Intervention de Guy Gilbert

Réunion du 4 novembre 2015 à 9h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Guy Gilbert, professeur émérite, Centre d'économie de la Sorbonneécole normale supérieure de Cachan :

Monsieur le rapporteur a évoqué les investissements censés générer des économies de fonctionnement. Toute la difficulté est que la comptabilité des collectivités – qui n'a pour seul but que de permettre à Bercy de contrôler l'équilibre des comptes – ne renseigne nullement sur les charges et les économies récurrentes. Les seules données dont nous disposons sont des données globales tirées des comptes de patrimoine de la comptabilité nationale ; il s'agit des chiffres que je vous ai cités.

On aimerait, évidemment, pouvoir constater ces économies récurrentes qui proviennent des efforts fournis par les communes, par exemple pour faire des économies d'énergie en réhabilitant leurs locaux ou en rénovant leur éclairage. Il s'avère malheureusement qu'au niveau macroéconomique ces économies récurrentes sont absorbées par les charges récurrentes, de beaucoup supérieures. Certes, il y a des charges récurrentes qui diminuent, comme la charge de la dette, allégée par la baisse des taux d'intérêt, mais d'autres connaissent une forte augmentation, comme les achats de biens et services ou les charges salariales, même si la progression de ces dernières est moins rapide. Il serait d'autant plus important d'avoir une vision précise de ces charges qu'une modification même minime du taux de charges récurrentes modifierait considérablement les résultats de nos modèles prospectifs. Autrement dit, c'est un paramètre essentiel.

J'en viens à la péréquation. Il est vrai de dire que la DGF est une dotation de compensation fiscale, puisqu'elle a succédé au versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS), lui-même imaginé en remplacement de la taxe sur les salaires. Néanmoins, cette compensation fiscale a été assortie de critères péréquateurs qui, sur la durée – puisque cela remonte à la fin des années 1960 –, se sont révélés avoir des effets considérables.

Quant à privilégier les critères de charges dans le mécanisme de péréquation, ce serait considérer que la situation d'une collectivité locale n'est pas le résultat sédimenté des décisions antérieures et des politiques passées. J'entends qu'il y a des charges objectives de situation, liées notamment à la géographie, et les chantiers de déneigement aux Sables d'Olonne n'ont pas la même ampleur qu'à Saint-Véran. Hormis ces cas particuliers, les charges d'une commune sont le fruit d'une histoire, ce qui explique que de nombreux pays préfèrent organiser la péréquation autour de critères liés au potentiel fiscal.

S'agissant à présent de la manière de réduire la voilure, ce ne peut être qu'une entreprise de long terme, l'inertie des finances locales étant ce qu'elle est et le stock d'équipements existants absorbant déjà peu ou prou la moitié des dépenses d'investissement pour sa rénovation ou son renouvellement. Il faudra donc envisager, très progressivement, de reconfigurer le parc d'équipements, en fermant des écoles, en vendant ou en réaffectant des locaux, jusqu'à le ramener à une dimension raisonnable pour la commune, sachant qu'il sera, quoi qu'il en soit, voué à s'accroître encore, compte tenu de l'apparition de nouveaux besoins. Je l'ai dit, cela prendra du temps, car nous avons vécu, depuis les lois de décentralisation, une période où les équipements – ceux qui relevaient des compétences transférées comme ceux que justifiaient les compétences traditionnelles des communes – se sont accumulés et ont chargé la barque : c'est pour cela qu'une baisse extrêmement brutale des dotations est incompréhensible. Car n'oublions jamais que les collectivités ne sont pas l'État et que, au-delà de toute considération sur leur solvabilité financière, leurs comptes et leurs finances n'obéissent ni à la même logique ni à la même dynamique. C'est fondamental, mais pas si présent que cela dans le débat public…

On aimerait à tout le moins pouvoir se consoler avec l'idée d'un retour fiscal sur investissement, récompensant des dépenses ayant attiré des personnes et des activités économiques, lesquelles, dans une dynamique vertueuse, permettrait un élargissement des bases fiscales. Or force est de reconnaître que, en dehors du domaine du foncier et de l'immobilier – et encore faut-il que les valeurs locatives soient suffisamment réactives – ce retour fiscal est d'une remarquable médiocrité, ce qui est pour partie imputable à la réforme de la taxe professionnelle qui a substitué la valeur ajoutée aux équipements et biens mobiliers dans la définition de l'assiette.

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