Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00
Manutention dans les ports maritimes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai une nouvelle fois le plaisir de défendre à cette tribune, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, une proposition de loi qui consolide, renforce, clarifie et protège l’emploi des ouvriers dockers, tout en assurant à tous les acteurs une meilleure lisibilité du cadre juridique applicable à la manutention dans les ports maritimes français. Il y avait nécessité, si ce n’est urgence, à agir. Grâce à ce texte utile, le Gouvernement et la majorité traduisent leur volonté conjointe de permettre des avancées concrètes en la matière.

Le rapporteur l’a rappelé, le cadre d’emploi des dockers a connu de nombreuses réformes depuis la Seconde Guerre mondiale, de la loi de 1947 à la loi Le Drian de 1991 et à la réforme portuaire de 2008, qui a permis de doter la manutention d’un commandement unique, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des problématiques nouvelles, au premier rang desquelles le caractère prochainement obsolète de l’intermittence des dockers, statut auquel est justement subordonnée, dans les textes actuels, la priorité d’embauche des ouvriers dockers. Il ne reste en effet que quelques dizaines de dockers intermittents, et tous auront pu faire valoir leurs droits à la retraite en 2018. Il y a donc bien urgence à agir.

S’ajoute à cela, comme nous l’avons relevé au cours de nos débats, une ambiguïté de rédaction de certains articles du code des transports régissant la priorité d’embauche des dockers, priorité à laquelle nous tenons et dont nous souhaitons être les protecteurs. Un incident a éclaté en juillet 2013 à Port-la-Nouvelle, dans ma région, le Languedoc-Roussillon. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un problème de concurrence déloyale entre deux entreprises de manutention portuaire et de non-respect du code des ports maritimes, notamment de l’article fixant la liste des travaux pour lesquels les ouvriers dockers bénéficient d’une priorité d’embauche.

Le cas de Port-la-Nouvelle soulève une question plus générale d’interprétation de certaines dispositions législatives et réglementaires. Comme je l’ai indiqué en commission mixte paritaire et comme vient de le rappeler Olivier Falorni, ce n’est pas là un prétexte à légiférer, contrairement à ce que pensent certains sénateurs, mais bien un signal d’alarme. La contagion pourrait s’étendre à l’ensemble des places portuaires françaises, ce qui ajoute à l’urgence qu’il y a à adopter ce texte.

C’est sur ce constat et après de nombreux échanges avec les parties prenantes que le ministère, notamment sous la conduite de Frédéric Cuvillier, avait confié à Mme Bonny la délicate mission de rédiger un rapport. C’est en nous appuyant sur ce travail considérable, auquel nous nous sommes référés abondamment, que nous sommes conduits à examiner ce texte. J’y insiste, car nos débats ont amené certains sénateurs à soulever l’inexistence d’une étude d’impact. Olivier Falorni vient d’en rappeler les raisons juridiques – il s’agit d’une proposition et non d’un projet de loi –, mais le rapport Bonny, par son ampleur, vaut étude d’impact.

Notre ambition, je l’ai dit, est de consolider et de sécuriser la situation des ouvriers dockers, avec priorité d’embauche, de pérenniser cet emploi et, dans le même temps, d’offrir stabilité et lisibilité à l’ensemble des acteurs portuaires, car nous sommes également soucieux de la compétitivité de nos ports. Du reste, ce texte est attendu par l’ensemble des acteurs portuaires, qu’il s’agisse des ouvriers dockers ou des acteurs patronaux, qui ont besoin de lisibilité quant au cadre dans lequel ils ont à intervenir.

Grâce à la clarification qu’opère l’article 1er, il n’y aura plus aucune ambiguïté au sujet de la priorité d’emploi. Sur ce point, nous sommes d’accord avec le Sénat.

Il était nécessaire, et la CMP l’a fait, de rétablir la rédaction protectrice de l’article 5. Nous pouvons nous en féliciter.

L’article 6 a constitué le point dur de nos discussions. La charte nationale qu’il prévoit est une véritable innovation dont nous aurions tort de nous priver, d’autant qu’elle pourrait inspirer le droit du travail et faire école dans d’autres domaines. D’une certaine manière, les ports français se trouveront à l’avant-garde des nouvelles modalités d’un dialogue social apaisé dans bien des situations. C’est pourquoi il serait particulièrement préjudiciable au secteur que nous adoptions un texte amputé de cette innovation juridique. Nous savons en effet l’importance du dialogue social non seulement pour sécuriser les acteurs portuaires, mais aussi pour leur donner la garantie qu’en cas d’implantation nouvelle – car c’est surtout à ce titre que la charte trouve son intérêt –, ils pourront affronter avec sérénité le quotidien de leurs activités.

Pour ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen vous invite, comme d’autres orateurs à cette tribune, à voter ce texte, en espérant que nos collègues sénateurs entendront l’appel à la sagesse du secrétaire d’État. Retarder davantage cette adoption apparaîtrait comme dilatoire, d’autant que l’Assemblée nationale aura de toute façon le dernier mot. Nous souhaitons faire à nouveau oeuvre de consensus. C’est à l’unanimité que l’Assemblée avait adopté la proposition de loi en première lecture : j’espère qu’il en ira de même s’agissant des conclusions de la commission mixte paritaire.

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