S'agissant de la nouvelle norme, nous avons bien sûr actualisé notre position au fur et à mesure de l'avancement des discussions. Au début de l'année, par exemple, la filière automobile a exprimé d'une seule voix, très tôt, qu'elle n'était pas d'accord pour que la vitesse maximale des essais soit supérieure à 130 kilomètres par heure. Mais bien que nous suivions l'actualité, ce sujet concerne davantage les constructeurs que l'ensemble de la filière. Nous avons donc décidé de confier son traitement aux acteurs compétents.
Je n'ai pas à me prononcer sur les décisions qui ont été prises – dont je ne connais d'ailleurs pas le détail. Mais le peu d'informations dont je dispose me porte à croire que les normes à atteindre seront pour nous un défi mais qu'elles apporteront aussi une amélioration. Les commentaires que l'on peut lire dans la presse ne s'appuient pas sur les faits. Ils font fi de la nécessité de partir de la référence des véhicules d'aujourd'hui et non de la position des instances européennes et de celle du groupe qui a décidé de ces normes – les industriels français au sens large souhaitant passer à la première étape dès septembre 2017.
Selon le CTA, plusieurs points doivent être impérativement traités pour préparer l'automobile du futur. Il convient tout d'abord de raisonner en termes d'usage et de renouvellement du parc. Si, aujourd'hui, tous les véhicules étaient conformes à la norme Euro 5 ou Euro 6, peu importeraient les écarts entre les résultats d'un cycle sur bancs et la réalité constatée par chaque usager. Le secteur automobile a su démontrer par ses efforts de R&D ce dont il était capable. Mais l'âge moyen des véhicules, qui est de 8,7 ans, est malheureusement en augmentation. Et 37,5 % du parc de véhicules européens a plus de dix ans. Ensuite, nous estimons qu'il est indispensable de réfléchir aux problèmes de congestion et de massification des flux : par exemple, 53 % des émissions issues du transport de marchandises résultent de la congestion. Les industriels étant là pour travailler avec l'ensemble de leurs clients dans tous les pays qui utilisent l'automobile, il importe aussi de raisonner en termes de système de transports et de prévoir un business model équilibré qui n'inclue pas les subventions à l'achat et au remplacement des véhicules – l'existence de ces subventions ayant tendance à fluctuer avec le temps.
Nous nous efforcerons également de faire en sorte que quatre aspects plus « soft » soient pris en compte. Nous avons tout d'abord besoin de stabilité sans quoi nous épuisons nos budgets ainsi que les efforts de R&D de nos entreprises. Ainsi, par exemple, le va-et-vient des décideurs politiques et économiques mais aussi des usagers au sujet de l'écotaxe poids lourds nous a-t-il été dommageable. La capacité à anticiper l'adoption de normes nous importe beaucoup de même que la neutralité technologique des produits qui s'y conforment. Je ne pense pas que le déchaînement aurait été tel si Volkswagen avait triché sur un moteur à essence – qui n'émet ni oxygène ni fleurs mais des particules plus fines qu'un moteur au diesel ! Il convient en outre de raisonner en termes de cycle de vie : au cours de ses vies multiples, un véhicule peut se heurter à des problèmes techniques qu'il n'avait pas auparavant. Aujourd'hui, pour amoindrir les émissions des véhicules, il est nécessaire d'utiliser des carburants ayant un taux de soufre de plus en plus faible. Dans certains pays comme la Russie, ce taux est catastrophique. Il est donc problématique de ne plus avoir accès au marché des véhicules neufs et d'occasion de ces pays. On sait aussi que les écarts d'émissions peuvent varier de plus de 10 % suivant l'entretien que l'on fait d'un véhicule. Le manque d'entretien peut évidemment expliquer certains écarts constatés par l'usager. Enfin, il conviendrait que les industriels de la filière soient porteurs de solutions en matière d'éco-conduite – et c'est le cas : une célèbre entreprise, dont l'un des membres éminents préside la PFA, s'est lancée dans cette direction, en aidant ses clients à développer l'éco-conduite sur des véhicules lourds.
Je ne suis pas en opposition avec vous s'agissant de la diversité des solutions existantes. C'est de la diversité d'usages des véhicules que j'ai parlé, indiquant qu'elle pouvait être servie par une moindre diversité des motorisations.
Notre objectif étant de tirer vers le haut l'innovation de la filière, le programme « Véhicule deux litres aux cent kilomètres » correspond à cinquante grammes de CO2, peu importe que l'on fasse référence à la norme RDE ou à la WLTP. Si nous voulions être encore plus provocateurs et envoyer un signal encore plus fort aux industriels quant à nos attentes en matière d'innovation, c'est une norme d'un litre aux cent kilomètres que nous imposerions. Les industriels des PME et ETI étant tout le temps le nez dans le guidon, nous leur fixons ces objectifs pour les inciter à innover mais l'intitulé de ce programme est plutôt un terme de marketing.
Si le soutien au financement dudit programme est fort, il manque d'homogénéité. Nous sommes très satisfaits de l'Initiative PME 2015 que nous avons élaborée en commun avec le CGI, l'ADEME et la direction générale des entreprises du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique (DGEMEIN). L'appel à projet « Véhicules et transports du futur » est très intéressant. Mais parallèlement, l'accès des projets « automobile » au Fonds unique interministériel (FUI) diminue. Or, c'est un dispositif complémentaire du précédent. Nos adhérents nous ont déjà fait savoir que neuf projets collaboratifs d'innovation automobile avaient été mis de côté au motif qu'il n'était plus possible de les inscrire dans le FUI, complémentaire des autres dispositifs. Par cohérence, nous nous appuyons sur l'ITE de VEDECOM et sur les IRT « System X » et « Jules Verne ». Mais si les IRT donnent droit au doublement du crédit impôt recherche (CIR), ce n'est pas le cas des ITE. Il est donc possible d'améliorer le financement de projets conduisant à rendre les véhicules plus économes, plus abordables et plus facilement exportables.
S'agissant de VALDRIV-PLM, la gestion de la valeur ajoutée par les outils numériques passe par les têtes de filière. Celles-ci ont choisi un système français – sachant qu'il existe également sur le marché un système allemand. Derrière ce système, nous essayons de faciliter la vie aux fournisseurs tant en matière de standards que de compétences. Nous essayons notamment d'être aussi performants, en termes de standards, que le sont nos collègues de l'aéronautique, dans le cadre du programme « Boost-Industrie » de l'Association française du numérique dans les filières industrielles (AFNET), et nos collègues allemands. Il faut faire naître des standards qui soient favorables à l'industrie française pour que la continuité et le collaboratif de l'innovation ainsi que la facilité de gestion de l'information de la pièce ou du produit tout au long de sa vie soient les meilleurs possible pour nos industriels français. Nous travaillons beaucoup à l'élaboration de standards, souhaitant des standards français et pas forcément des standards allemands. Nous aspirons bien sûr à la création de standards européens mais sans doute une étape préalable est-elle nécessaire. D'autre part, nous souhaitons dans le cadre du PLM faire entrer les plus petites entreprises dans le numérique. C'est pourquoi nous concentrons nos actions sur le soutien à la création en région Bretagne d'un centre de formation et d'acculturation des entreprises au PLM et à ses outils. De cette manière, nous favorisons l'économie circulaire en encourageant le partage de l'information produit dès l'idée de sa naissance jusqu'à son après-vente. C'est un travail de longue haleine pour lequel je crois que nous aurons la chance de bénéficier du soutien de l'appel à projet « Partenariats pour la formation professionnelle et l'emploi » (PFPE) dans le cadre du PIA.
Enfin, en ce qui concerne la filière française à l'exportation, nos constructeurs et nos équipementiers accomplissent un travail remarquable. Il faut accompagner les plus petites entreprises aussi bien en amont – tant qu'elles n'ont pas pris la décision de se lancer – qu'en aval. En amont, il fallait que la filière se prenne en main. Nous avons donc passé les douze derniers mois à définir la manière de nous organiser. Nos compétences sont regroupées à la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV). Il nous faut rapprocher de cette fédération les ARIA, les pôles de compétitivité, des experts et des constructeurs. Nous avons obtenu de premiers résultats. Avec le soutien de Business France, nous avons organisé des Tech days chez BMW il y a plus de douze mois : aujourd'hui, quatre des vingt entreprises présentes à ces rencontres ont décroché de potentielles commandes auprès de cette entreprise allemande. Plus de 150 fournisseurs potentiels ont participé à une réunion que nous avons organisée pour le projet de développement de PSA au Maroc. Nous allons poursuivre dans cette voie : nous savons que faire et comment le faire, il reste à passer à l'action. Nous franchirons une étape importante en 2016. L'accompagnement s'appuie souvent sur des compétences précises que nous n'avons aucun problème à trouver ou à faire naître dans nos entreprises.