C’est un amendement important parce qu’il se place dans le cadre beaucoup plus général de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive, au niveau national, au niveau européen ou, en l’occurrence, au niveau international. Je prendrai donc quelques minutes pour que chacun ait bien en tête le cadre dans lequel nous travaillons et l’importance du vote sue ce point.
Je le dis tout de suite, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement. Il est en tout point conforme à celui que j’aurais introduit dans le projet de loi de finances rectificative, qui sera présenté en conseil des ministres demain. Mais je pense important que le Parlement puisse se prononcer dès maintenant sur ce point dans la mesure où les chefs d’État et de gouvernement du G20 réunis à Antalya auront à adopter définitivement l’ensemble du dispositif. Si le vote a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, ce sera un bon point pour la France, une preuve de crédibilité.
La volonté de lutter contre la fraude fiscale et l’optimisation fiscale est partagée depuis longtemps mais elle a été affirmée avec énormément de force depuis 2012.
Le BEPS est donc une avancée majeure dans la lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales, tout particulièrement celles qui s’inscrivent dans une mondialisation, non pas celles qui souhaitent normalement se développer dans ce cadre, mais celles qui utilisent les subtilités des différences de législation pour aboutir à des situations extrêmement dommageables pour l’ensemble des pays concernés, et pas seulement la France.
Je vous rappelle que les différents mécanismes, souvent extrêmement complexes, qui sont à l’oeuvre, mis en place par de grands spécialistes, qui doivent finir par être payés à peu près le même montant que ce qu’ils font gagner aux entreprises concernées, entraînent une perte de recettes d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 4 à 10 % à l’échelle de la planète. Ce sont 100 à 240 milliards d’impôts qui ne sont pas payés par les grands groupes multinationaux grâce à des stratégies d’évitement. C’est évidemment inacceptable.
Bien entendu, on ne peut lutter contre des mécanismes internationaux que si l’on travaille au niveau approprié, qui est le niveau international. C’est ce que BEPS a fait tout au long de l’année et le travail devra être poursuivi en 2016.
Karine Berger disait à juste titre qu’il y avait quinze points. Nous avons l’air de ne discuter que d’un seul d’entre eux. Non, nous allons mette en oeuvre la totalité de ces points, mais par des outils juridiques de nature différente.
Il y aura d’abord la négociation d’un accord multilatéral, action 15, qui permettra d’adapter en une fois l’ensemble des conventions fiscales bilatérale – la France en a 125 – au nouveau cadre BEPS. Quatre-vingts pays participent déjà aux négociations. Cette adaptation des conventions fiscales permettra notamment d’y introduire des clauses anti-abus, déjà présentes dans les conventions signées par la France, particulièrement celle qui permettra d’éviter que les entreprises ne se livrent à du treaty shopping, c’est-à-dire l’implantation de sociétés boîtes aux lettres pour bénéficier des avantages offerts par une convention bilatérale.
Certaines actions demanderont des réponses européennes. En janvier, la Commission européenne doit présenter son troisième paquet fiscal, qui intégrera notamment des dispositions visant à appliquer certaines conclusions du BEPS de façon coordonnée en Europe. Je souhaite que ce projet contienne des règles renforcées sur les produits hybrides, c’est l’action 2, produits qui sont au coeur de certaines situations de double non taxation et sur lesquels nous avons déjà commencé à adapter notre droit national dans la loi de finance de 2014.
Cette directive devrait également contenir des dispositions sur les règles applicables aux sociétés étrangères contrôlées, c’est l’action 3, règles qui permettent aujourd’hui aux entreprises d’établir des filiales dans des États à fiscalité privilégiée afin de diminuer leur imposition.
Nous allons concrétiser l’accord politique obtenu lors de l’ECOFIN du 8 octobre sur l’échange automatique des rulings, qui met fin à une ère d’opacité inacceptable et sera la concrétisation européenne d’une partie de l’action 5 du BEPS.