Il est vrai que le mode de fonctionnement de l'administration ne favorise pas l'approche transversale. Mais, je l'ai dit, l'extrême diversité de l'exercice de la prostitution interdit d'avoir une politique publique unique de la prostitution. Pour répondre à votre crainte, madame la présidente, il est tout à fait possible de conduire une politique transversale – ou, disons, de viser dans l'idéal à cette transversalité – avec un acteur principal pour l'animer. Aujourd'hui, il n'y a pas de coordination entre les différents départements ministériels qui s'intéressent à la question de la prostitution. Il faudrait au niveau local, en collaboration entre les préfectures et les élus, établir des diagnostics de terrain précis et concrets des problématiques prostitutionnelles afin d'arrêter des objectifs transversaux aussi consensuels que possible et fixer à chacun une feuille de route.
Faut-il une loi ? Il est très difficile de répondre à cette question. L'important en tout cas est que le cadre juridique ne conduise pas les personnes à se prostituer dans une quasi-clandestinité, toujours préjudiciable sur le plan sanitaire. On ne peut pas se soigner correctement quand on est obligé de cacher son activité. Alors même que la prostitution n'est pas aujourd'hui illégale, certaines personnes qui se présentent à l'hôpital après une rupture de préservatif n'osent pas dire au praticien dans quel contexte cela est arrivé – au risque que le médecin ne puisse pas évaluer le risque réel. Si elles disent « c'était avec mon ami », tout est faussé et le médecin leur dira « ce n'est pas grave, revenez avec lui ». Et bien entendu, la personne qui se prostitue ne revient jamais…
Dans le système prostitutionnel actuel, le client est beaucoup trop ignoré. On parle de la personne qui se prostitue, éventuellement du proxénète, jamais du client. Pourtant, sur le plan sanitaire, celui-ci, tout autant que la personne qui se prostitue, peut propager des infections sexuellement transmissibles. Ce problème de santé publique n'est jamais évoqué.
À Lille, l'association Entractes a essayé de s'appuyer sur les prostituées pour faire passer des messages de prévention sanitaire auprès des clients. Elles distribuaient par exemple des cartes portant les tampons de diverses autorités reconnues, dont celui du ministère de la Santé, indiquant qu'en toutes circonstances, le préservatif était indispensable. Faute de moyens financiers, l'association n'a malheureusement pas pu répéter ce type d'action. Elle a eu le sentiment que ses crédits n'ont pas été reconduits parce qu'il y avait l'action s'adressait aussi au client.