Intervention de Sébastien Soriano

Réunion du 18 novembre 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ARCEP :

L'ARCEP s'est saisie de ce dossier à la mi-2014.

Nous devons donc sans doute enrichir ces indicateurs – en collaboration avec le Gouvernement puisqu'il s'agit du service universel –, mais cela représente un travail important. Quant au recensement des zones blanches, il est vrai qu'il est discutable, mais parce que, pour être précis, il nécessite un travail de fourmi.

Encore une fois, moins l'ARCEP aura de moyens, plus elle se concentrera sur le noyau dur de ses missions et sur son rôle d'arbitre des intérêts de grands opérateurs économiques, qui est au demeurant un rôle essentiel puisque les réseaux numériques sont une infrastructure d'échanges. La question des moyens de l'ARCEP est donc de nature politique et, à ce titre, elle relève du Gouvernement et du Parlement.

Prenons un autre exemple, celui de l'itinérance multiple, qui rejoint le problème des zones grises. L'ARCEP souhaiterait développer beaucoup plus, notamment dans les zones rurales – et cela concernerait 10 % à 15 % de la population –, une mutualisation très forte, quasiment un réseau unique. Mais cela nécessite beaucoup de moyens, et sans doute également de nouvelles dispositions législatives. En tout état de cause, nous mettrons ce dossier sur la table dans le cadre de la définition de nos lignes directrices sur le partage et la mutualisation des réseaux. Mais c'est un sujet au long cours pour lequel nos moyens sont aujourd'hui limités.

Vis-à-vis de La Poste, nous jouons un rôle de tiers de confiance. Le marché postal étant en déclin, il ne s'ouvrira pas massivement à la concurrence. Il s'agit donc pour nous d'accompagner ce marché en apportant de l'objectivité sur les questions des coûts, des prix et de la qualité du service universel. C'est un travail particulier, différent de celui que nous faisons dans le domaine du numérique. Nous avons le sentiment que notre accompagnement dans le domaine des tarifs est raisonnable et n'accélérera pas la migration des usages. La plupart des personnes qui utilisent encore les services postaux n'ont pas forcément d'autre choix – je pense aux usages professionnels. Nous ne nous attendons donc pas à ce que l'augmentation des prix, progressive et raisonnable, dégrade artificiellement le trafic.

En ce qui concerne les accords Schwartz, l'avis que nous avons rendu avait pour but d'apporter de l'objectivité sur un sujet, celui de la compensation versée à La Poste au titre de sa mission de service public de transport de la presse, très débattu depuis des années. Nous avons examiné les coûts de La Poste et établi de manière très claire que celle-ci était très significativement sous-compensée. Nous allons continuer à travailler sur le sujet avec le Gouvernement, dans le cadre de la mission qui a été confiée à M. Emmanuel Giannesini.

Mme Martine Lombard a répondu en grande partie à la question de la couverture et de la qualité des services mobiles. Nous sommes conscients que nos indicateurs sont insuffisants, et nous allons les enrichir. À titre d'exemple, pour vérifier la qualité de la couverture d'un réseau en service de données, on vérifie aujourd'hui que le téléchargement d'un fichier de 500 kilo-octets peut se faire en une minute : cela ne correspond plus du tout au service qu'attendent nos concitoyens. Devons-nous augmenter la taille du fichier ou diminuer la durée du téléchargement ? Quoi qu'il en soit, nous devons modifier cet indicateur. Nous allons donc enrichir ces données et déterminer des éléments d'appréciation de la couverture beaucoup plus fins, notamment en prenant en compte l'indoor et l'outdoor. De fait, la loi Macron nous permet désormais de demander beaucoup plus massivement aux opérateurs de faire réaliser des mesures par des prestataires indépendants que nous aurons choisis, sur la base d'un cahier des charges que nous aurons nous-mêmes défini. En contrôlant ainsi la fiabilité des éléments fournis par les opérateurs, nous contribuerons à l'enrichissement des indicateurs.

Enfin, la migration du cuivre vers la fibre est un chantier au long cours. Le très haut débit est un enjeu extrêmement important pour notre pays. J'entends souvent dire, carte à l'appui, que la France est en retard dans ce domaine. C'est vrai, dans la mesure où cette carte fixe le très haut débit à 30 mégabits, ce qui avantage les pays qui peuvent massivement réutiliser les infrastructures existantes du téléphone et du câble. Tel n'est pas le cas en France, où le câble ne couvre que 30 % de la population. Nous pouvons, certes, moderniser le cuivre en rapprochant les équipements actifs de l'abonné, mais l'architecture du réseau français est très défavorable, de sorte qu'on ne peut pas amener massivement du très haut débit par le cuivre. La France est donc condamnée, à l'instar des pays en voie de développement, au Frog leap. Il lui faut sauter une génération technologique, en déployant massivement la fibre optique jusqu'à l'abonné. Certes, le plan France très haut débit prévoit d'équiper, non pas l'ensemble de la population, mais environ 80 % des foyers. Cette ambition est toutefois sans équivalent en Europe, si bien que, si nous sommes actuellement en retard, nous pouvons espérer être en avance dans dix ans.

Dans le cadre de ce chantier extrêmement important, auquel participent non seulement les opérateurs privés mais aussi les collectivités territoriales à travers les réseaux d'initiative publique, nous souhaitons donner le maximum de visibilité aux acteurs, notamment en produisant des éléments de référence sur le prix du cuivre. Oui, celui-ci augmente, de manière progressive et modérée. Nous avons estimé qu'il n'était pas souhaitable de laisser la paire de cuivre baisser, comme aurait pu le commander la réduction d'un certain nombre de coûts. Dès lors, la réduction se porte vers d'autres tarifs, en vertu du principe d'orientation vers les coûts selon lequel Orange ne doit pas faire de marge dans ce domaine. Cette stabilisation du signal économique dans un sens légèrement ascendant nous paraît favorable à la transition vers le très haut débit.

Enfin, la mise en oeuvre du rapport Champsaur relève du Gouvernement. La loi Macron prévoit notamment l'adoption d'un statut de « zone fibrée », qui permettra d'inciter à la bascule, c'est-à-dire au remplacement du réseau de cuivre par un réseau de fibre optique, et nous participerons de manière active à ces travaux.

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