Intervention de Christophe Priou

Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00
Manutention dans les ports maritimes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Priou :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, cette proposition de loi est censée améliorer la sécurité juridique, tout en réaffirmant le lien entre la priorité d’embauche et le statut d’intermittent. D’après la majorité et le Gouvernement, elle s’appuie sur une charte nationale, sur laquelle il y aurait accord des partenaires sociaux.

Sauf que cette proposition de loi part d’un constat incomplet de la situation. Lorsque la majorité nous dit que, malgré la réforme du 9 juin 1992, les règles d’emploi des dockers restent adossées au statut de l’intermittence, elle oublie de préciser que, des trois ports maritimes les plus importants – Le Havre, Marseille et Dunkerque – seul celui de Marseille a encore des dockers intermittents. Ceux-ci représentent moins de 6 % des effectifs des dockers travaillant dans les ports.

Cette proposition de loi fait également preuve d’un manque d’explications. Si un nombre élevé de ces dockers n’ont pas été mensualisés en 1992, c’est parce qu’ils sont restés au statut de l’intermittence par leur volonté individuelle ou collective. Ils avaient la priorité absolue de mensualisation, comme de très nombreux dockers aujourd’hui mensualisés, dans tous les ports et notamment à Marseille.

Les dysfonctionnements sociaux dans quelques ports ne sauraient justifier une nouvelle loi. II faut, au contraire, faire en sorte que la loi de 1992, défendue par Jean-Yves Le Drian, soit correctement appliquée.

Le texte fait état de la nécessité de créer une charte nationale et de l’adosser à la loi. Avant de légiférer, les parlementaires devraient d’abord inciter les partenaires sociaux à travailler sur la charte. Si on attache un minimum d’importance au dialogue social, et aux accords de branche que vous privilégiez dans d’autres discussions, on doit considérer que c’est le contenu de cet accord-cadre qui doit guider l’écriture parlementaire, non l’inverse.

Si on peut envisager la création d’une charte nationale, il faut qu’elle reste un accord-cadre souple, connecté à la réalité locale, permettant un « sur-mesure », port par port, et non un carcan qui s’appliquerait de façon indifférenciée à chaque port. Je regrette au passage que, dans le cadre de la loi NOTRe, le Gouvernement n’ait pas accepté un amendement du Sénat qui prévoyait de confier la gestion des grands ports aux régions.

Enfin, s’agissant des résultats de la CMP, notamment de l’article 5, le Sénat avait supprimé la définition des dockers occasionnels proposée dans le texte, au motif qu’elle risquait de perturber le fonctionnement de certaines entreprises. Nous partageons cette préoccupation et pensons que l’objectif de ce texte doit se limiter à apporter les modifications rendues nécessaires par l’insécurité juridique.

D’autres modifications, sans étude d’impact économique préalable, pourraient avoir des incidences négatives sur les ports français et les entreprises utilisatrices.

Par ailleurs, les industriels positionnés sur les ports doivent pouvoir faire effectuer les opérations de manutention par leur personnel. Il est très important, au nom de la compétitivité française et de la nécessité de créer de nouvelles filières d’import-export en France, de garantir la liberté de l’opérateur ou de l’industriel de choisir son mode opérationnel.

Cette proposition de loi est, au mieux inutile, au pire dangereuse. S’il n’y a pas lieu de modifier la loi actuelle, ce texte risque de générer du conflit social, en opposant les catégories de travailleurs entre elles, en multipliant des contentieux sans fin, des blocages de l’économie et de la logistique du transport. Il risque de créer des contraintes supplémentaires, qui aggraveront le déficit de compétitivité de nos ports au lieu de les rééquilibrer, et freineront le développement du transport maritime, en forte croissance aujourd’hui. Tout le contraire de ce que l’on devrait faire ! Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.

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