Merci, monsieur Furst, d'avoir parlé d'une offre de grande qualité. Cela me fait extrêmement plaisir, et je pense que cela fera également plaisir aux élus qui composent la Fédération des EPL.
Votre témoignage est intéressant en ce qu'il démontre que les élus se sont approprié cette gamme d'offres, qui n'est pas si ancienne que cela. Certes, on connaît les SEM depuis la loi de modernisation de 2002 – si ce n'est depuis les lois de décentralisation de 1983, et avant cela les décrets lois de Poincaré de 1926, voire depuis 1894 en Alsace-Moselle, sous une forme inspirée par la pratique et le droit allemands. Mais on ne connaît les SPL que depuis 2010, et les SEMOP que depuis le 1er juillet 2014. La plupart du temps, en effet, ces solutions juridiques nous ont été « soufflées » par nos voisins européens, dont le droit local est beaucoup moins contraignant que le nôtre. On vit, ou plutôt on vivait, sous un règne juridique qui interdisait la prise de participation des collectivités dans des sociétés commerciales, sauf dérogations – essentiellement deux : la participation à une SEM et la participation à une société créée en Conseil d'État.
Sur le plan juridique, cette interdiction demeure. Mais sur le plan pratique, ce paradigme a éclaté puisque, depuis 2012, on assiste à une multiplication des statuts permettant aux collectivités d'investir dans des sociétés commerciales, sociétés anonymes, par actions ou SARL. La SPL, d'inspiration communautaire, en est le meilleur exemple. En effet, sur les 25 000 entreprises publiques locales que l'on dénombrait en 2014 en Europe, plus de 80 % sont l'équivalent de SPL mono-actionnaires ou bi-actionnaires. En définitive, la solution française n'est pas du tout innovante, puisqu'elle ne fait que reprendre une idée portée par d'autres. De la même façon, la SEMOP n'est que la transposition de certains types de partenariat public-privé institutionnalisés et pratiqués dans certains pays de l'Union, qui fait suite à la communication interprétative de la Commission européenne de février 2008. Ce sont des outils « nouveaux », qu'il a fallu traduire dans le droit.
Les exemples de société dans lesquelles les collectivités peuvent prendre une participation ne font que se multiplier. Finalement, la loi Hamon a remonté le plafond de participation des collectivités dans les sociétés coopératives d'intérêt collectif, les SCIC : la loi de 1984 l'avait fixé à 20 % ; il est aujourd'hui de 50 %, ce qui est tout de même significatif. La loi de transition énergétique a créé deux novations qui ne sont pas innocentes. La première, ce sont les SEM hydroélectriques sur les équipements de plus de 4,5 mégawatts de chaînes hydrauliques. Même avec l'initiative de l'État, c'est un projet directement inspiré des SEMOP, repris à son compte par l'État et le ministère du développement durable. Dans le même temps, on autorise les collectivités à prendre des participations dans des SA ou des SAS pour le développement de projets d'énergie renouvelable ou des projets citoyens. Et toujours dans le même temps, on a créé une autre cousine germaine de la SEM à opération unique : la SEM d'aménagement à opération unique, à l'article 59 de la loi NOTRe.
De ce fait, on vit sous le règne d'une dérogation minimale puisque les exceptions sont de plus en plus nombreuses. Ces nouvelles sociétés prennent bien, malgré le caractère relativement récent de ces solutions, ou tout au moins de leur traduction juridique dans notre pays.
Je ferai le lien avec la question précédente. Aujourd'hui, on identifie une forte corrélation entre le contexte de raréfaction des ressources budgétaires des collectivités, la complexification des missions de celles-ci, qui deviennent de plus en plus techniques ou contraignantes sur le plan réglementaire, et l'augmentation du nombre de projets ou de créations d'EPL. Certes, cette augmentation est raisonnable – entre cinquante à soixante nouvelles sociétés par an en termes d'accroissement net –, mais elle est régulière depuis 2010.