Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 21 octobre 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Nous accueillons M. Jérôme Bonnafont pour une audition centrée sur la situation en Iran, au Yémen et en Libye.

Je viens de me rendre en Iran, accompagnée de Mme Odile Saugues et de M. Philippe Cochet ; M. Pierre Lellouche, qui participait comme moi à la réunion, à Téhéran, du Core Group de la conférence de Munich sur la sécurité, s'est joint à notre délégation. J'ai constaté lors de ces entretiens que la conclusion de l'accord nucléaire a donné une nouvelle impulsion à la relation franco-iranienne. En juillet déjà, lors de la visite du ministre des affaires étrangères à Téhéran, j'avais été frappée par la cordialité du président Rohani et des membres de son gouvernement ; elle s'est confirmée cette fois. Les autorités iraniennes attendent de grandes retombées économiques de cet accord, mais chacun s'inquiète à l'idée de possibles sanctions américaines à l'encontre des établissements qui financeraient le commerce avec l'Iran. Cette préoccupation est d'autant plus forte que les financements disponibles là-bas ne sont pas, contrairement à ce que la presse a indiqué, de 150 milliards de dollars mais de 30 à 40 milliards, sans commune mesure avec des besoins estimés par les responsables iraniens à 1 000 milliards de dollars. Il y a là des perspectives économiques extraordinaires pour la France, dont les entreprises ont manifestement une cote d'amour élevée, singulièrement celles qui se sont maintenues en Iran pendant la période de difficulté ; nous avons compris, en particulier, la faveur dont jouit Airbus. Notre collègue Seybah Dagoma, qui s'intéresse assidûment aux négociations commerciales avec les États-Unis, a déjà commencé de travailler à la question du financement de ces projets et je veux faire le point sur cette question avec les collègues intéressés. Nous entendrons vos précisions avec grand intérêt.

Je vous inviterai à traiter ensuite de la politique intérieure de l'Iran. La négociation puis la signature de l'accord sur le programme nucléaire iranien ont été l'occasion de grandes tensions entre le gouvernement, qui a fait bloc avec le président Rohani, favorable à l'accord, et les conservateurs, dont on trouve beaucoup de représentants au Majlis, dont mon homologue, et qui ont mené la vie très dure au gouvernement à ce sujet. Vous nous direz si cela laisse présager des difficultés dans l'application de l'accord.

En politique étrangère en revanche, même si la tonalité des discours diffère, les responsables Iraniens soutiennent tous le président syrien et l'intervention russe en Syrie. Certains parmi les plus conservateurs sont allés, pendant la réunion du Core Group, jusqu'à nier la responsabilité du régime dans les largages de bombes sur la population, se limitant sobrement à expliquer, quand on leur rappelle que seul le régime détient les hélicoptères d'où les barils d'explosifs sont lâchés, que toute guerre cause des morts. Tous ne disent pas cela, mais tous s'accordent pour attribuer cette tragédie à des terroristes venus de l'extérieur – des pays européens, dont la France, et de pays voisins – l'Arabie saoudite mais aussi la Turquie – et qu'il convient de soutenir le régime soumis à ces attaques de l'étranger. Notre seul point de convergence a été qu'il n'est pas de solution uniquement militaire possible et qu'un accord politique est indispensable. Mais les divergences sont profondes tant sur l'analyse des causes de la tragédie que sur la manière de parvenir à la transition politique. Traiter de la politique étrangère de l'Iran vous conduira donc à aborder la situation en Syrie.

Selon les autorités iraniennes, la crise au Yémen est entièrement due à la paranoïa des Saoudiens qui, expliquent-elles, suspectent l'Iran de manipuler les houthistes, alors même que c'est l'Arabie saoudite qui est à l'origine de la crise. Sur le terrain, les forces de la coalition progressent difficilement et leurs bombardements sont responsables de 70 % des pertes civiles, estimées à 5 000 personnes. Les Nations Unies proposent une médiation pour parvenir à une solution politique ; selon vous, quelles en sont les chances de succès ?

Nous avons évoqué avec le ministre des affaires étrangères l'hypothèse de la formation d'un gouvernement d'union nationale en Libye, qui venait d'être annoncée. Quelle est l'influence des durs, à Tobrouk et à Tripoli ? Quelles sanctions envisager, dans le cadre des Nations Unies, si l'accord n'est pas signé ? En parle-t-on au niveau européen ? Quel est votre avis sur la position de l'Italie d'une part, sur l'impact pour la Tunisie de la situation en Libye d'autre part ? Nous sommes très attachés à la réussite de la transition en Tunisie ; pourrions-nous faire davantage pour aider ce pays, sachant que l'attribution du Prix Nobel de la paix aux représentants du Dialogue national en Tunisie ne suffira pas à susciter des emplois dans ce pays emblématique.

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