Intervention de Sébastien Soriano

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ARCEP :

Concernant l'harmonisation européenne, je sais que les entrepreneurs auditionnés par votre commission vous ont demandé avec insistance de réfléchir à deux fois avant de définir des règles dans le domaine du numérique. Avec le monde comme terrain de jeu, ils ont besoin d'agilité, de souplesse et d'avoir une vision internationale. L'ARCEP partage pleinement cette philosophie.

Outre des dispositions nationales, comme celles issues de la loi Macron, nous mettons en oeuvre des directives et des règlements européens. Pour l'essentiel, notre action dérive à 80 % du cadre européen. Nous sommes associés à la stratégie numérique pour l'Europe, et nous défendons l'Europe comme étant une solution en matière de numérique. Cela peut sembler paradoxal mais, dans le secteur du numérique, c'est l'Europe qui, potentiellement, assurera davantage de souveraineté en apportant des réponses sur des sujets qui, aujourd'hui, échappent aux États parce que les entreprises ne sont pas nécessairement installées dans chacun des États.

C'est un message que nous adressons au Gouvernement au regard du projet de loi pour une République numérique. Nous l'invitons à s'insérer le plus possible dans le cadre européen et à préférer le droit souple et le recours à la régulation plutôt que la définition de réglementations sectorielles trop précises. De telles règles pourraient s'avérer très rapidement obsolètes, être contournées par des acteurs innovants et poser des problèmes de compétitivité. Elles pourraient n'être pas appliquées par des opérateurs qui ne sont pas installés en France, alors que les opérateurs français, eux, devraient les respecter. Si on impose trop de règles à ces derniers, il y aura un problème potentiel de compétitivité. C'est une préoccupation que nous partageons avec le Gouvernement.

En matière de neutralité de l'internet, ce n'est pas tant le contenu que nous demandons au Gouvernement de modifier que les modalités de contrôle. Nous l'invitons à renforcer ce contrôle en donnant notamment à l'ARCEP la capacité d'effectuer des investigations. Elle aurait, en quelque sorte, un rôle de gendarme, et plus seulement d'arbitre, comme par le passé.

L'ARCEP est, depuis longtemps, très investie au niveau européen, où elle participe à des groupes de travail techniques. Moi-même, je collabore au BEREC (Body of european regulators of electronic communications) – en français, l'ORECE (Organe des régulateurs européens des communications électroniques) –, dans lequel je pourrais être amené à prendre des responsabilités dans les prochaines années. En tout cas, l'Europe est un élément clé de notre action, et c'est par ce prisme que nous allons nous manifester dans le cadre des projets de loi.

Pour répondre à votre question sur les mesures de sécurité qui pourraient être adoptées suite aux événements du 13 novembre, madame la présidente, je ne sais pas précisément ce que le Gouvernement a en tête. Je peux vous dire que l'ARCEP a été saisie pour avis, dans le cadre de la loi relative au renseignement, au titre, non pas de la protection des libertés, qui ne figure pas parmi ses compétences, mais du bon fonctionnement des réseaux. Elle a fait un certain nombre de remarques qui ont été prises en compte par le Gouvernement. Un mécanisme de coopération a été institué entre l'ARCEP et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), qui ont désormais la faculté de se saisir pour avis. J'ai moi-même proposé au Président de la République la nomination d'un expert en communications électroniques pour composer le collège de la CNCTR, en la personne de M. Patrick Puges. Selon moi, la bonne réponse, ce sont des mécanismes de coopération entre les organes de contrôle chargés du renseignement et des opérations pouvant impliquer des interventions techniques et l'ARCEP en tant que régulateur des réseaux. Mais chacun doit rester dans son rôle. Nous pouvons apporter une expertise technique, mais nous ne pouvons pas nous substituer aux organes qui régulent la question des libertés individuelles et des libertés publiques.

Concernant la question de la lettre recommandée électronique, l'ARCEP regrette le manque de concertation avec le Gouvernement sur un dispositif pourtant important. Le recommandé électronique serait, il est vrai, un vrai gage de simplification pour nos concitoyens et nos entreprises. Néanmoins, nous ne sommes pas convaincus par le dispositif qui a été élaboré. Nous nous tenons à la disposition du Gouvernement et du Parlement pour aboutir à un dispositif plus opérationnel et plus sécurisant. En réalité, nous recommandons le lancement d'une mission, même si, malheureusement, cela risque de faire perdre du temps, car nous avons l'impression que ce dispositif manque encore de maturité technique.

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