Intervention de Denis Baupin

Réunion du 10 novembre 2015 à 16h30
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Je vous remercie à mon tour pour votre diagnostic lucide. Je tiens à rappeler que je suis un écologiste qui aime l'industrie, qui est convaincu qu'il n'y aura pas de transition écologique, de transition énergétique sans industrie. C'est pourquoi je ne me réjouis pas quand vous évoquez l'effondrement industriel de la France. Je me réjouis également de la clarté de votre exposé sur l'échec de la politique du diesel alors qu'on en parle assez peu. Il faut rappeler que l'Union française des industries pétrolières (UFIP) s'est déclarée favorable au rattrapage de la fiscalité entre le diesel et l'essence du fait de la déformation de notre système de raffinage, que vous avez évoquée. J'ai relevé par ailleurs votre constat d'échec du tout-électrique sur lequel nous ne pouvons que nous interroger après le vote d'une loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui consacre une bonne part à la mobilité de nature électrique. Vous avez ainsi indiqué que la Norvège comptait 50 000 bornes quand la loi en prévoit quelque 8 millions en France, un chiffre effectivement faramineux. Nous nous interrogeons sur la pertinence de ce choix à la suite de votre intervention.

Selon vous, il n'est pas possible de respecter les normes en vigueur : on doit choisir entre la réduction d'émission de CO2 et celle de NOx. Si cela est vrai, ce que je ne pense pas et je vais dire pourquoi dans un instant, nous devons choisir entre le dérèglement climatique, avec toutes ses catastrophes, et respirer un air malsain avec toutes les conséquences sanitaires que cela engendrerait. Autrement dit, nous aurions le choix, cornélien, entre la peste et le choléra … Or il existe une autre issue : celle consistant à construire des voitures plus petites. Je pose cette question, audition après audition, parce que je vois dans la fin de la « voiture à tout faire » l'une des clefs du changement de paradigme en matière automobile, autrement dit la fin de la voiture conçue pour emmener toute la famille en vacances et qui est utilisée à 99 % du temps par une personne seule.

Dès lors la question de l'autonomie des véhicules électriques se pose différemment : un véhicule à une place consommant beaucoup moins, son autonomie pourra être significativement augmentée. De votre point de vue, ne s'agit-il pas de l'une des pistes envisageables – pas la seule, certes : il faudra bien continuer de construire des voitures familiales, l'objectif n'étant pas de passer d'un modèle unique à un autre mais bien à une pluralité de modèles ?

En ce qui concerne le contrôle, vous avez tenu des propos forts en évoquant des autorités européennes complices, ce qui, d'après ce qu'on peut lire – je pense notamment aux considérations d'un commissaire européen, il y a déjà deux ans, sur ce type de trucages – semble assez juste. Si l'on veut que soient respectées des normes à la fois protectrices de la santé et efficaces contre le dérèglement climatique, ne doit-on pas rendre le contrôle indépendant, comme c'est le cas dans le secteur nucléaire avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ? En effet, dans le domaine qui nous occupe ici, nous constatons que tel ou tel comité a des intérêts convergents avec l'industrie – et pas forcément des intérêts d'argent d'ailleurs.

Enfin, j'ai beaucoup apprécié votre analyse du rôle de l'État actionnaire – de PSA et de Renault en l'occurrence. Or n'est-il pas de sa responsabilité, précisément, d'intervenir, dans le cadre du dialogue, bien sûr ? Quand le Président Barak Obama a engagé des fonds de l'État dans l'industrie automobile, dans un pays qui n'est pas franchement dirigiste ni anti-automobile, il a donné des consignes en matière de réduction des émissions. Que l'État actionnaire qui aide ses constructeurs exprime des souhaits ne paraît pas complètement stupide, ne serait-ce que pour veiller au bon emploi des deniers publics, ou au respect des objectifs de la politique de santé publique. Il est difficile d'obtenir un débat public sur ces questions alors qu'elles sont tout de même très structurantes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion