Intervention de Guillaume Garot

Réunion du 17 novembre 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot, rapporteur :

Les interventions de MM. Jean-Pierre Decool et Hervé Pellois n'appellent pas de commentaire particulier de ma part, si ce n'est que je me sens parfaitement en accord avec eux, dans la mesure où nous avons travaillé ensemble et où nous avons fait converger nos analyses.

Je souscris à la remarque de M. Dominique Potier sur la nécessité de disposer d'un outil de mesure fiable. Il ne suffit pas de dire que l'on va réduire le gaspillage alimentaire ; il faut savoir d'où l'on part pour apprécier, ensuite, les progrès qui seront réalisés. C'est la mission qui est confiée à l'ADEME, qui doit se doter d'outils nouveaux pour lutter contre le gaspillage alimentaire : outils de communication, de sensibilisation, mais aussi outils de mesure du gaspillage.

Aujourd'hui où en est-on ? Pas très loin. Un projet européen, FUSIONS (Food Use For Special Innovation Optimising Waste Prevention Strategies), vise à mettre en cohérence les différents standards de mesure entre les pays de l'Union européenne. Ce projet est très intéressant, mais il va laisser aux États le soin de mettre en oeuvre cet outil de mesure. De mon côté, j'ai insisté auprès du Gouvernement pour que l'on soit très allant sur le sujet. Tant que l'on n'aura pas d'outil de mesure, on ne saura pas évaluer les progrès.

Je rappelle qu'en 2012, dans le cadre d'une résolution, le Parlement européen a fixé comme objectif de diminuer de moitié le gaspillage d'ici à 2025. Pour y parvenir, il faut une action publique volontariste, mais aussi des outils de mesure. Il est donc urgent de mettre au point et de généraliser ces outils. Peut-être faudra-t-il, d'ailleurs, travailler avec notre administration fiscale. On pourrait ainsi imaginer que, dans le formulaire rempli par l'entreprise souhaitant bénéficier d'une déduction fiscale au titre du don alimentaire, figure, en plus de la valeur du don, le volume qu'il représente. En agrégeant l'ensemble de ces données, on devrait déjà pouvoir se faire une idée à peu près fiable d'une partie du gaspillage alimentaire.

Madame Sophie Rohfritsch, vous m'avez interrogé, notamment, sur le numérique. Je vous renvoie au rapport que j'ai remis au Gouvernement au mois d'avril, où il est question des moyens permettant de mettre en relation ceux qui donnent, ceux qui peuvent donner, ceux qui reçoivent, tout comme ceux qui souhaitent adopter une attitude vigilante par rapport à leur consommation. De nombreuses applications de ce type sont en train de se développer. Faut-il pour autant légiférer là-dessus ? Je suis convaincu que cela n'aboutirait qu'à une loi bavarde, qui n'amènerait pas grand-chose si ce n'est de nouvelles normes et donc des récriminations. Je crois qu'il faut encourager la multiplication des dispositifs liés aux nouvelles technologies et accompagner la diffusion des bonnes pratiques. Finalement, c'est l'un des rôles de l'ADEME, en tout cas de l'exécutif, d'informer sur ce que ces nouvelles technologies permettent de faire. Je vous rejoins sur un point : en mettant nos nouvelles technologies au service de la lutte contre le gaspillage, nous pourrons faire de grands progrès.

Mme Annick Le Loch se demande si toutes les grandes surfaces donnent. Beaucoup le font, mais pas toutes hélas ! La loi vise simplement à permettre que celles qui traînent un peu des pieds rejoignent le peloton de tête, en rendant obligatoire la signature d'une convention liant une grande surface à une ou plusieurs associations.

Cette convention ne devra régler que les conditions du don. La convention est un acte de liberté, elle doit le rester, sinon, il n'y a pas de défiscalisation possible. La convention traite des aspects logistiques et matériels, et de la qualité du don. Car de nombreuses associations nous ont dit ne pas vouloir recevoir des grandes surfaces un don qu'elles devraient trier à leur place. La convention aura donc pour vocation de régler tous ces aspects matériels ou logistiques, afin de fluidifier le don de denrées alimentaires des grandes surfaces vers les associations.

M. Philippe Le Ray a insisté, à juste titre, sur le rôle et la responsabilité des consommateurs, principaux acteurs du gaspillage puisque sur dix kilos d'aliments jetés, six le sont par les consommateurs. La loi prévoit des actions d'éducation, mais il y a aussi la sensibilisation des consommateurs. Pour ma part, je milite en faveur de campagnes nationales de lutte contre le gaspillage, comme il y en a pour sensibiliser à l'insécurité routière, via la télévision, les radios, les journaux, internet. L'ADEME a commencé à le faire. C'est une tendance à encourager.

Le consommateur doit également être bien informé. Ce n'est pas par plaisir qu'il jette. Parfois, c'est parce qu'il ne sait pas comment réagir devant les dates limites de consommation. En la matière, un travail de clarification s'impose, mais il ne passe pas par la loi. Cela relève d'abord d'une réglementation européenne, qui doit ensuite être mise en oeuvre par le Gouvernement. Ce travail relève donc la responsabilité des ministères. Ceux de l'écologie et de l'agriculture ont d'ailleurs mis en place un groupe de travail qui planche actuellement sur ces dates de péremption.

Mme Audrey Linkenheld s'est interrogée sur le champ des acteurs à impliquer dans la lutte contre le gaspillage. Précisons que la proposition de loi fait obligation aux commerces dès 400 mètres carrés de passer une convention – 400 mètres carrés, c'est déjà une supérette. À la différence des grandes surfaces, qui disposent déjà de circuits et traitent des volumes très importants, il est plus difficile de mobiliser aujourd'hui les surfaces moyennes, autour de 400 mètres carrés, où les volumes sont moins importants et où il est plus facile de jeter. L'enjeu est donc plutôt du côté de ces supérettes.

Il y a aussi, parmi les distributeurs, le commerce de détail, avec les épiceries de quartier et, parmi les transformateurs, la restauration commerciale. Ces secteurs ne sont pas traités en tant que tels dans la loi mais, à nos yeux, ils constituent la prochaine étape de l'action publique contre le gaspillage alimentaire. Avec ces acteurs, toutefois, les problématiques sont différentes. Il ne peut pas s'agir uniquement de dons simples. Aujourd'hui, les traiteurs de France travaillent pour que l'on puisse redistribuer dans la journée les denrées des buffets qui n'ont pas été entièrement consommées. C'est passionnant, mais cela implique de gros efforts de pédagogie et, surtout, de formation auprès des professionnels.

Après les grandes surfaces, la prochaine étape consistera donc à mobiliser les autres acteurs de la chaîne alimentaire, en remontant vers les transformateurs et vers les producteurs. On est conscient qu'au niveau de la production, il y a du gâchis, des pertes que l'on a du mal à évaluer aujourd'hui, et qui conduiront, à terme, à modifier les modes de production et de travail. Cela implique, là encore, des efforts de pédagogie et de formation.

M. Christian Franqueville, avec sa pizza vosgienne, nous dit qu'il faut nourrir les cochons vosgiens. Attention ! La réglementation européenne impose la traçabilité de la nourriture animale, et c'est normal. C'est aussi ce qu'attend le consommateur. Néanmoins, le texte prévoit la possibilité d'organiser la réorientation d'un surplus ou d'un invendu non redistribué vers l'alimentation animale. Et sans doute cette dernière filière va-t-elle prendre son essor en France grâce à l'action que nous menons contre le gaspillage alimentaire. Mais cela devra se faire dans le cadre de la réglementation européenne.

Enfin, Mme Marie-Hélène Fabre, les problèmes de logistique sont souvent mis en avant par les associations qui n'ont pas forcément suffisamment de bénévoles pour redistribuer les dons, ni les moyens pour récupérer les denrées dont la grande surface ne veut plus. Depuis longtemps, nous nous intéressons, avec M. Jean-Pierre Decool, à ce maillon logistique. Aujourd'hui, les fédérations nationales d'associations de solidarité, en lien avec les principales enseignes, travaillent à un modèle de convention-type pour que ce texte trouve une application rapide. Et la question logistique peut être traitée dans la convention.

En outre, le maillon logistique peut également bénéficier de la défiscalisation, qui est une force du modèle français : si vous transportez de l'alimentation au titre du don, vous avez droit à la même défiscalisation que la grande surface ou l'entreprise qui donne. Il faut sensibiliser les transporteurs au fait qu'ils peuvent être considérés comme des donateurs dans le cadre de cette chaîne de solidarité.

Une remarque pour terminer : tout n'est pas d'ordre législatif. Nous nous situons dans le cadre de l'article 34 de la Constitution, mais ensuite, il y a ce qui relève du Gouvernement, ce qui relève de la liberté d'association, du contrat entre les acteurs et des partenaires impliqués, le plus souvent localement, dans ce type d'initiative.

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