Intervention de Dominique Potier

Réunion du 17 novembre 2015 à 13h45
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis :

Je tiens à saluer la présence de M. Jean-René Marsac, qui est l'un des pionniers des combats que nous évoquons aujourd'hui, ainsi que de Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie au fond.

Monsieur Philippe Kemel, vous avez évoqué la prise en compte du RSA « socle » aux côtés du RSA « activité ». En effet, il est proposé de créer un fonds qui sera abondé via la réallocation des dépenses sociales. Bref, il s'agit de mutualiser toutes les dépenses passives pour les rendre actives.

C'est bien l'expérimentation qui permettra d'observer de façon souple ce qui se dessine sur le terrain à partir de la réalité, car il est vrai, monsieur Tardy, que l'on pourrait philosopher pendant deux ans sur ces sujets au CESE ou à l'Assemblée nationale. Il faut faire confiance aux acteurs qui se sont engagés avant nous, et qui ont besoin aujourd'hui d'un cadre législatif. L'étape suivante sera la création d'entreprises « à but d'emploi ».

Oui, il faut que toutes les forces vives d'un territoire soient mises à contribution. Toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. Je pense au Secours catholique, à la Banque alimentaire, mais aussi au Mouvement des entreprises de France (Medef), car il s'agit plutôt de sortir de l'humanitaire, non de s'y enfermer. Il faut remettre en activité les personnes, afin qu'elles s'émancipent progressivement de tous les systèmes de secours dont elles ont pu bénéficier.

L'une des innovations de cette proposition de loi, que l'on retrouvait dans les missions locales chères à Bertrand Schwartz, est de contribuer à ce que les forces du territoire se coalisent, qu'elles ne se substituent pas à l'État mais viennent en appui à sa démarche en formant une communauté bienveillante autour de l'intégration de ceux qui sont exclus aujourd'hui de cet univers-là.

Monsieur Lionel Tardy, je veux souligner votre humilité et votre franchise, car vous avouez ne pas trop savoir que penser de ce texte, ce qui veut dire que vous êtes dans une démarche d'ouverture. Vous êtes perturbé, comme nous l'avons été nous-mêmes lorsque la société civile est venue nous faire cette proposition. J'apprécie votre présence, et ce que vous avez dit me touche beaucoup, ainsi que, je le crois, Laurent Grandguillaume. Nous devons avoir conscience que nous n'avons pas tout essayé.

Bien évidemment, je ne partage pas votre diagnostic sur l'échec du Gouvernement face au chômage. J'en veux pour preuve que le coût du travail en France est désormais équivalent à celui de l'Allemagne, ce qui donne à notre économie de bonnes perspectives de compétitivité.

Vous émettez des doutes quant à la conformité de ce texte avec l'article 40 de la Constitution. Nous avons déminé ce risque, les lois d'expérimentation permettant une plus grande souplesse. Il s'agit de faire une opération à coût neutre pour l'État, car nous espérons que certaines dépenses, déjà effectives, créeront une plus-value sociale mais aussi économique sur nos territoires. C'est bien l'activité qui génère l'activité, en un cercle vertueux, là où l'exclusion génère une fragmentation de la société qui prépare son délitement et les violences à venir.

Les précautions du CESE sont empreintes de sagesse. Nous allons les intégrer au texte, à l'exception de la progressivité des salaires au sein de l'entreprise, suggérée par certaines forces syndicales. Ce sujet, qui fait débat entre nous, ne relève pas forcément du champ législatif, et je ne partage pas l'idée, par ailleurs, qu'il s'agisse d'entreprises comme les autres. La référence au SMIC me semble plus saine.

Le Conseil d'État nous a dispensé des conseils ad hoc qui permettront, non de rédiger une autre proposition de loi, mais de réécrire celle-ci. C'est un exercice tout à fait maîtrisé, même s'il demande beaucoup de technicité, que nous allons faire entre les commissions et la séance publique. À cet égard, je salue l'implication du rapporteur saisi au fond. Nous aurons ainsi, en fin de compte, une loi ayant le même esprit, mais qui sera enrichie car précisée. Nous apporterons lumière et précision là où il subsistait des ambiguïtés, loin de nous livrer à un quelconque bricolage. Soyez rassuré, monsieur Tardy : l'expérimentation sera solide et robuste.

Madame Michèle Bonneton, l'évaluation de cette expérimentation se fera avec toute la force des nouveaux indicateurs de richesse que votre groupe a inspirés au Parlement – et je rends hommage au travail accompli par Éva Sas. Le Gouvernement a rendu son premier rapport sur le sujet en octobre. Je pense que nous pouvons encore progresser dans l'évaluation des lois, dans les décisions budgétaires que nous prenons, en tenant compte des indicateurs de façon prospective et non pas seulement rétrospective, et votre proposition me semble pertinente pour juger de la santé globale des personnes et du territoire considérés pendant et après l'expérimentation.

Le CESE préconise de retenir des territoires permettant d'observer les différences entre milieu rural et milieu urbain, afin d'éviter de devoir refaire une expérimentation ultérieurement. Madame Linkenheld, j'entends que vous êtes intéressée. Il faut évidemment choisir un nombre limité de territoires, dix étant un maximum si nous ne voulons pas que les données soient trop fragmentées.

M. Jean Grellier, comme à son habitude, a parlé d'or, et je fais mien son propos.

Mme Brigitte Allain a souligné à juste titre l'innovation radicale que constitue le recours systématique au CDI. Si nous en étions restés à des contrats à durée déterminée (CDD) de vingt-quatre mois au maximum, nous n'aurions fait que reproduire l'existant.

Je vois bien le bénéfice de l'expérimentation pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap que vous avez cité : il est consternant que les accompagnants, qui ont acquis une véritable compétence au bout de cinq ans, ne puissent pas être pérennisés dans leur emploi, dont l'utilité sociale est avérée. Sans doute y a-t-il de nouvelles pistes à explorer pour changer certaines pratiques scolaires, même si de nettes améliorations ont été constatées en la matière ces dernières années, sous l'impulsion des ministres de l'éducation successifs.

M. Jean-René Marsac nous invite aujourd'hui à explorer des champs d'activité nouveaux, des pratiques sociales innovantes, et je l'en remercie.

Quant à Mme Audrey Linkenheld, elle a fait la synthèse avec le début de mon propos introductif en évoquant un autre ouvrage de Geneviève de Gaulle Anthonioz. Nous avons un Panthéon commun : cela s'appelle une Nation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion