Cela ne l'est pas. En marge du sommet en format « Normandie » qui a eu lieu le 2 octobre à Paris, le président de la République et le ministre des affaires étrangères ont rappelé au président Poutine les principes dont le respect ferait que nous pourrions considérer la Russie comme faisant partie de la coalition anti-Daesh : que ses frappes soient dirigées contre Daesh et les groupes islamistes radicaux ; que les civils soient protégés ; que l'on parvienne rapidement à une solution politique. Malheureusement, la Russie n'a répondu positivement à rien de cela.
La situation est donc très compliquée, mais nous devons aller de l'avant car notre sécurité et notre stabilité sont directement menacées. La menace la plus évidente est celle du terrorisme puisque des Français ou des individus résidant en France partis combattre dans les rangs de Daesh peuvent revenir à tout moment – c'est déjà le cas pour certains. D'autre part, les réfugiés, qui sont plus de deux millions en Turquie, plus d'un million en Jordanie et un million au Liban, et auxquels s'ajoutent entre 6 et 8 millions de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie, sont dans une situation sans issue. C'est dire l'urgence d'une solution politique à ce conflit ; ce sera l'objet de nos travaux au cours des prochaines semaines.
C'est aux Libanais qu'il appartient de trouver un accord politique de telle sorte que les rivalités régionales qui s'exercent sur leur sol n'empêchent pas le fonctionnement de leurs institutions. Nous constatons qu'il est remarquablement compliqué de trouver une personnalité dont la candidature à la présidence de la République libanaise satisferait à la fois les chrétiens de toutes obédiences, les sunnites et les chiites. La France, qui ne souhaite ni ne peut dicter leur choix, ne reste pas inactive pour autant. Le président du Sénat, se rendra dans quelques jours au Liban où il aura des entretiens avec de nombreuses personnalités dont M. Nabih Berri, président du Parlement, qui cherche à réunir les forces politiques. Dans quelques jours, le ministre de l'intérieur sera à Beyrouth en même temps que la mission de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dépêchée au Liban pour examiner les demandes de 250 candidats à l'asile en France. Nos consulats au Liban, en Jordanie et en Turquie connaissent des moments difficiles en raison de l'afflux des demandes d'asile, qui doivent toutes être traitées individuellement et de manière approfondie. Nous examinons les moyens propres à faciliter la situation de nos collègues.
À propos de la Libye, nous discutons de l'édiction de possibles sanctions individuelles à l'encontre de ceux qui veulent empêcher la mise en oeuvre de l'accord de Skhirat ; la difficulté est de se mettre d'accord sur la liste des personnes concernées, dans les deux camps, et nos analyses peuvent diverger. Le ministre n'a pas dit que nous laissions le monopole de l'action en Libye à l'Italie mais que l'Italie ayant manifesté l'intention de conduire les travaux relatifs à la sécurité dans ce pays, nous la laissons agir comme chef de file. Cela ne nous empêchera pas de participer, à notre mesure et à notre proportion, à la politique qui sera suivie, mais la France ne peut être en première ligne sur tous les fronts. L'Égypte est très proche des autorités de Tobrouk et du général Haftar. Nous avons un dialogue avec les Égyptiens : il y a ainsi une répartition des rôles dans laquelle l'Égypte incite Tobrouk à coopérer avec M. Léon, ce qui permet au représentant de Ban Ki-moon de conduire son dialogue avec Tripoli en sachant que Tobrouk est assuré d'un appui fort.
Le Premier ministre était en Jordanie il y a quelques jours. Les institutions fonctionnent, mais le pays doit faire face à deux défis préoccupants, dont les autorités jordaniennes se sont ouvertes : d'une part, la présence de plus d'un million de réfugiés pèse très lourdement sur un État qui compte entre 6 et 8 millions d'habitants ; d'autre part, le terrorisme car l'offensive de Daesh, plus au Sud, peut menacer le pays assez rapidement. Les discussions ont porté sur la présence des appareils français qui, depuis la Jordanie, participent aux frappes de la coalition en Irak et sur les moyens d'apporter un appui économique et financier à la Jordanie.
Pour ce qui concerne Israël et la Palestine, monsieur Hamon, notre préoccupation première, comme le ministre y a insisté à l'instant, est la très forte tension qui règne actuellement. S'agissant de la reconnaissance de l'État palestinien, un geste symbolique a été fait à New York, en septembre : le drapeau de la Palestine a été hissé lors de l'ouverture de l'assemblée générale des Nations Unies après l'adoption de la résolution autorisant les États ayant le statut d'observateur à faire flotter leur drapeau devant le siège. La France a recherché un consensus européen sur ce point ; constatant qu'il ne se trouverait pas, nous avons voté cette résolution avec neuf autres pays membres de l'Union européenne (Belgique, Malte, Suède, Irlande, Pologne, Luxembourg, Slovénie, Espagne et Italie). Dans le même temps, le premier séminaire inter-gouvernemental franco-palestinien se tenait à Paris, où M. Mahmoud Abbas était attendu peu après. Nous privilégions la multiplication des efforts visant à la reprise de la négociation entre Israéliens et Palestiniens. Ce qui est très préoccupant est que les uns et les autres en viennent à remettre en cause le principe de l'établissement de deux États, ou sa faisabilité ; s'il en était vraiment ainsi, où serait la paix ? Il faut construire la mobilisation internationale pour faire comprendre aux parties que la négociation doit reprendre et que les nouvelles violences ne sont pas ponctuelles mais révélatrices d'une tension structurelle extrêmement forte entre des Palestiniens à bout de force et les Israéliens qui veulent étendre les colonies.
Le Quartet pour le Moyen-Orient n'exerçant pas de pressions suffisamment efficaces, il convient de le refonder en créant un groupe international de soutien élargi réunissant le Quartet et les pays européens et arabes, chargé de convaincre les parties de retrouver les conditions d'un accord – car si Israël se dit prêt à négocier sans conditions, M. Mahmoud Abbas ne peut reprendre place à la table des négociations aussi longtemps que la colonisation se poursuit et que la situation à Jérusalem est celle que l'on sait. Nous essayons de convaincre qu'il faut surmonter ces obstacles.
Enfin, pour répondre directement à madame Saugues, nous n'avons d'autres indications que la déclaration faite par Bachar al-Assad à l'issue de sa visite surprise à Moscou, qu'il dit avoir faite pour remercier la Russie de son intervention en Syrie ; le président Poutine explique pour sa part que le peuple syrien était héroïque car il se battait seul contre le terrorisme international. Une interprétation très optimiste de cette visite serait que la Russie préparerait la sortie négociée de Bachar al-Assad. Il est à craindre que cette visite à Moscou ne soit au contraire la manifestation claire de son très fort appui aux côtés de celui que M. Poutine considère comme le chef indiscuté de la Syrie.
Le cadre d'une solution politique est la Déclaration de Genève, qui avait été agréée par l'ensemble des parties. Elle tend à la construction d'une transition politique autour d'un gouvernement transitoire chargé de permettre l'arrêt des combats et le retour à une vie normale. Pour y parvenir, il faut réunir toutes les parties autour d'une table ; M. Staffan de Mistura s'y emploie. Il a proposé, sans y réussir encore, la création de groupes de travail thématiques composés de personnes du régime et de membres de l'opposition ; nous appuyons ses efforts. Il n'y aura pas de solution militaire en Syrie, pays déjà très largement dévasté. Il faut donc continuer le dialogue avec les Russes et avec les Iraniens pour les convaincre que la tension dans la région et les risques induits par la guerre en Syrie sont infiniment supérieurs aux bénéfices qu'ils peuvent en escompter. L'intégrité et l'unité de l'Irak, de la Syrie, de la Libye et du Yémen sont menacées ; nous ne croyons pas à des solutions fondées sur le démantèlement d'États selon des critères confessionnels mais à des solutions inclusives dans lesquelles l'unité de ces États est préservée et de nouveaux contrats politiques sont passés entre les composantes pour aboutir à des gouvernements. L'exemple tunisien est un bel exemple de réussite de ce point de vue. Pourquoi ce travail politique ne pourrait-il produire un jour ses fruits en d'autres lieux ?