Intervention de Guy Gilbert

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Guy Gilbert, professeur émérite, Centre d'économie de la Sorbonneécole normale supérieure de Cachan :

C'est une très bonne idée d'avoir choisi l'horizon 2020, car c'est précisément le terme des simulations que nous avons réalisées. Celles-ci montrent que si les collectivités locales françaises conservaient le comportement financier qui a été le leur depuis les lois de décentralisation, les conséquences à attendre de la baisse programmée des concours de l'État – si elle se réalise selon le calendrier initial – ne se produiraient pas d'ici à 2017, terme du programme de stabilité, mais entre 2017 et 2020. C'est évidemment un pari, car nous ne savons déjà pas demain ce que le PLF 2016 contiendra. Néanmoins, ce que suggère la prolongation des comportements antérieurs, c'est une réponse décalée au choc de ressources induit par la baisse programmée des dotations de l'État. La réponse, sans doute, s'écarte considérablement des discours habituels, mais elle repose sur des prévisions macroéconomiques dans lesquelles, par définition, aucune collectivité ne se reconnaît et qui sont peu nombreuses – à ma connaissance, La Banque postale est la seule, avec nous, à faire ce travail. Les conséquences à l'horizon 2017 ne seraient pas si importantes, en tout cas pas dans le bloc communal : une baisse de 5 milliards de l'investissement local – ce qui n'est pas négligeable –, une augmentation modérée de la fiscalité et une érosion de l'épargne puisque les dépenses de fonctionnement continueraient de s'accroître, hors conséquence du gel du point d'indice de la masse salariale. Les collectivités choisiraient de puiser dans le fonds de roulement, d'augmenter légèrement leur endettement et, à partir de 2017 seulement, pour solder les comptes, d'envisager une réduction beaucoup plus significative de l'investissement direct et indirect. Ces résultats, basés sur des travaux antérieurs, ne prennent pas en compte le fonds de soutien à l'investissement local et d'autres mesures dont le PLF 2016 nous réservera la surprise. Autrement dit, ces projections ne sont pas aujourd'hui suffisamment en phase avec la réalité institutionnelle pour qu'on puisse les présenter de façon détaillée.

Lorsqu'on compare la structure du budget des collectivités à celle du budget de l'État, on comprend clairement qu'ils ne font plus le même métier. Ces structures diffèrent radicalement. Les assimiler, c'est faire une erreur de perspective.

Exception faite des 60 % des dépenses des départements, qui relèvent bien plus de la déconcentration que de la décentralisation, les dépenses dans le bloc local sont induites par l'accumulation d'équipements. Ce sont les équipements qui génèrent de la dépense d'année en année. La dynamique de la dépense est tirée par la cristallisation des investissements réalisés au fil des ans. On peut calculer des taux de charges récurrentes : 1 euro d'investissement nouveau dans une collectivité égale – ce chiffre est quasiment gravé dans le marbre depuis les années quatre-vingt-dix – 18 centimes de charges récurrentes en moyenne l'année suivante – 4 centimes pour une route, 33 centimes pour une crèche, etc. Autrement dit, la mécanique budgétaire des collectivités est impulsée par l'investissement. C'est pourquoi cette question de l'investissement local est si importante, pas uniquement comme soutien à l'activité macroéconomique, mais comme facteur de dynamique intrinsèque. C'est la trajectoire d'un super tanker. Pour faire changer de cap un super tanker, on ne s'y prend pas en une minute. Or c'est exactement ce qui va se passer, semble-t-il.

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