notre pays cette fois-ci, que l'on avait tendance à négliger. En effet, si aujourd'hui 99 % des Français accèdent à l'eau, près de 1 million de ménages n'y ont accès qu'à un prix considéré comme excessif, puisque leur facture d'eau dépasse 3 % de leurs revenus.

En novembre 2013, le nombre de bénéficiaires de tarifs sociaux en matière d'énergie s'élevait à 4 millions. Ce chiffre démontre une nouvelle fois la précarité énergétique dans laquelle se trouvent bon nombre de nos concitoyens, alors que notre pays fait partie du club des pays riches.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui pose ainsi le débat à sa juste place, en proposant des outils visant à répondre à cet enjeu majeur de santé publique que constitue l'accès naturel à l'eau potable et à l'assainissement. Il est en effet essentiel qu'un combat de cette nature transcende les clivages politiques traditionnels pour faire l'objet d'un consensus politique le plus large possible.

Avec mes collègues du groupe Union des démocrates et indépendants, nous souhaitons que le germe de l'unité républicaine porté par cette proposition de loi trouve sa traduction dans les débats à venir au sein de cette commission puis dans l'Hémicycle, et que les remarques des uns et des autres y trouvent leur place, afin que nous parvenions à construire ensemble une grande loi consacrant le droit humain à l'eau potable et à l'assainissement dans notre pays.

Dans sa version actuelle, le texte pose plusieurs questions : des doutes sont émis par les uns et les autres, des amendements ont été déposés, dont certains par le rapporteur lui-même, ce qui laisse présager que cette proposition de loi devra évoluer pour prendre une forme permettant d'atteindre l'objectif que ses auteurs lui ont assigné.

Si l'article 1er, qui consacre un droit de l'Homme à l'eau – je mets une majuscule à « homme » –, fait difficilement débat en réaffirmant le droit à l'accès à l'eau comme un des fondements mêmes de notre démocratie, certaines notions ainsi que plusieurs mesures visant à sa mise en oeuvre méritent d'être précisées. Ainsi, la notion de « quantité suffisante d'eau potable » n'est pas définie alors même que des chiffres pourraient être utilisés sur la base de différentes sources statistiques.

À l'article 2, l'obligation pour les communes d'installer des équipements n'est pas chiffrée. Or dans un contexte de baisse de la dotation globale de fonctionnement, il est absolument nécessaire de connaître le coût de telles mesures et de les anticiper – c'est un maire qui vous le dit pour avoir bouclé son budget lundi soir.

Par ailleurs, la proposition de loi crée une aide préventive de la collectivité, ainsi qu'une nouvelle allocation forfaitaire à l'eau. Ces idées sont intéressantes, reste à en connaître les modalités. La multiplication des aides ne risque-t-elle pas d'être contre-productive ? Ne serait-il pas plus judicieux d'approfondir ce qui existe déjà, notamment les dispositifs en cours d'expérimentation ? Je pense à la tarification progressive de l'eau qui présente la triple vertu d'être socialement intéressante, responsabilisante et respectueuse de nos ressources en eau.

Enfin, la taxe sur l'eau en bouteille prévue à l'article 5 pose question, même si j'en comprends les objectifs. Cette contribution ne risque-t-elle pas d'être directement répercutée sur les consommateurs, à un moment où toute nouvelle taxe est perçue comme une injustice par nos concitoyens ? Finalement, n'allons-nous pas taxer l'eau pour financer l'accès à l'eau ? Peut-être pouvons-nous imaginer un financement basé sur une assiette plus large, différente, avec un taux beaucoup plus faible et ne touchant pas un produit de première nécessité.

Monsieur le rapporteur, je pose ces questions dans le même esprit constructif que celui ayant présidé à l'élaboration de cette proposition de loi. Je souhaite que notre commission puisse y apporter de premières réponses afin, comme je l'ai dit, de le faire évoluer vers une version capable de susciter une adhésion beaucoup plus large.

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