Intervention de éric Poyeton

Réunion du 3 novembre 2015 à 17h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

éric Poyeton, directeur général de la plateforme automobile et mobilités, PFA :

La PFA a été créée, nous l'avons dit, en 2009, après quoi l'État a accompagné le processus par un contrat avec Oséo, devenu Bpifrance, qui, d'un commun accord, vient à échéance cette année. Aussi, à partir de l'année prochaine, la Plateforme s'autofinancera via une mise à disposition de ressources par ses membres. Pour ce qui est des effectifs, la PFA compte, conformément aux engagements pris en 2009, dix personnes détachées par les têtes de filière, constructeurs et équipementiers – sans oublier le secteur des poids lourds. Les travaux de la PFA impliquent, au niveau national, 400 managers ou experts de l'ensemble des entreprises françaises, dans le secteur industriel aussi bien que dans celui de la recherche-développement ou des ressources humaines.

Le CSF est-il perfectible ou satisfaisant ? Il est perfectible, certes – nous avons l'habitude de considérer, dans le secteur automobile, que l'amélioration est infinie. Le fonctionnement est globalement satisfaisant dans le sens où le niveau d'échanges est très intéressant entre les différents bureaux du comité. Nous devons néanmoins veiller à éviter de doublonner les groupes de travail. Le CSF est productif lorsque nous avons des réunions en petit comité. En outre, il nous permet de travailler au niveau inter-filières ; nos collègues du rail et du nucléaire sont ainsi venus observer nos méthodes de travail afin de s'en inspirer, le cas échéant.

Vous m'avez interrogé sur le chiffre de 600 000 emplois que j'ai mentionné au début de mon intervention : il correspond à l'ensemble de l'industrie automobile. Nous prenons en compte une entité dès qu'elle réalise plus de 20 % de son chiffre d'affaires dans l'automobile.

J'en viens au manque de compétences. On peut malheureusement le constater dans tous les domaines. En arrivant à la PFA, j'ai eu à me pencher sur l'industrie de l'emboutissage, secteur qui peut à la fois être surcapacitaire pour certaines pièces, et souffrir, dans certains bassins d'emploi, d'un manque de régleurs, d'ajusteurs… si bien que des entreprises qui souhaitent se développer ne le peuvent pas. Or cette situation n'implique pas nécessairement la mobilité des acteurs, ce que l'on peut fort bien comprendre. Ce manque de compétences affecte des secteurs traditionnels mais également ceux qui nous permettent de préparer l'avenir : je pense aux domaines des multimédias, des logiciels embarqués, de l'électronique embarqué. Hélas, on relève que l'attractivité de l'industrie automobile est en forte baisse comparée à celle, par exemple, du secteur de l'aéronautique. Du coup, nous avons effectivement du mal à attirer les compétences et à les faire monter en puissance. C'est pourquoi il s'agit de l'un de nos axes prioritaires.

Par rapport à 2009, nous avons bien avancé en matière de R&D, notamment depuis que les entreprises ont adopté un mode de travail collaboratif. Nous avons totalement intégré les pôles de compétitivité dans nos travaux – nous organisons désormais des réunions mensuelles où l'esprit collaboratif est tout à fait comparable à celui des meilleures entreprises. Nous avons par ailleurs amélioré notre capacité à parler d'une seule voix et il y a tout lieu de penser que le malheureux exemple du standard des prises pour les véhicules électriques ne pourrait plus se reproduire.

Pour ce qui est de l'efficacité industrielle, plus de 350 entreprises ont adopté une démarche lean – y compris en ce qui concerne les conditions de travail pour lesquelles nous avons établi un référentiel : c'est qu'il existe, si j'ose m'exprimer ainsi, le bon et le mauvais lean comme il y a le bon et le mauvais cholestérol ! Nous travaillons sur ce point, bien sûr, avec les organisations syndicales. Nous sommes engagés en la matière dans une bonne dynamique puisque plus de mille entreprises sont déjà impliquées.

Il reste en revanche beaucoup à faire pour ce qui touche aux compétences, comme je l'ai évoqué. Nous avons mis du temps à nous structurer, à obtenir des moyens et il nous faut désormais donner un coup d'accélérateur.

La PFA a été créée en pleine crise économique – on parlait alors de retournement de conjoncture, les gens ne parvenaient pas à travailler ensemble. Nous sommes désormais plus sereins même s'il reste des problèmes à résoudre. Nombre de nos travaux bénéficient néanmoins déjà à l'ensemble clients-fournisseurs, je songe au code de bonne pratique que nous avons élaboré sur la norme REACH : il permet d'éviter à des entreprises françaises de manquer de matières polymères au fur et à mesure de l'entrée en vigueur de cette norme ; or il est important d'éviter une rupture-matière dans une chaîne de production industrielle.

J'en viens au fonctionnement du CTA. Le Comité s'appuie sur deux conseils. Le premier est celui de la recherche automobile (CRA) où se réunissent les experts en innovation de l'industrie automobile française. Ils définissent les priorités stratégiques puisqu'ils sont à même de savoir dans quels secteurs particuliers il convient de mobiliser le plus d'énergie. Au sein de la PFA, nous sommes convaincus que le futur de l'automobile sera fait d'un ensemble de solutions comprenant du diesel, de l'essence, de l'hybride, de l'hydrogène, de l'électrique, sans oublier les particularités du monde du véhicule utilitaire, du camion et des autocars. Grâce à l'expertise du CRA, nous sommes capables d'orienter les directeurs qui pilotent les programmes tels que « Deux litres aux cent kilomètres » ou « Véhicule autonome ». J'ajoute que les managers sont très impliqués dans les travaux du CRA, ce qui permet d'améliorer la fluidité et l'efficacité des relations avec notre institut pour la transition énergétique, l'institut du véhicule décarboné et communicant et de sa mobilité (VEDECOM). Le second organisme sur lequel s'appuie le CTA est le Conseil de la standardisation technique automobile (CSTA), composé lui aussi de groupes de travail qui mettent en place les actions, les tests, les prototypages qu'il faut mener pour apporter des réponses techniques à des projets, à des idées d'évolution, souvent liés à des normes. Ces deux conseils procèdent donc à des revues de projets donnant lieu, au niveau du CTA, à une discussion stratégique. Cela revient au même qu'une animation en recherche-développement au sein d'une entreprise.

Vous m'avez ensuite interrogé sur le WLTP, le NEDC et le RDE. Le NEDC est une norme instaurée dans les années 1990 pour faire progresser l'automobile sur la question des émissions polluantes. Il s'agissait de créer un référentiel commun. Il y a quelques années, les industriels comme les autorités politiques ont souhaité passer, suivant une logique d'amélioration continue, à une nouvelle norme, en l'occurrence le WLTP qui prévoit des cycles différents – en particulier avec un nombre de kilomètres et une vitesse plus élevés. Il s'agit de durcir les règles pour faire progresser la réponse de l'automobile au besoin de développement durable.

En outre, le fait que mesurer sur bancs ne permet pas de prendre en compte les milliers d'usages différents d'une voiture mais aussi d'un poids lourd ou d'un bus. Il fallait définir une mesure approchant les conditions réelles. Aussi le pourra-t-on grâce à la norme RDE qui entrera en vigueur en septembre 2017, permettant de progresser dans la voie d'une automobile écologique et qui doit être, ajoutons-nous, abordable pour le plus grand nombre et exportable – car nous avons également vocation à défendre l'industrie française.

Ces normes ne s'appliquent pas de la même manière dans les secteurs de l'automobile et du poids lourd, ce dernier étant en avance – la norme antipollution Euro 6 est appliquée depuis le 1er janvier 2014. Il s'agit, en somme, par le biais de ces normes, d'aboutir à un équilibre entre la réduction des émissions de dioxyde de carbone et celle des émissions de particules nocives pour la santé – en effet : la diminution des unes conduit rarement à la diminution des autres.

En forçant quelque peu le trait, je dirai qu'il est plus facile de dépolluer une Twingo qui serait équipée d'un gros moteur V6 diesel qu'une Twingo dotée d'un petit moteur diesel ou d'un petit moteur à essence optimisé et chargé comme il faut. Le leadership de la France sur les émissions polluantes part du principe qu'on optimise l'ensemble du véhicule, optimisation qui nous place dans le champ de contraintes le plus fort. Il est ainsi bien plus facile d'optimiser un camion qui a, certes, un problème de charge utile, mais qui n'aura pas de problème d'implantation des solutions techniques. De la même manière, on aura moins de contraintes avec une grande routière qu'avec de plus petits véhicules urbains et interurbains.

La nouvelle norme est plus représentative de la réalité, et comme rien ne vaut la réalité, la combinaison WLTP-RDE me paraît très bonne. Ainsi le monde de l'automobile s'interroge-t-il face au problème de tricherie aux homologations dont il est en ce moment question car, globalement, la dynamique est en place. La PFA souhaitait d'ailleurs que les dispositions de la norme édictée par Bruxelles la semaine dernière soient effectives dès le mois de mars dernier – et même avant. Le processus européen de définition des normes pose problème car il ne laisse pas toujours aux industriels le temps de réaliser leurs innovations. Il faut en effet prendre en compte le temps qu'il faut pour passer de la validation d'une innovation sur un démonstrateur, un prototype, à la mise en place de toute une gamme : ce n'est pas parce que vous aurez produit une pièce répondant au besoin d'un constructeur pour un gros véhicule, que la pièce en question sera la même pour un petit véhicule ; la réponse technique sera la même mais la pièce, le sous-ensemble, sera totalement différent, y compris d'un point de vue technologique. Pour bénéficier de ce temps de développement, pour réaliser des produits de qualité – il ne faut pas oublier ce que l'automobile exige en matière de sécurité – tous les industriels ont travaillé et défini des hypothèses avant même qu'il y ait un début de rédaction de la norme de 2017, ce qui démontre leur volontarisme : ils prennent le risque de s'engager à améliorer la qualité de leurs véhicules avant même de connaître les conditions détaillées des normes.

Nous construisons notre position commune en fonction de l'évolution des technologies et de notre environnement.

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