Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 décembre 2012 à 16h15
Commission des affaires sociales

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Je n'aurai sans doute pas le temps de répondre à toutes vos questions cet après-midi, mais je fournirai au rapporteur des éléments qu'il pourra vous communiquer lorsque votre Commission examinera le projet de loi. Pour l'heure, je souhaite avant tout évacuer les faux débats et lever les incompréhensions – du moins les incompréhensions involontaires.

Il est légitime de poser la question des effets d'aubaine. C'est d'ailleurs sur ce point qu'a porté la vigilance des partenaires sociaux qui, salariés comme employeurs, se sont employés à les limiter – autant qu'il est possible car penser les éliminer totalement serait illusoire. Ainsi un jeune embauché sous contrat de génération ne pourra remplacer un salarié licencié et la mise en place d'un tel contrat gèlera pour quelque temps la possibilité de licencier un senior dans l'entreprise.

Cela étant, écartons les faux débats : on pourrait par exemple discuter à perte de vue pour savoir s'il convient de laisser l'économie créer toute seule les emplois ou s'il faut l'aider – et de quelle manière. Nous avons voulu pour notre part agir concrètement contre une situation inacceptable, où se conjuguent chômage élevé des jeunes et éviction des salariés les plus anciens. Nous avons donc cherché le dispositif le plus efficace possible qui, au lieu d'opposer ces deux populations, favoriserait leur présence commune dans l'entreprise.

Ce dispositif concernera l'ensemble des secteurs économiques, y compris donc l'agriculture. Les très petites entreprises, aussi bien artisanales que commerciales ou agricoles, bénéficieront ainsi d'une mesure de nature à en faciliter la transmission, puisque le contrat pourra être conclu entre un jeune et un chef d'entreprise senior – je ne doute pas que cette disposition, très attendue, soit utilisée sans attendre.

Ce sont plus de 99 % des entreprises qui seront concernées par les incitations. Les grandes entreprises, elles, disposent de la capacité de négocier des contrats de génération « collectifs ». D'ailleurs, elles mettent déjà en oeuvre des contrats pour les seniors. Ceux-ci comportent également des pénalités, toutefois moins contraignantes que celles des contrats de génération, et la réforme sera donc l'occasion de fusionner les deux dispositifs comme l'ont demandé les partenaires sociaux, soucieux de simplicité. Notre objectif, c'est en effet l'efficacité et le débat sur ce sujet apparaît assez vain.

C'est ce même souci d'efficacité qui nous a conduits à cibler les entreprises les plus créatrices d'emplois : celles de moins de 300 salariés dans lesquelles travaillent les deux tiers des salariés français.

Les entreprises savent désormais ce qu'elles peuvent attendre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il en sera de même du contrat de génération, qui obéit toutefois à une logique différente puisque le versement de l'aide y sera conditionnel – subordonné à l'embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans et au maintien d'un emploi senior. Ce contrat sera intégré dès 2013 dans le pacte pour la compétitivité, dont le crédit d'impôt est sans doute la principale mesure mais qui en comporte bien d'autres. Ce pacte sera financé par des dispositions fiscales que vous avez déjà votées et auxquelles il est exclu d'ajouter, et, pour le reste, par une diminution des dépenses publiques. C'est dans ce cadre que sera financé le contrat de génération. Son coût devrait être compris, à plein régime, en 2016, entre 900 millions et 1 milliard d'euros. Ce montant ne viendra pas amputer l'enveloppe de 20 milliards d'euros promise aux entreprises : celles-ci bénéficieront en fait des deux dispositifs, le Gouvernement veillant au bon équilibre de l'ensemble.

Pour 2013, le contrat de génération n'exigera, comme je l'ai dit, que 200 millions d'euros. Pôle emploi sera chargé du versement des aides, mais cette dépense lui sera compensée à l'euro près car il n'est pas question de diminuer ses moyens. Nous ne pouvions le faire dans le projet de loi de finances pour 2013, la loi n'ayant pas encore été votée, mais nous y pourvoirons dès la première loi de finances rectificative qui se présentera.

Quant au calendrier, les entreprises de plus de 300 salariés devront négocier un accord collectif ou élaborer un plan d'action avant le mois de septembre 2013, mais elles peuvent le faire bien avant, l'enjeu budgétaire étant nul puisque ces entreprises ne percevront pas d'aides financières. Les entreprises de 50 à 300 salariés devront négocier un accord collectif ou établir un plan d'action si elles ne sont pas couvertes par un accord de branche. Ce dernier sera suffisant pour percevoir les aides. Néanmoins, compte tenu de la diversité des situations, les partenaires sociaux ont souhaité donner la priorité à la recherche d'un accord dans l'entreprise. Enfin, pour les entreprises de moins de 50 salariés, l'application du régime des contrats de génération sera immédiate, dès la promulgation de la loi et la parution des décrets d'application.

Si le Parlement souhaitait une mise en oeuvre dès le 1er janvier 2013, le Gouvernement aurait la même attitude que pour les emplois d'avenir en étant prêt à lever les obstacles à une telle anticipation. Dans cette hypothèse d'une application anticipée, il est clair que les aides ne pourraient pas être versées le premier mois, mais un rattrapage serait opéré au cours des mois suivants.

Ce projet de loi répond à une préoccupation que nous pouvons tous partager et il a fait l'objet d'un accord unanime des partenaires sociaux. Dans ces conditions, je ne comprendrais pas qu'il ne soit pas soutenu, au sein de votre Assemblée, par une très large majorité.

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