Intervention de Nicolas Sansu

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu, rapporteur :

Je suis à l'origine de la création de cette commission d'enquête, car il me semblait – ce qu'a confirmé monsieur Houser en constatant l'absence de prospective des travaux de la Cour des comptes – que nous manquions d'études d'impact sur les conséquences de la baisse des dotations aux collectivités locales, non seulement sur leurs finances mais aussi sur le service public de proximité et sur l'aménagement équilibré du territoire. Sur le territoire, les situations sont très hétérogènes mais il y a une constante : la baisse des dotations est brutale. Madame Binet, monsieur Gilbert, j'ai lu votre étude avec plaisir mais elle ne prend pas comme hypothèse cette baisse de dotations – que vous ne pouviez pas connaître –, et cela change tout pour le bloc communal.

La DGF a un impact extrêmement fort sur le bloc communal, pas partout, j'en conviens. Je peux vous assurer que la baisse des dotations, conjuguée à l'échec, voire la catastrophe pour certains territoires, de la suppression de la taxe professionnelle – remplacée par un impôt économique qui n'est même pas dynamique mais régressif aujourd'hui – place des territoires en quasi-déséquilibre dès 2016. Au-delà de l'avis macroéconomique et des revendications normales d'associations d'élus qui peuvent être excessives, les difficultés de certaines communes sont réelles.

Même si le chiffre donné par le président de l'AQMF, François Baroin, peut paraître exagéré – 2 500 à 3 000 communes en difficulté dès 2016 ou 2017 –,un déséquilibre est manifestement en train de se creuser dans les finances du bloc communal. Je ne parle même pas des départements : pour eux, c'est terminé ! Si on continue à leur faire payer toutes les allocations individuelles de solidarité, dix départements ne pourront pas équilibrer leur budget en 2016, ils seront trente en 2017, ensuite, aucun n'en réchappera, sauf peut-être les Hauts-de-Seine. Au surplus, il ne faut pas négliger l'effet domino. Toutes les communes et les intercommunalités ont signé des contrats avec les régions, parfois avec les départements, et l'impact est considérable sur de nombreuses politiques publiques qui mobilisent de l'investissement, au travers des subventions d'équipement, ou même sur des politiques de proximité. Dans le domaine de la culture, le théâtre d'une ville est subventionné par toutes les strates de collectivités. Ces subventions risquent d'être remises en cause. Est-ce bon pour le pays ? Est-ce bon pour la croissance ? Telle est la question.

Hier, devant le Comité des finances locales, la Cour des comptes a révisé sa position et annoncé que la baisse de l'investissement sera bien supérieure à 2 % – les premiers chiffres pour 2015 font état d'une baisse de 10 à 12 % pour le bloc communal par rapport à 2014. On ne peut plus l'imputer au cycle électoral, dont on sait qu'il est responsable pour 6 à 7 % de la baisse en 2014. La Cour des comptes a reconnu hier que cette diminution posait problème pour l'investissement public.

Je ne suis pas sûr que tous les investissements génèrent des dépenses de fonctionnement. Ne sommes-nous pas devant un changement de paradigme de la part des élus qui recherchent des investissements engendrant peu ou pas de dépenses de fonctionnement ? Quand les collectivités sont appelées à contribuer à la transition écologique, les investissements permettent des économies dans le budget de fonctionnement. Ce qui était vrai dans une période d'extension du patrimoine communal est sans doute révisé aujourd'hui.

Vous demandez s'il est grave de réduire de 7 à 8 milliards d'euros – selon les prévisions de l'AMF – l'investissement du bloc communal. Ce ne le serait pas tant s'il ne s'agissait que d'étendre le patrimoine. Mais en fait, c'est son simple entretien qui en pâtirait. Je ne suis pas sûr que le patrimoine puisse tenir avec un investissement public local qui s'effondre. On peut fermer une piscine, une salle de sport ou un équipement culturel. Est-ce là ce que nous voulons, diminuer les services offerts à nos concitoyens ? Je n'en suis pas sûr.

Quel est votre avis sur le débat récurrent entre épargne brute et épargne nette ? Les associations d'élus se préoccupent de maintenir l'épargne nette, qui s'effondre actuellement. L'épargne brute, elle, permet de s'endetter. En demandant aux collectivités de maintenir l'épargne brute, on les encourage à recourir à l'endettement, ce qui est un non-sens. L'État veut faire 50 milliards d'économies dans les dépenses publiques et propose aux collectivités de s'endetter ! La baisse de 11 milliards d'euros se traduira par un recul de l'investissement et non par une amélioration du ratio de fonctionnement – ou très peu –, ce qui correspond à l'inverse du but recherché. Les collectivités sont très attachées à l'épargne nette, à l'autofinancement réel.

Madame Steckel-Assouère a dit de la DGF qu'elle était une péréquation verticale. Non : la DGF est la compensation de taxes qui ne sont plus perçues par les collectivités locales. Ce n'est pas une péréquation mais une dotation globale. Ce n'est pas la même chose.

Enfin, monsieur Houser, je considère que la mise en oeuvre aujourd'hui de la réforme de la DGF n'est pas raisonnable parce qu'on ne peut pas faire des perdants et des perdants-perdants. Le problème pour les élus, ce n'est pas tant la réforme de la DGF que la baisse des dotations qu'ils subissent. Si on veut réussir la réforme de la DGF, il existe une solution immédiate : le gel des dotations. Là, il n'y aura aucun souci.

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