Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 23 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui est un texte d’équilibre entre rigueur budgétaire et préservation du système de protection sociale auquel nous sommes tous attachés.

Le déficit de la Sécurité sociale, qui s’élevait à 17 milliards d’euros en 2012, sera ramené à moins de 10 milliards en 2016. Pour la première fois depuis 2004, la branche vieillesse du régime général reviendra à l’excédent en 2016. Nous ne pouvons que saluer cet effort. Il est toujours délicat, souvent difficile même, de réduire les dépenses, particulièrement quand il s’agit de protection sociale. Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale propose des économies qui préservent la justice sociale et qui, de surcroît, sont compatibles avec de nouvelles mesures de progrès social.

C’est précisément le cas en matière de lutte contre l’abus de médicaments – dispositions de promotion des génériques et lutte contre le gaspillage en général –, de développement de l’ambulatoire et de lutte contre la redondance d’examens et de diagnostics souvent fastidieux. L’effort consenti en faveur de l’autonomie des personnes handicapées – une augmentation de 2,1 % – va également dans le bon sens : ce rattrapage utile, très attendu, demandera à être poursuivi dans les années à venir.

Nous prenons acte de votre volonté de renforcer encore l’accès à la contraception et à l’autonomie des femmes ou encore de garantir le versement d’une pension de 100 euros mensuels pour les parents isolés dont le conjoint dérogerait à ses obligations. Ces mesures de solidarité et d’égalité vont dans le bon sens.

La gratuité du dépistage du cancer du sein sera étendue aux examens supplémentaires réalisés pour les femmes présentant un risque plus élevé. Des programmes de prévention de l’obésité chez les jeunes enfants seront expérimentés. La gratuité et la confidentialité du parcours de contraception des mineures seront garanties. Nous souhaitons par ailleurs porter le débat plus loin sur l’accès à une contraception sécurisée en incluant la gent masculine, dans un souci de responsabilisation partagée.

Je tiens également à souligner les avancées notables que permet l’individualisation de la gestion des droits à la protection universelle maladie en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette mesure ne concerne pas seulement les femmes, certes, mais elle apportera à ces dernières une protection, notamment en cas de séparation pour celles qui sont sans activité. Elle garantira en outre leur indépendance, donc la confidentialité de certains actes ou certaines prescriptions, comme l’usage d’un contraceptif ou le recours à une interruption volontaire de grossesse. L’annonce par le Président de la République de la création d’une protection universelle tenant compte de l’évolution des changements de vie et des ruptures potentielles de couverture permettra également d’éviter des situations de ruptures de droits. C’est une avancée que nous défendons depuis longtemps et nous nous réjouissons de son introduction dans ce texte.

Nous vous avions par ailleurs fait part de nos craintes quant à la suppression prévue des zones de revitalisation rurale. Je me félicite que cette suppression ait été écartée. Tout ce qui peut être entrepris en faveur de la cohésion territoriale doit en effet être effectif et maintenu. Trop de disparités existent encore au détriment des zones rurales, particulièrement en matière de santé.

Pour ce qui concerne la poursuite de la mise en application du pacte de responsabilité et de solidarité, notre groupe demeure partagé. La baisse de 1,8 point des cotisations sociales s’appliquera aux salaires jusqu’à 3,5 fois le niveau du SMIC à compter du 1er avril 2016. Il me semble que cette mesure va dans le bon sens en soutenant des emplois français qui aujourd’hui sont fragilisés par l’attractivité de certains pays voisins. La recherche et développement, par exemple, source d’investissement incontestable, est notamment concernée par le dispositif, qui favorisera le maintien de ces activités sur notre territoire.

Cependant, nous sommes plus réticents s’agissant de la baisse de la C3Spayée par les entreprises puisque le manque à gagner, pour un très large panel d’entre elles, s’élève à 1 milliard d’euros.

S’il semble opportun que cette mesure bénéficie à celles dont les marges sont les plus faibles par rapport à leur chiffre d’affaires, les dispositions proposées dans ce texte nous semblent excessives. Nous serons donc vigilants quant à l’efficacité de cette mesure qui, pour le moment, ne nous convainc pas et devra être évaluée.

Nous accueillons en revanche favorablement le rééquilibrage prévu entre les moyens alloués au secteur public et non lucratif et le secteur privé à travers le nouveau mode de tarification des soins de suite. En effet, la tarification à l’activité – la T2A – ne nous semble pas un mode de financement adapté en toutes circonstances. En outre, la distorsion entre public et privé n’était pas justifiée.

Nous serons attentifs aux résultats de cette mesure de financement mixte et nous saurons rappeler au Gouvernement son intention de l’étendre notamment aux soins palliatifs.

Enfin, si le dispositif octroyant aux personnes âgées de plus de 65 ans une fiscalité intéressante quant aux contrats de couverture complémentaire doit être salué, il n’en suscite pas moins des inquiétudes – c’est d’ailleurs pour cela que le Sénat a écarté de ce texte l’article que notre assemblée est sur le point de réintroduire.

En effet, nous craignons un effet négatif de la mise en concurrence des mutuelles alors que nous disposons aujourd’hui d’une large diversité de contrats adaptés aux situations de chaque bénéficiaire. L’intérêt financier pour le public ciblé par cette mesure ne doit pas se traduire par une protection complémentaire moins efficace.

Par ailleurs, ce dispositif pourrait bénéficier aux grands groupes, au détriment de plus petites structures – d’où nos réserves à son endroit.

Nous sommes bien sûrs prêts à soutenir une autre forme d’application de cette mesure en faveur des personnes plus âgées dès lors que, outre les emplois qui en dépendent, elle ne met pas à mal l’efficacité de nos couvertures complémentaires.

Je souhaite terminer mon propos en insistant particulièrement sur la mesure de simplification du système de prise en charge des victimes d’actes de terrorisme, qui semble particulièrement et malheureusement à propos dans le contexte douloureux que nous connaissons.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, ce texte d’équilibre entre mesures d’économies et de soutien à notre système de protection sociale nous semble raisonnable. Si nous émettons quelques inquiétudes quant à l’efficacité et à l’applicabilité de certaines mesures, nous reconnaissons tout de même que ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 est le fruit d’un travail à la hauteur de la situation à la fois économique et sociale de notre pays.

Permettez-moi, madame la ministre, de saluer la mesure que vous venez d’annoncer en réponse à Mme Lemorton. La lutte contre le VIH constitue en effet un enjeu de santé qui nous concerne tous. L’annonce du remboursement des traitements antirétroviraux à usage préventif est excellente. Je comptais moi-même défendre demain cette mesure à travers un amendement au projet de loi santé : je le retirerai donc avec plaisir.

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