Intervention de éric Poyeton

Réunion du 3 novembre 2015 à 17h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

éric Poyeton, directeur général de la plateforme automobile et mobilités, PFA :

La PFA a pour mission de consolider et de développer les acteurs de l'industrie automobile et du transport – ne sont concernés ici ni les opérateurs de transport ni l'aval de la filière, à savoir la distribution et le recyclage –, soit quelque 5 000 entités et 600 000 emplois. La PFA représente le premier budget de recherche-développement de France : 6,5 milliards d'euros. Parmi ces entités, à travers les fédérations adhérentes et les associations régionales de l'industrie automobile (ARIA), 2 000 adhèrent à la PFA. Très nombreuses sont celles qui livrent d'autres constructeurs et d'autres équipementiers que ceux qui sont implantés sur le sol français – nous ne sommes donc pas focalisés sur les seuls constructeurs français.

La PFA est issue des Etats-généraux de l'automobile au terme desquels a été signé le Pacte automobile. La fiche 8 de ce Pacte prévoyait un code de performance et de bonne pratique créant, notamment, une plateforme d'échanges. La PFA réunit aujourd'hui les deux constructeurs français Renault et PSA, les quatre grands équipementiers, français également, Valeo, Michelin, Plastic Omnium et Faurecia. D'autres constructeurs sont également représentés par l'intermédiaire du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) et d'autres équipementiers par l'intermédiaire de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), ainsi que les fédérations de métiers comme la plasturgie, le caoutchouc et les polymères, la mécanique et enfin la carrosserie.

Nous avons depuis peu engagé une démarche d'élargissement de la PFA – il s'agit par-là d'associer les acteurs non seulement à nos réflexions mais également à nos décisions. Ainsi, dans ce deuxième cercle, sont présents le groupement pour l'amélioration des liaisons dans l'industrie automobile (GALIA), qui travaille sur les aspects logistiques, et les pôles automobiles comme ID for Car, Lyon Urban Trucks and Bus (LUTB Transport & Mobility Systems), MOV'EO et le pôle « Véhicules du futur ». Quatorze ARIA relaient nos actions dans les régions.

Nos leviers de performance n'ont pas changé depuis le début de la mission de la PFA : nous avons vocation à construire des relations de confiance durables entre acteurs de la filière et avec son environnement ; à élargir les points de convergence entre les acteurs de la filière ; à développer une vision claire des grands enjeux de la filière, de plus en plus complexes et qui exigent une réponse de plus en plus collaborative, qu'il s'agisse de l'innovation, de la capacité à parler d'une seule voix pour le secteur automobile français – il nous revient donc de définir les actions permettant d'y répondre. Nous devons en outre servir de catalyseur des compétences dont la filière a besoin – or, aujourd'hui, nous en manquons même dans des métiers traditionnels ; enfin, nous devons inscrire la filière dans son environnement et dans son futur.

Quels sont les rapports entre la PFA, le Comité stratégique de la filière automobile (CSF) et le Conseil national de l'industrie (CNI) ? Le CSF automobile est composé de la PFA – le vice-président du premier, M. Michel Rollier, est également président de la seconde –, d'un groupe de travail, en aval, piloté par le Conseil national des professions de l'automobile, (CNPA), mais également du Comité d'orientation de la filière industrielle du transport routier (COFIT), cela afin d'avoir un contact non seulement avec les constructeurs de véhicules industriels mais aussi avec les représentants du secteur des infrastructures et les représentants des sociétés qui exploitent les matériels, comme la RATP, représentées directement par leurs syndicats. La PFA pilote par conséquent à peu près 80 % des plans d'action du CSF automobile.

Les actions de la PFA sont réparties en cinq axes.

Le premier est intitulé : « Une filière forte et influente », forte car capable de parler d'une seule voix et influente vis-à-vis de son environnement. Nous travaillons sur les réglementations, les normes et les standards ; il s'agit d'établir, grâce à nos experts, des positions techniques en prévision du futur de l'industrie automobile. Ainsi en a-t-il été récemment pour l'hydrogène comme carburant – mais les sujets peuvent être bien plus techniques encore et concerner tel ou tel fluide, les distances de freinage etc. Nous définissons également des positions d'intérêt collectif en des matières qui, pour le coup, ne sont pas techniques.

La filière en tant qu'acteur de la mobilité constitue un deuxième aspect de ce premier axe. Nous avons décidé d'être partie prenante de la démarche de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) intitulée « Fabrique des mobilités ». Nous avons structuré nos actions collectives autour de la mobilité en réfléchissant au futur et aux usages. Nous allons par ailleurs mettre en place un partenariat équilibré avec des institutions comme les nôtres en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Espagne, certains enjeux ayant une dimension européenne plus que nationale. Enfin, un groupe de travail sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) mène cinq ou six actions qui, en la matière, relèvent du domaine collaboratif.

Le deuxième axe concerne le développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des petites et moyennes entreprises (PME) de la filière. Nous menons ici trois actions principales. La première touche au développement international des ETI et des PME : nous nous organisons pour constituer une seule équipe de pilotage permettant à ces entreprises de trouver toutes les réponses qu'elles attendent. Nous mettons en outre l'accent, à court terme, dans le cadre du CSF, sur la croissance externe de nos entreprises en Allemagne. Deuxième action : nous entendons accompagner et améliorer la qualité de la relation clients-fournisseurs. Nous travaillons, comme nous aimons bien le faire dans l'automobile, avec un indicateur de mesure et, en fonction des données obtenues, nous mettons en place des actions correctives si nécessaire. Enfin, dernier point, nous soutenons les acteurs qui doivent se situer au coeur de la filière qui, en France, souffre d'un déficit d'ETI – déficit à la remédiation auquel nous réfléchissons. La task force automobile mise en place par le ministre M. Emmanuel Macron et configurée par M. Michel Rollier a d'ailleurs présenté des conclusions en ce sens le 30 septembre dernier. Nous mettons de nombreux éléments à la disposition des chefs d'entreprise en matière de veille technologique, de prévisions volumes, de médiation ; nous leur proposons également des outils pour les aider à comprendre la norme Registration Evaluation Autorisation of Chemicals (REACH), ainsi qu'un site dédié aux compétences et emplois.

Le troisième axe concerne l'efficacité industrielle. Il mobilise cinq actions principales parmi lesquelles la réalisation, depuis vingt ans, d'une enquête sur la performance industrielle des entreprises avec seize indicateurs, afin qu'elles puissent définir des actions stratégiques prioritaires. Une autre action vise au déploiement du lean soit au sein d'entreprises, soit à travers des grappes d'entreprises. Bien entendu, nous avons lancé un programme – le cinquième de la PFA – sur l'usine du futur. Nous sommes en outre devenus membres actifs de l'alliance pour l'industrie du futur pour être en cohérence nationale sur le sujet.

La question des compétences forme le quatrième axe. Nous cherchons à mettre en place un processus et une organisation permettant de créer et de faire évoluer les programmes pédagogiques locaux en fonction des priorités nationales futures et des priorités locales des industriels. Nous allons par conséquent instituer une animation nationale et une animation régionale. Au niveau régional, nous nous appuyons sur le dispositif des campus des métiers et des qualifications et nous sommes heureux de constater que nous avons fait le nécessaire pour qu'il y en ait cinq qui se créent dans les principales régions automobiles françaises. Nous tâchons de lancer des chantiers afin de former les futurs talents dont nous avons besoin. Pour les attirer, nous travaillons autour de défis pédagogiques. Notons que le renforcement de la cohérence de la filière jouera en faveur de l'attractivité de nos compétences.

Le cinquième et dernier axe est l'innovation, subdivisé en quatre actions principales. La première consiste à animer l'écosystème d'innovation, notamment à travers un travail prospectif. Il s'agit également de faire en sorte que l'ensemble des entreprises de la filière disposent de l'information nécessaire sur les priorités d'innovation des grands acteurs. Il convient d'autre part de mettre les PME innovantes en contact avec les grands acteurs de la filière, soit une démarche top down (approche descendante) et bottom up (approche ascendante). Le pilotage de quatre programmes prioritaires constitue la deuxième action : l'opération « Deux litres aux cent kilomètres », le programme fibre optimisée réaliste de carbone économique (FORCE), le programme « Véhicule autonome » – en particulier sous deux aspects : écosystème et réglementation –, enfin le programme Value Driven Product Lifecycle Management (VALDRIV-PLM), fondé sur le management de la valeur ajoutée par les outils numériques sur tout le cycle de vie des produits et services automobiles. La troisième action concerne les expertises d'innovation de la filière que nous souhaitons mettre en valeur : nous disposons de centres de compétence régionaux qui ne demandent qu'à être mis en valeur au niveau européen et international. Enfin, quatrième action, nous travaillons beaucoup en collaboration avec le Commissariat général à l'investissement (CGI), l'ADEME et la Banque publique d'investissement (Bpifrance) pour tout ce qui touche au soutien à l'innovation.

Je reviens un instant sur les Road-Maps R & D, censés donner des indications sur les priorités de la filière. Nous avons identifié huit domaines d'activité sur lesquels il faut innover en priorité, à savoir tout ce qui concerne : l'hybridation et l'électrification, le rendement des groupes motopropulseurs (GMP), le rendement du véhicule, le confort du véhicule, la connectivité et la mobilité intuitive, la réduction de l'empreinte environnementale, la sécurité, l'aide à la conduite et la valorisation des procédés. Ce mois-ci, nous avons transmis à l'ensemble de la filière 80 fiches de besoins d'innovation des grands acteurs.

Le programme « Deux litres aux cent kilomètres », pour sa part, a démarré il y a plus de trois ans. Les objectifs fixés sont deux fois plus ambitieux que ceux de la réglementation 2021. Technologiquement, nous devrions y parvenir ; reste à faire en sorte que le coût de nos véhicules ne s'en ressente pas excessivement. Le programme d'investissements d'Avenir (PIA) contribue au financement de l'opération. Nous avons déposé plus de 40 dossiers-projets pour un montant total de recherche-développement de 420 millions d'euros. Si trois démonstrateurs technologiques ont été présentés au Mondial de Paris 2014, nous sommes soucieux de renforcer cette dynamique continue d'amélioration et cette volonté d'obtenir des innovations grâce auxquelles constituer les briques technologiques répondant aux évolutions réglementaires.

En ce qui concerne le programme FORCE, nous venons d'achever la première phase. La suivante prévoit l'existence d'un atelier pilote qui devrait produire un certain nombre de tonnes de fibre de carbone optimisée.

Pour ce qui est du véhicule autonome, nous veillons à rendre possible les expérimentations en conditions réelles mais aussi en site fermé. Nous travaillons sur les compétences et l'intelligence embarquée mais aussi sur la sécurité puisque l'apparition du véhicule autonome provoquera une vraie rupture pour l'écosystème automobile.

Je n'entrerai pas dans le détail du programme VALDRIV-PLM, beaucoup plus technique et éloigné des préoccupations de la filière puisqu'il est de nature, je dirai : multifilières.

Dans votre propos liminaire, madame la présidente, vous avez évoqué le CTA. Il a un rôle d'inspirateur quant aux priorités en matière de recherche-développement mais il ne se substitue pas aux entreprises de la filière. Il tâche de fixer une ligne à partir de laquelle chacun puisse se repérer et définir sa propre stratégie d'entreprise. Cela d'autant que nous conseillons à la majorité de nos membres, qui ne sont pas des constructeurs automobiles, d'avoir de multiples clients en France, en Europe et même au-delà. Nous devons donc balayer large dans notre approche stratégique. Le CTA est par ailleurs l'organisme au sein duquel nous décidons l'affectation des moyens pour conduire des travaux prospectifs sur des sujets techniques ou en les confiant à des instituts de recherche technologique (IRT) ou des instituts pour la transition énergétique (ITE).

Dans le programme « Deux litres aux cent kilomètres », les grands acteurs de la filière automobile française sont impliqués. De la fin de l'année 2013 jusqu'à l'été 2014 nous avons pu déplorer un déficit d'implication des PME sur le sujet. Nous l'avons comblé : l'envoi, dont je viens de vous parler, de 80 fiches aux ETI et aux PME, la mise en contact des PME avec les experts managers des grands acteurs y ont contribué. Nous menons ce programme en bonne intelligence avec l'ADEME puisqu'il a bénéficié, notamment, du soutien d'Initiative PME – si bien qu'une vingtaine de projets automobiles sont nés.

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