Intervention de Miguel Fortéa

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Miguel Fortéa, secrétaire général de la Confédération générale du travail, CGT :

Avant tout, nous avons besoin d'un État stratège dans cette situation où énormément d'emplois et tout le tissu économique et social du pays sont concernés, comme le soulignait M. Philippe Evain. Selon l'étude réalisée en 2011 par M. Herbert Castéran, un universitaire strasbourgeois, il y a cinq emplois induits pour chaque emploi d'Air France, c'est-à-dire que plus de 356 000 emplois étaient concernés à l'époque de l'étude. L'impact est perceptible dans toutes les régions de France.

Depuis 2010, il y a eu 15 000 départs non remplacés sans que la charge de travail ne diminue. En 2012, on nous a demandé de faire des efforts de manière contrainte, en nous promettant qu'Air France arriverait au niveau d'Emirates, au troisième rang dans le classement des compagnies aériennes internationales. Aujourd'hui, on nous demande de creuser avec nos ongles, tout en gardant le sourire, et on nous reproche d'être encore trop nombreux malgré les bons résultats obtenus sur les neuf premiers mois de l'année, et en particulier au dernier trimestre. Ce n'est pas possible.

Entre 2012 et 2014, les dix plus gros salaires de personnels au sol ont augmenté de près de 10 %, à un moment où les salariés étaient contraints de faire des efforts. Les salariés en ont plus que ras-le-bol, ils n'en peuvent plus. Ce que vous avez vu le 5 octobre, c'est surtout la manifestation d'une exaspération. Les salariés ne comprennent pas le sens des efforts qu'on leur demande, et personne ne sait expliquer la stratégie de l'entreprise. On est vraiment dans un tunnel sans fin, sans perspectives.

Pour en revenir à l'État stratège, je pense qu'il faudrait organiser une réunion tripartite entre la direction, les organisations syndicales et l'État, où seraient définis le plan de développement et la stratégie, comme savent le faire d'autres compagnies étatisées. Tant que nous n'aurons pas un plan d'investissement, le pavillon français et tous nos emplois seront menacés. Actuellement, Air France ne peut pas investir dans les avions de nouvelle génération qui consomment près de 20 % de carburant en moins, alors que sa facture s'élève à 5 milliards d'euros. Lufthansa mène une politique qui lui permet d'avoir une facture de carburant inférieure de 500 millions d'euros à celle d'Air France sur un semestre, c'est-à-dire que la différence va atteindre un milliard d'euros sur l'année. Nous avons des problèmes de gestion et de stratégie : une stratégie fondée uniquement sur l'attrition, ce n'est pas possible.

Les salariés d'Air France ne sont pas des voyous ; ils se battent pour maintenir les emplois directs ou induits. On a voulu nous faire passer pour des gens que nous ne sommes pas. Afin de faire baisser la tension sociale qui règne au sein de l'entreprise, j'invite la direction à abandonner les poursuites disciplinaires en cours et à cesser de jeter de l'huile sur le feu. Laissons la justice trancher.

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