Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 23 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Du reste, personne n’a jamais douté des qualités réunies par ces professionnels de santé. Ces circonstances dramatiques ont cependant à nouveau démontré que le sens du dévouement, le courage et la conscience professionnelle la plus aiguë demeurent les valeurs les plus largement partagées au sein des équipes de secours d’urgence et des équipes de soins de notre pays. En préambule de nos débats, le groupe UDI tenait donc à rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui, chacun à leur place, vivent leur métier comme une mission pour venir en aide à ceux dont la vie bascule.

Les discussions que nous allons entamer souligneront sans doute nos divergences sur ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, et celles-ci sont bien naturelles dans une démocratie vivante. Elles nourrissent avant tout une même volonté d’améliorer notre protection sociale, notamment notre système de santé, tant pour les professionnels qui y exercent leurs talents que pour nos concitoyens, qui en bénéficient.

La nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 nous donne à examiner un texte sensiblement différent de celui qui avait été adopté par notre assemblée à la fin du mois dernier. En effet, le Sénat y a apporté des modifications sensibles, qui entrent en résonance avec un certain nombre de propositions que notre groupe avait avancées.

Le groupe UDI reprochait en effet à votre projet de budget d’éviter les choix essentiels qui sont pourtant nécessaires afin d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale, et d’autant plus impératifs que l’approche financière du projet que vous proposez n’incite guère à l’optimisme. La réduction du déficit du régime général entre 2014 et 2015 reste très limitée ; elle est de l’ordre de 400 millions d’euros. Le Fonds de solidarité vieillesse accuse un déficit en 2014 de 3,5 milliards d’euros, déficit qui devrait s’accentuer dans les deux années qui viennent : il sera de 3,8 milliards en 2015 et de 3,7 milliards en 2016. La dette sociale en 2015 ne se réduit que faiblement, puisqu’elle a été évaluée à 1,3 milliard d’euros de moins qu’en 2014. Par ailleurs, le retour à l’équilibre des régimes de base de la Sécurité sociale ne devrait intervenir qu’à l’horizon de 2020 ou 2021, alors qu’il avait été promis pour 2017. Enfin, la perspective, en 2016, d’une croissance peu soutenue ne permet pas de générer des recettes suffisantes à partir des cotisations versées, ce qui augure mal d’une réduction durable et significative des déficits de la Sécurité sociale.

Ce sombre constat appelait des mesures significatives, des mesures structurelles, pour reprendre des termes que M. le secrétaire d’État chargé du budget s’était amusé à attribuer à l’opposition afin de la mettre au défi d’en proposer. Au lieu de cela, le Gouvernement a reconduit les grands équilibres qui caractérisaient déjà les projets précédents, en particulier en ce qui concerne l’assurance maladie.

L’effort de maîtrise des dépenses est ainsi massivement supporté par le secteur du médicament, ses fabricants et ses prescripteurs, aux dépens d’une action structurelle sur l’offre et l’organisation des soins. En effet, le secteur du médicament, et plus généralement des produits de santé, doit contribuer à hauteur de 1,7 milliard d’euros à la réduction des dépenses d’assurance maladie alors même qu’il ne représente que 15 % de celles-ci. Le secteur pharmaceutique doit évidemment participer à l’effort de maîtrise des dépenses de santé, mais une telle orientation risque de mettre à mal notre industrie du médicament et de fragiliser un peu plus le réseau des pharmacies officinales.

C’est en réalité tout le mouvement de réorganisation territoriale de l’offre de soins qu’il convient d’accélérer en fondant celle-ci sur une meilleure articulation entre soins de ville et hôpital. Dans de nombreux territoires, l’hôpital est encore en effet trop souvent la voie de premier recours pour l’accès aux soins. L’offre hospitalière dans les territoires doit pouvoir s’articuler dans le cadre d’une répartition cohérente qui vise à assurer l’accès aux soins de nos concitoyens, la recherche de complémentarités entre établissements, l’articulation avec la médecine de ville et une offre de services qui privilégie la qualité, la sécurité et la pertinence des soins dans l’intérêt du patient.

L’adéquation de l’offre de soins aux réalités démographiques et sanitaires des territoires est également, pour notre groupe, l’un des enjeux déterminants pour l’avenir et la qualité de notre système de santé. Le groupe UDI a ainsi relevé l’intérêt de la Cour des comptes pour la définition d’objectifs régionaux d’assurance maladie, qui permettraient de moduler la contrainte financière en fonction des besoins de rééquilibrage de l’offre de soins non seulement entre les secteurs, mais aussi entre les régions, au travers de la fixation d’objectifs de résorption des inégalités d’accès aux soins. Cette proposition rejoint celle que notre groupe formule depuis plusieurs années.

Enfin, votre projet n’aborde pas la question majeure du financement de notre protection sociale sur le long terme. Au-delà de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité qui, certes, va dans le bon sens, c’est la question de la structuration même du financement de notre protection sociale qui reste posée. Nous regrettons que vous ayez de nouveau rejeté, comme les années précédentes, notre proposition de remplacer le dispositif du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – par une baisse massive des cotisations sociales familiales compensée par l’augmentation du taux normal de TVA dans le cadre d’une TVA compétitivité ; le Président de la République en a d’ailleurs fait la remarque.

Le Sénat a rééquilibré les dispositions de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, en particulier dans trois domaines.

Le texte issu des travaux de la Haute Assemblée introduit ainsi l’une de ces réformes structurelles que notre groupe vous proposait en première lecture, à savoir l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite. Nous proposions de l’augmenter progressivement à 64 ans ; le Sénat a retenu 63 ans. C’est une première étape dans une direction que nous approuvons. Le groupe UDI appelle en effet de ses voeux des mesures de relèvement des bornes d’âge, dont l’effet très favorable sur les finances de la branche vieillesse, surtout à moyen et à long terme, est considérable, comme le démontre déjà et le démontrera plus encore à l’avenir la réforme de 2010. Cette mesure, difficile à prendre, constitue néanmoins l’un des piliers d’une réforme structurelle de notre système de retraites par répartition. Elle permettrait d’éviter la succession de réformes qui mine la confiance des Françaises et des Français en notre système de retraite.

Le Sénat a également adopté un dispositif d’incitation en faveur des médecins qui, arrivés à l’âge de la retraite, souhaitent poursuivre leur activité lorsqu’ils exercent dans des zones insuffisamment dotées de professionnels de santé. Cette disposition rejoint notre volonté de lutter contre les déserts médicaux en facilitant l’implantation de médecins dans les territoires où leur présence est insuffisante. L’accès aux soins de nos concitoyens dans tous les territoires est en effet un objectif que, de manière urgente, le législateur doit pouvoir décliner par des propositions concrètes. Notre groupe en a avancé certaines en première lecture et la disposition adoptée par le Sénat participe de cette même volonté.

Par ailleurs, le Sénat a augmenté le montant de la réduction forfaitaire par heure travaillée dont bénéficient les particuliers employeurs. Cette disposition vise à encourager l’emploi à domicile dans un secteur qui a particulièrement souffert des mesures gouvernementales prises ces dernières années. Vous connaissez l’importance que notre groupe accorde aux services à la personne et au développement de l’emploi à domicile, secteurs dont les besoins de recrutement restent particulièrement importants aujourd’hui. Nous ne pouvons donc qu’accueillir avec satisfaction une telle disposition.

Compte tenu des apports introduits par le Sénat au sein de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement est aujourd’hui placé devant un choix qui sera significatif de ses intentions. Soit vous souhaitez, madame la ministre, construire un projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui réponde aux enjeux de financement, de solidarité, d’accès aux soins et de modernisation de l’offre hospitalière auxquels notre protection sociale est confrontée, un projet qui redonne des perspectives aux professionnels, qui redonne à nos concitoyens confiance dans la pérennité du système de santé et du système de retraite, un projet auquel la plus grande part de la représentation nationale apporterait sa contribution, comme il se doit lorsqu’un pilier essentiel de notre modèle de société est en jeu, soit vous vous contentez du va-et-vient traditionnel de la navette parlementaire pour rétablir une version de ce projet qui, une fois de plus, gère tant bien que mal les affaires courantes de la Sécurité sociale sans répondre aux enjeux auxquels celle-ci est confrontée ni en assurer l’avenir. C’est du choix que le Gouvernement effectuera en abordant ce débat que dépendra l’intérêt de ce texte.

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