Intervention de Béatrice Lestic

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Béatrice Lestic, secrétaire générale de la CFDT :

En affirmant qu'on n'a pas de visibilité sur le diagnostic économique de l'entreprise, les représentants de l'intersyndicale s'égarent puisque depuis 2012, on a accumulé une dizaine d'expertises. Les élus au CCE disposent d'un expert qui, tous les ans, passe en revue les comptes et nous fait un point en milieu d'année. Avec le cabinet Secafi Alpha, nous avons conduit des contre-expertises sur à peu près tous les projets de la direction générale. On avait de la visibilité au moment du plan Transform – c'est pourquoi la CFDT s'est engagée dans ce travail – et on en a aujourd'hui. Au mois de juin encore, nous avons eu des informations sur l'analyse des comptes de l'entreprise.

À la CFDT, nous estimons que l'entreprise va mieux ; c'est pourquoi nous avons signé Transform, contrairement à nombre d'intervenants de tout à l'heure, et cet accord commence aujourd'hui à porter ses fruits. L'entreprise avait perdu de l'argent pendant sept années consécutives, mais grâce au dialogue social, il n'y a eu aucun licenciement sec. Arrêtons donc de dire que le dialogue n'existe pas chez Air France ! Cependant, si la situation s'améliore – et nous nous en félicitons –, elle reste moins favorable que celle de nos concurrents, et les gains ne suffisent pas à rétablir les fondamentaux. Tous les élus du CCE le savent : les fonds propres sont négatifs et la dette atteint 4,5 milliards d'euros – sans d'ailleurs en rien être constituée par les amendes. En 2016, il nous faudra financer des échéances importantes de remboursement ; or les résultats d'exploitation actuels n'y suffisent pas, y compris de l'avis de l'expert mandaté par les salariés. Secafi Alpha a estimé, avant la direction, qu'à moins de 750 millions d'euros de résultats d'exploitation, l'on n'arriverait pas à résorber la dette tout en finançant les investissements – un besoin impérieux pour Air France.

Le transport aérien est en pleine période de mutation et de nouveaux acteurs entrent sur le marché international. Il y a dix ans, on n'était pas confronté aux compagnies du Golfe, ni à la montée des compagnies asiatiques. Aujourd'hui, nous sommes bien obligés de nous adapter. Les commerciaux – dont je suis – s'y adaptent : notre recette unitaire est quasiment la meilleure de l'industrie, car on sait bien vendre les billets, mais elle s'effrite, comme le savent tous les élus du CCE. Cette question a fait l'objet de multiples expertises et contre-expertises, donc affirmer que nous ne connaissons pas le diagnostic est faux : nous en avons bel et bien une vision partagée. La CFDT estime que nous n'avons pas besoin d'un médiateur pour conduire les négociations, mais nous sommes tout à fait disposés à faire intervenir des personnalités qualifiées pour refaire le point sur le diagnostic économique afin de mettre toutes les parties d'accord sur ce point. Nous sommes également demandeurs d'observateurs de la négociation. On ne peut pas laisser dire aujourd'hui dans tous les journaux et à l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas de dialogue social à Air France. C'est faux ; on sort d'une négociation sur l'égalité professionnelle, on entre en négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les instances du dialogue se réunissent, les discussions se déroulent ; certains syndicats choisissent simplement de ne pas y participer. Ceux qui affirment le contraire sous-entendent que les organisations qui s'engagent dans le dialogue social signent la copie de la direction ; mais nous négocions au contraire point par point. La CFDT n'accepte donc pas des déclarations comme celle-ci. Nous avons porté une bonne partie des accords aujourd'hui en vigueur. Je vous invite à regarder le niveau social de l'entreprise ; on est loin de Germinal, et c'est grâce au dialogue social que le droit social Air France est très largement supérieur à ce qu'on peut observer dans d'autres entreprises françaises. Il faut donc sortir de la caricature.

S'agissant du rôle de l'État, la CFDT avait déjà interpelé le Gouvernement au moment de la sortie du rapport Abraham, puis du rapport Le Roux. Tous les syndicats de l'entreprise sont réunis au sein du collectif intersyndical – indépendant de l'intersyndicale que vous avez reçue aujourd'hui – qui travaille sur ces questions depuis plus d'un an et demi. Nous demandons que soient mises en oeuvre toutes ou une partie des mesures indispensables préconisées dans ces deux rapports. Nous souhaitons au moins que l'État travaille sur la question de la taxe de l'aviation civile, qui représente une dérogation à l'universalité de la comptabilité publique dans la mesure où ce sont les compagnies aériennes qui financent une partie de l'administration. Nous voulons également qu'il réfléchisse à la taxe de sûreté ; en effet, dans la plupart des pays, la sûreté est une fonction régalienne, assumée par l'État, alors qu'en France, ce sont les compagnies aériennes qui la prennent en charge, via les taxes payées par les passagers. En matière de taxes aéroportuaires, Ronald Noirot a souligné à juste titre que nos collègues néerlandais bénéficient d'une baisse de 7,7 % cette année, et de 11 % l'année prochaine. Une baisse des taxes bénéficierait à l'ensemble des compagnies, mais profiterait surtout à la compétitivité d'Air France dont Paris est la plateforme principale.

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