Intervention de Christophe Priou

Réunion du 27 octobre 2015 à 16h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

Sur un tout autre sujet que celui qui nous réunit, je souhaite remercier M. Alain Vidalies pour les mots justes qu'il a prononcés lors du dramatique accident de la route qui est survenu en Gironde, vendredi dernier. Sa réaction était parfaitement proportionnée, si je puis dire, entre l'émotion légitime suscitée par cet événement et les nécessités de l'enquête qui commençait.

Je salue aussi Arnaud Leroy qui a travaillé durant des mois sur un sujet large et technique. Il semble toutefois au groupe Les Républicains que le traitement de certains sujets manque un peu de souffle. Notre rapporteur fera l'expérience qu'Alain Vidalies a déjà vécue au Parlement : dix-huit mois avant une élection présidentielle, on fait rarement de grandes réformes. Alors même que son titre affiche une grande ambition, ce texte, qui apparaît finalement comme un catalogue égrenant des mesures de simplification administrative, n'y répond pas. L'extension récente du domaine maritime français devrait pourtant pousser à voir les choses en grand pour l'avenir du pays.

Les quelques avancées sont encore loin de constituer une grande politique maritime digne d'une France s'ouvrant sur un océan et trois mers, une politique qui, quels qu'aient été les gouvernements, a manqué au pays depuis les grandes réformes de 1965, il y a plusieurs décennies de cela. La réforme portuaire de Jean-Yves Le Drian fait exception, mais il l'avait payée fort cher dans les urnes. Certains points, telle la gouvernance des grands ports maritimes, auraient même pu être traités dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Le Président de la République a rappelé dernièrement la nécessité d'investir dans tous les segments de la croissance bleue : « Il y a plein de métiers, plein d'emplois dans l'économie de la mer et la France doit y prendre sa place », a-t-il dit. Si nous sommes une grande puissance maritime, pourquoi n'existe-t-il pas de ministère de la mer, comme François Hollande l'avait promis durant sa campagne électorale ? En la matière, nous avons besoin d'une impulsion nationale forte.

L'article 4 de la proposition de loi est relatif aux activités privées de protection des navires, sujet qui a récemment fait l'objet de deux textes législatifs : la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, et la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes. Nous avions souligné qu'il n'y avait pas lieu de modifier la loi en l'état puisque les mesures proposées ne permettaient d'éviter ni le risque de conflits entre catégories de travailleurs, ni les contentieux sans fin, ni les blocages de l'économie et de la logistique du transport. Quel est l'apport réel de ce nouveau texte ?

Les grands ports maritimes constituent des portes d'entrée pour les grands flux internationaux. Une vraie stratégie portuaire s'avère donc nécessaire. Malheureusement, le texte ne répondra pas au déclin de nos ports. Regagner du tonnage est essentiel, mais pour en finir avec un sous-investissement chronique, il faudra une forte volonté d'adapter nos infrastructures portuaires aux exigences modernes. L'article 3 apporte-t-il de véritables réponses en la matière ?

L'article 17 prévoit la création d'une flotte stratégique. Certains sujets comme le piratage ou les actes de terrorisme doivent évidemment être traités. Il faudra veiller à articuler ces dispositions avec des textes existants, comme la loi du 21 mai 1969 sur les transports maritimes d'intérêt national, dite loi TRAMIN, et avec des outils comme la flotte maritime de complément (FMC) et la flotte auxiliaire occasionnelle (FAO).

Concernant la pêche, je reviens sur l'article 5 et le statut des gens de mer. Les nouvelles exploitations de la mer, par exemple celle des énergies marines, favorisent de nouveaux métiers dans l'éolien ou le transport de personnels en maintenance, par exemple. Ces salariés seront des gens de mer mais pas des marins ENIM, car leur formation ne correspond pas au métier de marin actuel mais à des métiers annexes. Comment comptez-vous les assimiler à des marins, au-delà de la terminologie proposée dans la proposition de loi ?

Pour le rôle d'équipage et la liste d'équipage, il faudrait adapter les conventions collectives à la réalité de terrain en gagnant en souplesse : quand un armement possède un ou plusieurs bateaux, tout en respectant la décision d'effectifs, le personnel devrait pouvoir passer d'un bateau à un autre au sein du même armement selon les besoins de celui-ci et en fonction du type de pêche.

L'article fait référence à la convention (n° 188) sur le travail dans la pêche, de 2007. Il faudrait modifier les modèles établis, car les bateaux de pêche doivent prendre en compte la migration changeante du poisson, que nos marins-pêcheurs professionnels constatent clairement depuis quelques années et qui fait sans doute suite au réchauffement climatique. Il faut donc adapter la réglementation rapidement, car les protocoles n'ont pas été prévus pour évoluer de façon réactive. Dans le cas, par exemple, de la pêche saisonnière du thon blanc, les bateaux dépassent fréquemment la limite des 200 milles marins, ce qui pose des problèmes administratifs de catégorie sur toute la flottille.

Nous nous opposons à la sanction d'arrêt de pêche pour quelque motif que ce soit, car elle signifie la mise en difficulté certaine des entreprises concernées ainsi que des licenciements. N'oublions pas que les pêcheurs n'ont pas droit au chômage ! Avant que l'organisation de producteurs n'intervienne, il serait judicieux de « moyenner » la pêche sur l'année plutôt que de sanctionner un dépassement occasionnel. Il existe, par exemple, des prises occasionnelles régulées sur l'ensemble de l'année pour les bolincheurs ; ce système devrait être mis en place pour l'ensemble des métiers.

Concernant l'article 16, l'on pourrait envisager que les bateaux pratiquant le pescatourisme vendent leurs prises en criée, ce qui éviterait un éventuel marché non déclaré. Il faut traiter avec les antennes locales des comités régionaux. L'exploitation des côtes et celle de l'estran doivent être gérées différemment. La ressource est différente selon les littoraux et les bassins, elle ne peut pas toujours supporter un excès de prélèvement.

Les comités régionaux des pêches nous ont saisis de décrets pris sur la base de textes existants, qui prévoient que toute infraction commise en mer ou à terre, inscrite au casier judiciaire, interdirait la navigation au patron, au second et au mécanicien. Cela suscite un émoi d'autant plus grand que beaucoup pensent à certaines affaires nationales – même si comparaison n'est pas raison.

Le texte porte globalement la volonté de maintenir et développer les activités conchylicoles. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, espérons que cette profession de la mer ne soit pas touchée par davantage de contraintes administratives. Il faut souligner l'importance de la qualité de l'eau dont la conchyliculture est entièrement dépendante, et la possibilité de mobiliser des espaces nécessaires au développement des activités. Classer les zones conchylicoles en zones humides présente cependant des risques. Il faut notamment prendre garde à la quasi-sanctuarisation que cela créerait lors de la transcription dans les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Sous réserve d'une évolution de cette proposition de loi d'ici au mois de février, le groupe Les Républicains, qui n'avaient pas pris part au vote en commission des affaires économiques, choisit de s'abstenir.

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