Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir maintenu cette audition, malgré la période extrêmement difficile que nous traversons. Je suis accompagné aujourd'hui des deux membres du collège de l'ARCEP qui ont été désignés par le Président de l'Assemblée nationale, M. Jacques Stern et Mme Martine Lombard. Ce rendez-vous est très important pour l'ARCEP, qui est une autorité indépendante, la contrepartie de cette nécessaire indépendance étant le contrôle par le Parlement.
L'objectif de mon propos introductif est de faire une présentation des principaux sujets qui sont en ce moment à l'agenda de l'ARCEP. Pour nous, l'intérêt de cette audition, au-delà du contrôle, est de comprendre sur quels sujets vous souhaitez que nous travaillions.
Nous sommes en train de travailler sur deux dossiers extrêmement structurants dans le domaine du mobile et du fixe : l'attribution de la bande des 700 mégahertz, d'une part, la tarification du cuivre, qui concerne le réseau téléphonique, le réseau fixe d'Orange, d'autre part.
En ce qui concerne la bande des 700 mégahertz, j'avais indiqué, lors de mon audition par votre commission le 13 janvier 2015, que nous ferions nos meilleurs efforts pour tenir le calendrier très exigeant fixé par le Gouvernement. C'est chose faite puisque nous avons réalisé cette attribution de fréquences. L'enchère s'est terminée hier, en effet. Cette attribution permet des couvertures nouvelles, originales, qui vont apporter notamment la 4G sur les lignes ferroviaires du TER, du Transilien et du RER. Outre qu'elle rapportera environ 2,8 milliards d'euros de revenu à l'État, cette attribution aux quatre opérateurs du marché de différents blocs de fréquences – deux blocs pour Orange et Free Mobile, un pour SFR et un pour Bouygues Telecom – confirme la présence et l'engagement de quatre opérateurs sur le marché français. Elle permet à Iliad (Free), de rattraper une partie de son retard en matière de fréquences, et donc, de s'engager pleinement comme un opérateur de réseau sur ce marché.
L'autre dossier d'actualité que j'avais évoqué lors de mon audition en janvier est celui de la paire de cuivre. J'avais souhaité que l'ARCEP donne à l'ensemble des acteurs du secteur – l'opérateur historique, les opérateurs alternatifs, les collectivités territoriales qui investissent dans les réseaux numériques – le maximum de visibilité sur le tarif du dégroupage, qui est un élément structurant puisque c'est le prix auquel les opérateurs alternatifs paient l'accès au réseau de France Télécom. Nous avons engagé une consultation publique sur ce sujet. Nous donnons une visibilité, dans un premier temps, à deux ans, soit en 2016-2017. Dans un deuxième temps, nous construirons un price cap pour les trois années suivantes, 2018, 2019 et 2020.
Notre actualité, c'est aussi la mise en oeuvre de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août dernier, dite « Macron ». Je vais rappeler les principales têtes de chapitres qui concernent l'ARCEP.
D'abord, nous devons établir, d'ici au 7 décembre, des lignes directrices sur la manière dont les collectivités territoriales qui établissent des réseaux publics à très haut débit tarifient l'accès à leurs réseaux. Nous avons mis un texte en consultation publique et nous avons pris connaissance, ces derniers jours, des éléments fournis par les acteurs. Ces contributions à la consultation publique, très riches, nous amènent à amender quelque peu notre travail.
Le Gouvernement a désormais la faculté de saisir pour avis l'ARCEP comme un expert indépendant sur toute question relevant de sa compétence, ce qui est nouveau. Jusqu'à présent, l'ARCEP ne pouvait être saisie que pour rendre un avis sur des textes législatifs ou réglementaires. Nous avons été saisis à deux reprises par le Gouvernement : une première fois sur la question de la mesure de la bande passante sur internet, une deuxième fois sur la tarification du portage de la presse par La Poste.
Un nouveau pouvoir nous est confié en matière de partage des réseaux mobiles. C'est la question de l'itinérance et de la mutualisation. Les accords passés entre les opérateurs mobiles pour partager leurs réseaux sont-ils bénéfiques ? Vont-ils trop loin ? Nous allons, sur ce terrain, établir des lignes directrices dont nous mettrons sur la table une première copie en fin d'année.
Nous avons également un rapport à rendre au Parlement concernant l'investissement mobile. Je dois avouer que nous sommes un peu en retard, compte tenu de l'accumulation des dossiers et des moyens contraints. Nous devions rendre cet avis le 7 novembre ; j'espère que nous pourrons le rendre d'ici à la fin du mois de novembre ou, en tout état de cause, d'ici à la fin de l'année. C'est un premier rapport, qui sera par la suite annuel. L'initialisation demande un peu plus de temps.
Par ailleurs, nous sommes impliqués dans le dossier des zones blanches. Le Gouvernement a engagé une action importante pour compléter le programme « zones blanches ». À ce stade, nous ne faisons que l'accompagner. Nous aurons un rôle plus important par la suite puisque nous devrons veiller à ce que le travail entre opérateurs se fasse de manière fluide, et à faire respecter les obligations prévues par la loi en termes de couverture des zones blanches.
Nous avons également, depuis l'adoption de cette loi, la faculté d'enrichir nos indicateurs de qualité de service et de couverture puisque nous avons la possibilité de réaliser des séries de mesures en les faisant payer par les opérateurs. Nous sommes en train d'y travailler.
Voilà pour les principaux éléments de la loi Macron.
Nous avons engagé, à l'ARCEP, un travail original, sur lequel je souhaiterais avoir vos observations : le lancement d'une revue stratégique. Nous pensons que l'ARCEP est arrivée à la fin d'un cycle. Elle a été créée en 1997 pour ouvrir le marché à la concurrence. C'est chose faite à ce jour. Nous devons donc nous demander à quoi elle servirait si on la recréait aujourd'hui.
De nouvelles compétences nous sont confiées par la loi Macron, mais aussi par les décisions européennes relatives à la neutralité du net, dont nous sommes le gardien. C'est un métier totalement nouveau. On sort d'une vision où le régulateur accompagnait de manière transitoire l'ouverture d'un marché à la concurrence. On nous demande maintenant un travail permanent consistant à veiller au respect d'un certain nombre de règles du jeu sur le marché.
Il y a également les stratégies nationales pour la sécurité du numérique, qui sont adoptées ou en cours d'adoption. Au niveau du Gouvernement, le Premier ministre a adopté une stratégie le 18 juin dernier. Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, travaille à un projet de loi sur lequel nous avons rendu un avis au Gouvernement. Le ministre de l'économie a également indiqué qu'il souhaitait lancer un chantier sur les nouvelles opportunités économiques, avec un important volet numérique.
Au niveau européen, des travaux considérables sont menés dans le cadre du projet de marché unique numérique (Digital single market), dont un volet concernera les télécoms. Plus généralement, la question est de trouver comment, dans le domaine numérique, l'Europe pourrait répondre de manière groupée aux enjeux et aux acteurs internationaux très puissants face auxquels les États pris isolément n'ont pas forcément toutes les réponses.
Cet exercice a d'abord été mené en interne. Nous avons lancé une consultation publique et nous attendons les réponses jusqu'au 4 décembre. Nous publierons une feuille de route sur notre action le 19 janvier prochain. Il ne s'agit pas, pour l'ARCEP, de réfléchir à ses missions puisque c'est le Parlement qui les lui confie. En revanche, nous revendiquons le fait de hiérarchiser nos priorités, compte tenu des nouveaux éléments que je vous ai indiqués et des moyens nécessairement contraints.