Intervention de Philippe Guettier

Réunion du 17 novembre 2015 à 14h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Guettier, directeur général du Partenariat français pour l'eau :

Sur certains sujets, Jean-Luc Redaud, président du groupe de travail « eau et climat » et ancien directeur de l'agence de l'eau Adour-Garonne, qui connaît bien la question des bassins, sera plus à même de vous éclairer.

Dans mon propos liminaire, j'ai omis de souligner que la question de l'eau se pose en tant que telle, avant tout changement climatique. Aujourd'hui, dans le monde, près de 2 milliards de personnes n'ont pas accès à l'eau potable ; 2,5 milliards de personnes ne bénéficient pas d'un assainissement digne, vivant sans toilettes. Dans le monde, 90 % des pollutions émises par les activités humaines rejoignent les eaux superficielles ou souterraines sans aucun traitement. Ces chiffres n'ont rien à voir avec le changement climatique, qui ne fait que renforcer ces tensions – malheureusement, avant tout dans les zones qui pâtissent déjà de grandes difficultés. Quelle que soit l'importance du climat, la question de l'eau dans le monde ne s'y résume donc pas.

En septembre dernier, la communauté internationale a franchi un pas important en adoptant un objectif dédié à l'eau dans le cadre du programme de développement pour l'après-2015. Cet objectif concerne bien sûr l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, mais également la lutte contre la pollution, la gouvernance et l'efficacité des usages – comment utiliser moins d'eau dans la production, industrielle ou agricole, et dans la vie quotidienne –, tout comme la préservation des écosystèmes aquatiques. Il rassemble donc, pour la première fois, toutes les dimensions de l'eau. Son adoption peut encourager les pays à inscrire l'eau parmi leurs priorités politiques – ce qui est aujourd'hui loin d'être le cas dans les pays en développement qui connaissent pourtant de sérieux problèmes dans ce domaine –, à voter des textes législatifs relatifs à l'eau et à y dédier des financements.

En effet, hormis la petite part de l'aide internationale – qui représentera, pour l'ensemble du climat, 100 milliards d'euros par an à partir de 2020 –, le secteur de l'eau est financé par les pays eux-mêmes. Or si notre culture de la gouvernance par bassins s'est largement répandue, permettant de gérer la majorité des bassins du monde au niveau territorial, en associant les différents usagers, la question du financement reste généralement entière. Très peu de pays ayant mis en place la gestion par bassins ont introduit des dispositions législatives permettant de prélever de l'argent sur les pollutions ou sur la quantité d'eau utilisée, afin de financer une vraie politique de l'eau. Il faut donc encourager l'augmentation des financements nationaux.

Les bailleurs de fonds multilatéraux ou bilatéraux ne doivent pas pour autant arrêter de financer les projets ; mais les financements internationaux ne représenteront jamais qu'une petite part de l'argent nécessaire pour développer l'accès à l'eau potable, l'assainissement, la lutte contre la pollution et la préservation des écosystèmes. Il faut franchir un cap majeur et faire bénéficier le monde de notre savoir-faire, car il est très difficile, pour un pays, de mettre en place des modalités pérennes de financement. Ainsi, le Maroc s'est doté depuis vingt-cinq ans d'une dizaine d'agences de bassin, mais le premier système de financement a commencé à voir le jour il y a quelques années seulement : un prélèvement sur l'eau utilisée et sur les rejets de pollution de certains industriels. Mais cela ne représente qu'une petite part de l'argent nécessaire pour financer une politique de l'eau efficace au Maroc. Cette situation se retrouve dans beaucoup de pays du monde ; il s'agit d'un point sensible, difficile à changer.

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