Je me suis en effet montré allusif sur ce point et vous avez raison de me demander des précisions. Le choix européen a été celui du diesel afin de réduire la consommation et les émissions de CO2. On a par conséquent favorisé fiscalement le diesel mais au point de complètement déformer notre système de raffinage. Cette politique a en effet conduit à des excédents considérables d'essence, que nous avons dû exporter dans des conditions de plus en plus difficiles, et, à l'inverse, à importer du diesel. Non seulement ce choix a eu un coût fiscal considérable mais un effet de distorsion non moins considérable sur notre système d'approvisionnement en produits pétroliers et sur notre appareil de raffinage dont certains outils ont été déclassés plus tôt que prévu.
La France était le principal actionnaire du principal producteur ; or c'est pendant la période où l'État s'est progressivement désengagé qu'on a assisté à ce véritable effondrement productif sur le territoire national – cela sans qu'on n'ait jamais mené un quelconque débat : je ne sache pas que l'actionnaire public ait soulevé cette question ni n'en ait fait un problème. C'est en travaillant sur le sujet que j'ai constaté la rapidité, à partir de 2003-2004, de cet effondrement.
Tout le monde a alors célébré la performance de Renault, qui reste certes remarquable puisque l'opération « Renault-Nissan puis Dacia » a été, du point de vue des intérêts de Renault et de la capacité du groupe à se projeter dans le monde, une très grande réussite. Mais si l'on raisonne en termes de base productive nationale, on constate une érosion de cette dernière, une érosion de l'effort de recherche, une panne de la politique de gamme et une perte progressive de parts de marché à l'intérieur du territoire, si bien que notre solde extérieur s'est très rapidement et très profondément dégradé. Encore une fois, je n'ai pas le souvenir qu'il y ait eu de grands débats sur l'automobile en 2005, 2006, 2007 et, en 2008, on a pensé que la grande crise touchait tous les secteurs. Seulement, ensuite, la France n'a pas bénéficié de la reprise. Et, j'y insiste, outre la perte de parts de marché à l'intérieur – et à l'extérieur –, cette crise s'est traduite par une descente en gamme. Je dirais presque que nous sommes en train de devenir, si nous raisonnons en termes d'offre productive des champions nationaux, les champions du low cost.