Vous affirmez que les tentatives de création de certains types de véhicules plus écologiques n'ayant pas trouvé leur business model, elles se sont soldées par un échec. Mais les véhicules concernés se trouvent dans un milieu concurrentiel face à d'autres qui, pour respecter les normes écologiques, trichent soit à l'aide de logiciels soit en construisant des véhicules qui émettent beaucoup plus en fonctionnement que ne le prévoient ces normes. Si on en est arrivé là, c'est que les constructeurs n'arrivent pas à trouver un business model qui respecte les normes tout en leur permettant de vendre leurs véhicules. La question des normes écologiques et du business model doit donc être posée dans les deux sens. Dès lors qu'on permet légalement à certains de déroger aux normes – comme il vient d'en être décidé au niveau européen –, il est évident que ceux qui, pour les respecter, font des choix plus ambitieux, risquent forcément de ne pas trouver de business model. En d'autres termes, le serpent se mord la queue. En revanche, si on imposait vraiment aux constructeurs l'obligation de respecter les normes qui ont été fixées – et si elles l'ont été, c'est non par hasard ou pour faire plaisir à tel ou tel mais en raison du dérèglement climatique et de la pollution de l'air, enjeux prioritaires du point de vue de l'intérêt collectif –, les constructeurs développant ces nouveaux types de véhicules ne trouveraient-ils pas un business model ?
D'autre part, je crois vous avoir entendu dire qu'en cas de congestion, il était évident que le niveau d'émissions était très supérieur à celui enregistré dans le cadre des homologations. Le problème, c'est que c'est en ville, là où se trouve la population et que se posent les problèmes de santé publique, que congestion il y a. Un véhicule émettant des pollutions importantes au fin fond de la campagne est certes nocif mais c'est autre chose lorsque des dizaines de milliers d'entre eux en même temps en émettent autant dans un endroit où de nombreuses personnes respirent. Il est intéressant de tester des véhicules sur l'autoroute à 130 kilomètres par heure pour mesurer le niveau de pollution mais cela ne suffit pas. Certes, le mécanisme RDE comprendra des tests en milieu urbain mais pour des véhicules circulant à vingt ou trente kilomètres par heure. Or, la vitesse moyenne de circulation à Paris n'est que de seize kilomètres par heure, et ce depuis trente ans. La congestion automobile est d'ailleurs liée à la taille des voitures. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner dans mes anciennes fonctions, on ne peut pousser les murs des immeubles mais l'on peut réduire la taille des véhicules pour permettre aux conducteurs de rouler et stationner plus facilement. Et indépendamment de cet aspect, si l'on considère comme normal que les résultats des tests d'homologation soient très différents de ce que l'on constate dans les lieux de congestion, à quoi servent les normes de pollution ? Car c'est à l'intérieur des villes que se posent les problèmes de santé publique ayant conduit à l'adoption de ces normes.