Intervention de Christian Eckert

Réunion du 13 novembre 2015 à 13h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget :

Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, un projet de loi de finances, qu'il soit rectificatif ou initial, ce sont des chiffres et des lettres. Je commencerai par vous parler des chiffres avant d'aborder les lettres.

Que nous disent les chiffres ? Aujourd'hui, 13 novembre 2015, comme le 30 septembre lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2016, et comme le 15 avril lors de la présentation du programme de stabilité, ils nous disent une seule et même chose : nos engagements budgétaires pour 2015 sont en passe d'être tenus.

Sur les recettes tout d'abord, certains ont joué les Cassandre tout au long de l'année en nous annonçant des moins-values de recettes de plusieurs milliards d'euros. Ces prédictions n'étaient fondées sur aucune analyse sérieuse et nos prévisions sont aujourd'hui confirmées par les chiffres de recouvrement – et je rappelle que toutes les données de recouvrement sont publiques, la situation du budget de l'État à fin septembre ayant été publiée la semaine dernière.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, nous constations à cette date une plus-value de 900 millions d'euros par rapport à septembre 2014 ; le projet de loi de finances rectificative table prudemment, pour l'ensemble de l'année, sur une hausse de seulement 300 millions d'euros par rapport à 2014. Il reste plusieurs aléas jusqu'à la fin de l'année, mais il est aujourd'hui quasiment certain que l'impôt sur le revenu sera, en 2015, en plus-value par rapport à la loi de finances initiale. Ce serait la première fois depuis 2006. Cette plus-value serait de l'ordre de 600 millions d'euros.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), nous constatons à la fin du mois de septembre une hausse de 3,5 % de son produit par rapport à septembre 2014 ; le projet de loi de finances rectificative anticipe une hausse de 2,3 % seulement. Notre prévision est donc prudente et, en tout cas, on ne constate aucun décrochage de cet impôt, bien au contraire.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés, nous anticipons une légère moins-value de 300 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale, le cinquième acompte restant un aléa important.

S'agissant de l'ISF, le produit de l'impôt correspondra à la prévision de la loi de finances initiale, l'écart de 200 millions d'euros s'expliquant uniquement par une répartition des recettes du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) moins riche en ISF.

S'agissant enfin des contentieux fiscaux de série, ils ont été budgétés prudemment, comme chaque année, et ce projet de loi prévoit une baisse de 447 millions d'euros du coût des décaissements au titre du contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) en 2015.

Au total, nous avons revu progressivement à la hausse les recettes fiscales depuis le mois d'avril et le programme de stabilité : nous estimons maintenant qu'elles sont en plus-value d'environ 500 millions d'euros par rapport à cette prévision du mois d'avril.

L'ensemble des recettes de l'État, fiscales et non fiscales, correspond à ce que prévoyait la loi de finances initiale, avec une légère moins-value de 100 millions d'euros.

Les dépenses de l'État sont, elles aussi, tenues, comme prévu.

Je rappelle que l'objectif inscrit dans la loi de finances initiale était élevé, puisque nous voulions diminuer de 4,5 milliards d'euros la dépense sous norme, hors charge de la dette et pensions.

En cours d'année, nous avons mis en oeuvre un plan d'économies complémentaires de 4 milliards d'euros sur l'ensemble des administrations publiques, afin de compenser l'impact de la diminution de l'inflation sur les économies prévues. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d'euros la dépense de l'État.

Toujours en cours d'année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l'emploi des Français : ce sont près de 800 millions d'euros de dépenses qu'il a fallu financer par des économies supplémentaires dans le décret d'avance du mois d'avril et par une mise en réserve complémentaire de crédits.

Sur l'année 2015, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l'État – une baisse probablement sans précédent – et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce PLFR montre qu'il est possible de faire les deux simultanément.

Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s'agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d'année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures (OPEX) et des emplois aidés. Pour cela, ce sont près de 2,1 milliards d'euros d'annulations de crédits qui doivent être mis en oeuvre dans ce collectif et dans le prochain décret d'avance.

Ce que nous disent les chiffres, c'est donc que les recettes sont tenues ; que la dépense est tenue ; et, dès lors, que le déficit de l'État se réduit – de 1,1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale. C'est donc, désormais, une baisse de 12,3 milliards d'euros du déficit de l'État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014. Cette dernière était, vous vous en souvenez, une année exceptionnelle, en raison du programme d'investissements d'avenir (PIA). À périmètre constant, hors PIA, le déficit de l'État était de 74,9 milliards d'euros en 2014 ; il sera en 2015, selon nos estimations, de 73,3 milliards d'euros. Cela représente une baisse de 1,6 milliard d'euros sonnants et trébuchants.

Je précise que le déficit de l'État est revu en hausse – légère – de 300 millions d'euros par rapport à la prévision du projet de loi de finances pour 2016 qui vous a été présentée à la fin du mois de septembre. Cet écart s'explique par un facteur un peu technique, que je vais m'efforcer d'expliquer aussi clairement que possible.

Dès le début de l'année, nous avons anticipé une économie de 700 millions d'euros sur le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne au titre de corrections sur les contributions versées au cours des exercices antérieurs ; cette économie était attendue du vote d'un budget rectificatif par le Parlement européen dans le courant de cette année. Or, il s'avère aujourd'hui que le Parlement européen ne votera pas ce budget dans un délai permettant de constater, en comptabilité budgétaire, cette économie sur l'exercice 2015. En conséquence, cette économie ne peut être prise en compte sur le budget de l'État en 2015, ce qui conduit, toutes choses égales par ailleurs, à dégrader le solde de 700 millions d'euros.

Pour compliquer encore un peu les choses, il faut savoir que la perte de cette économie n'a aucun impact sur le déficit public en comptabilité nationale. En effet, elle était déjà considérée comme certaine à la fin de l'année 2014 et avait donc été comptabilisée par l'INSEE au titre de cet exercice.

En résumé, cette dégradation du solde de l'État par rapport à septembre est en trompe-l'oeil : en comptabilité nationale – qui est le juge de paix en la matière – c'est bien à une amélioration que nous nous attendons par rapport à septembre, puisque nous avons revu les recettes à la hausse de 400 millions d'euros.

J'en viens aux lettres, et au volet fiscal de ce projet de loi de finances ; compte tenu du peu de temps donc nous disposons, je serai bref, mais je serai bien sûr à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je commencerai par la fiscalité écologique. En complément de la présentation de Michel Sapin, qui connaît très bien tous ces problèmes, il est important de décrire le mouvement de « rebudgétisation » que vous propose ce texte.

En effet, l'ensemble des recettes et dépenses de l'actuelle contribution au service public de l'électricité (CSPE) et de ses équivalents pour le gaz, qui constituaient jusqu'à présent des dispositifs extrabudgétaires, seront intégrées au budget de l'État, qui disposera ainsi plus directement de l'ensemble des moyens en faveur de la transition énergétique et du service public de l'énergie. Le contrôle et l'information du Parlement et du Gouvernement sur ces moyens très importants – plus de 6 milliards d'euros de recettes et de dépenses en 2016 – s'en trouveront renforcés. Cette intégration de la CSPE au budget de l'État se traduira par la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS) Transition énergétique qui financera l'ensemble des tarifs de rachat d'énergies renouvelables, soit plus de 4 milliards d'euros en 2016, et par la création au sein du budget général de l'État d'un nouveau programme Service public de l'énergie qui regroupera les moyens en faveur de la péréquation géographique et sociale de l'énergie. Il sera doté d'environ 2 milliards d'euros en 2016.

En ce qui concerne la fiscalité sur les tabacs, nous vous proposons d'ajuster le dispositif du « minimum de perception majoré », qui nous permet d'augmenter instantanément la fiscalité sur les cigarettes les moins chères, notamment en cas d'amorce de guerre des prix. L'efficacité de cet outil n'est pas en cause ; il a été mobilisé avec succès pour neutraliser les tensions baissières observées sur le marché en 2014 puis en 2015. Mais la récente jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) nous invite à faire évoluer le dispositif, qui sera désormais moins « chirurgical », si j'ose dire, mais pas moins puissant, et toujours au service de la protection des recettes de la sécurité sociale et surtout de nos objectifs de santé publique.

Le projet de loi de finances rectificative comporte également des mesures relatives à la fiscalité locale, en particulier le report de 2016 à 2017, déjà annoncé, de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, qui a été lancée à l'initiative des commissions des finances des deux assemblées. Je vous transmets, monsieur le président, le résultat très détaillé des importants travaux d'analyse des conséquences de la révision menés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) sur ce sujet. Le PLFR proposera également de lisser sur dix ans les effets de la révision, afin d'en atténuer les effets pour les contribuables, la révision demeurant à produit fiscal constant pour les collectivités territoriales.

J'ai proposé hier que nous tenions une réunion sur ce sujet, afin de débattre des points délicats – qui sont nombreux, en raison de l'ancienneté des bases et des risques d'effets brutaux si nous ne prévoyons pas de garde-fous adéquats. Nous pourrions ainsi envisager dès ce PLFR, outre la prolongation du lissage, des mesures qui permettront la bonne mise en oeuvre de cette réforme dès le début de l'année 2017.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, une présentation aussi synthétique que possible de ce texte très riche et très varié.

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