Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 10 novembre 2015 à 16h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique :

La baisse des dotations n'impacte pas toutes les communes de la même façon, loin de là. Nous avons pu, avec la DSR et la DSU, compenser cette baisse pour les communes les plus pauvres. Les inégalités sont aujourd'hui flagrantes, et il est extrêmement difficile de réaliser une étude d'impact globale quand les situations sont aussi diverses – n'oublions pas que certaines communes ont zéro emprunt, une très faible pression fiscale et des équipements de qualité. Il est donc impossible de faire une étude d'impact précise, commune par commune. Pour autant, lorsque nous avons pris la décision, nous savions que la baisse de l'autofinancement net résultant de la diminution des dotations pouvait, pour certaines collectivités mais pas toutes, impacter l'investissement, et c'est pourquoi nous avons également pris des mesures à cet égard. Première chose, donc : on connaissait l'impact.

Deuxième élément : l'impact sur le financement est prévisible, mais je demande toujours aux entrepreneurs du BTP qui viennent nous voir s'ils ont apprécié le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il y a transfert d'une part des recettes de l'État d'un secteur à un autre, mais les contribuables sont les mêmes. Quand la dette est importante, nous sommes obligés de nous demander comment nos enfants et petits-enfants y feront face. Réduire la dette est aujourd'hui nécessaire. La proposition du ministère du budget pour la première année, c'est-à-dire 2013, était de baisser les dotations aux collectivités locales, essentiellement la DGF, de 750 millions. Nous avons décidé d'attendre, nous n'avons pas appliqué cette baisse la première année, pour voir comment allaient se comporter ces acteurs majeurs du service public que sont les collectivités territoriales.

Les associations d'élus nous demandent de prévoir des baisses ailleurs, mais ces baisses porteraient alors sur la santé et les services sociaux, et cela a déjà été difficile de n'avoir que 0,9 puis 0,75 point d'ONDAM. J'assume donc cette baisse des dotations. Le nombre de communes en difficulté, André Vallini l'a souligné, reste très faible.

Nous avons en même temps déclenché un mouvement pour l'intercommunalité, car cela a fait ses preuves : certaines petites communes rurales n'auraient jamais bénéficié de services à l'enfance ou d'accompagnement des personnes âgées ou de portage des repas à domicile sans la création des intercommunalités et la solidarité entre collectivités. La mise en commun des moyens permet, malgré la baisse des dotations, de préserver le service public.

Le total des dotations, compensations et dégrèvements en faveur des collectivités territoriales égale l'impôt sur le revenu des Français. Ces dépenses « épuisent » totalement le produit de l'impôt sur le revenu. Nous avons déjà créé une tranche supplémentaire de cet impôt, mais l'augmentation a des limites, et cela ne « passe » plus, en particulier auprès des classes moyennes.

L'essentiel est d'observer ce qui se passe dans les territoires pour intervenir de manière plus fine, et c'était tout l'intérêt de la mission parlementaire ; nous l'avons demandée non pas pour avoir une étude d'impact mais pour avoir un vrai travail de parlementaire sur la réalité des situations. Car les inégalités sont aujourd'hui d'une violence inouïe. Certaines collectivités disposent de réserves de plusieurs dizaines de millions d'euros et continuent de percevoir des dotations. Ce qu'il faut, c'est davantage de péréquation, c'est remettre davantage de justice entre nos collectivités.

Une dizaine de départements sont en difficulté cette année. Le problème majeur des départements est le reste à charge entre les allocations, créées, pour la plupart, par notre majorité, comme l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), mais aussi par l'ancienne majorité, comme le revenu de solidarité active (RSA), et ce qui est versé par l'État. Nous avons donc créé un groupe de travail commun entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'État sur le RSA, pour décider si cette prestation doit être du niveau départemental ou national, en prenant en compte les spécificités du volet « versement » et du volet « insertion ».

Les simulations sur l'autofinancement des communes sont en ligne – on pourra vous les donner sur clef USB – et c'est extrêmement éclairant. Je suis favorable au versement de certaines dotations en fonctionnement. L'erreur est de croire que, lorsque l'on réserve les crédits d'État à l'investissement, l'investissement se fera ; non, l'investissement ne se fera que si l'autofinancement est là. C'est une divergence d'appréciation que nous pouvons avoir avec les services de Bercy. Nous souhaitons donc discuter avec les parlementaires, entre les deux lectures du projet de loi de finances, sur certaines affectations en fonctionnement. Pour les communes le plus en difficulté, ce pourrait être le cas pour tout ou partie des dotations au titre de la politique de la ville ; cela peut être décisif pour appeler les crédits de l'ANRU. Il faut également se poser la question pour les dépenses nouvellement éligibles au FCTVA, dans la mesure où celles-ci sont inscrites en section de fonctionnement. Quand on reconstitue des marges, de l'autofinancement net, il est plus facile d'élaborer et de conduire un plan pluriannuel d'investissement.

Je regrette profondément le report de la réforme de la DGF, car c'est une réforme juste. Les collectivités qui auraient perdu sont en très bonne santé financière. Cette réforme fait bouger les curseurs, portant les ratios de la centralité de 60-40 à 70-30, déplaçant la courbe logarithmique pour la DSU – et il faut absolument supprimer l'effet de seuil de la DSU-cible –, ainsi pour la DSR, perçue par trop de communes – 31 000 sur 36 000 : ce n'est plus une dotation de solidarité. Cette réforme était en outre le seul moyen, en réalité, d'obtenir une étude d'impact, car nul n'est capable de démonter la DGF des communes ; le meilleur de nos techniciens ne peut pas expliquer pourquoi deux communes dans la même situation en termes de nombre d'habitants, de revenu moyen et de superficie, perçoivent des montants du simple au double. Ne serait-ce que pour permettre au Parlement de disposer de tous les éléments d'appréciation, ne retenir que trois facteurs, plus la solidarité, rendra le système bien plus clair.

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