Intervention de Général Arnaud Sainte-Claire Deville

Réunion du 17 novembre 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant des forces terrestres :

En ce qui concerne le recrutement des 11 000 hommes supplémentaires prévus par l'actualisation de la LPM, nous y parvenons à hauteur de 85 % grâce à un effort de sur-recrutement réalisé pendant le second semestre 2015 et que nous poursuivrons pendant toute l'année 2016. Parallèlement, nous tâchons de sur-fidéliser nos militaires du rang, l'objectif étant de les garder un peu plus longtemps. À l'heure actuelle, nous remplissons les objectifs fixés avec un taux de sélection tout à fait satisfaisant de deux candidats pour un poste – alors que nous étions descendus au taux de 1,4 candidat pour un poste au moment de la professionnalisation. Je tiens donc à souligner devant cette commission la grande qualité des jeunes Français qui nous rejoignent actuellement.

Ensuite, pour ce qui est de la formation, il est évident que ce sur-recrutement doit s'accompagner d'un effort de formation très important. L'armée de terre dispose de centres de formation initiale des militaires du rang ; ce dispositif tourne à plein et même davantage puisque, depuis début novembre, ces centres étaient utilisés à 120 % de leur capacité. L'année prochaine, j'ai décidé d'utiliser mes centres d'entraînement spécialisés consacrés à la préparation opérationnelle interarmes pour absorber le sur-recrutement.

Pour la formation initiale militaire nous disposons de structures fixes et nous faisons appel à l'encadrement de contact dont nous avons également besoin pour les unités engagées dans l'opération Sentinelle. La difficulté est que si nous voulions aller plus loin, nous nous heurterions à une insuffisance d'infrastructures non négligeable – il faut pouvoir héberger tous ces jeunes dans nos centres – et à une insuffisance d'encadrement. Nous sommes par conséquent au maximum de ce que nous pouvons faire pour recruter et former 11 000 hommes sur un an et demi. S'il fallait continuer à recruter, il faudrait prolonger notre effort de recrutement et de formation initiale à 2017-2018.

J'ai par ailleurs été interrogé sur les modes d'action de nos soldats. Ils sont extrêmement statiques, surtout à Paris, et notre objectif est qu'ils deviennent, à l'inverse, beaucoup plus dynamiques. Je prendrai cinq verbes pour caractériser ce que pourrait être cette fameuse posture de protection terrestre : protéger – en particulier des installations –, escorter, surveiller, contrôler des zones – avec un mélange de points fixes et de patrouilles mobiles –, enfin renseigner en fournissant des informations d'ambiance et sur le terrain au contact des différents acteurs de l'environnement.

De quels outils disposons-nous pour nous entraîner à ce type de mission ? Le général Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, dans le cadre du projet « Au contact », a décidé de créer un commandement du territoire national, qui devrait collaborer étroitement avec le centre de doctrine d'emploi des forces de l'armée de terre et le centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentation, ainsi qu'avec d'autres ministères, afin de travailler sur la préparation spécifique à ce type de mission.

Je répondrai également à la question de savoir ce que font nos hommes pour se préparer à l'opération Sentinelle. Nous n'avons rien changé à la préparation des hommes destinés à servir dans le cadre des opérations Barkhane et Sangaris. Pour ce qui est de l'opération Sentinelle, tout soldat doit avoir effectué, dans le mois qui précède son déploiement, une séance de tir avec son arme de dotation, une formation de six heures sur les techniques d'intervention opérationnelle rapprochée – les techniques de corps à corps, pour parler simplement –, sur l'utilisation d'armements à létalité réduite – je pense à la matraque télescopique, au diffuseur lacrymogène –, sur les règles d'emploi de la force, enfin sur les conditions d'exécution de sa mission.

Nos soldats sont déployés pendant six semaines, ce qui est beaucoup. Nous nous sommes par conséquent interrogés sur le fait de savoir s'il fallait réduire cette durée. Outre le fait qu'il nous aurait été difficile, dans ces conditions, de déployer des soldats, quatre semaines ne permettent quasiment pas d'assurer la préparation opérationnelle minimale ni de dispenser le module spécifique évoqué aux soldats s'engageant dans l'opération Sentinelle.

Pour ce qui concerne le cadre juridique, la volonté de l'armée de terre n'est pas de changer quoi que ce soit à la relation autorité préfectorale - autorité militaire. Néanmoins, il faut adapter ce cadre en fonction du contexte, disposer d'un catalogue de mesures à même de nous permettre de mieux utiliser nos éléments. Transformer les soldats de l'armée de terre en officiers de police judiciaire n'est aucunement notre intention, car nous ne voulons pas devenir une force de sécurité intérieure.

Je reviens un instant sur le recrutement. À partir de l'été 2017, avec les 11 000 recrues prévues, la préparation opérationnelle interarmes aura retrouvé un niveau acceptable qui nous permettra de nous engager, avec un préavis très court, dans des opérations non planifiées – étant entendu que nous en restions à un effectif de 7 000 hommes déployés sur le territoire national dans la durée.

Pour ce qui est de savoir si des soldats s'engagent uniquement pour servir dans le cadre de l'opération Sentinelle, nous ne voulons pas d'une armée de terre à deux vitesses. Le soldat que vous pouvez croiser dans le métro est le même que celui que vous verrez dans six mois au Mali ou à Sangaris. Nos soldats s'engagent pour être soldats dans l'armée de terre, à savoir ici, en France, et là-bas, pour la défense de l'avant.

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