Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Marwan Lahoud, directeur général délégué du groupe EADS et président d'EADS France :

C'est un grand honneur pour moi d'être ce soir devant votre Commission pour vous transmettre les messages de mon entreprise. Je ne répéterai cependant pas les messages que vous avez déjà entendus de mes homologues représentant d'autres entreprises, car je souscris à tous leurs propos soulignant l'importance que revêtent, pour l'avenir de notre industrie, la base industrielle, technologique et de défense, la recherche et développement et les budgets.

Je m'attacherai surtout à montrer ce qu'EADS a de particulier, voire d'unique. Du fait de l'importance de ses activités civiles, on sait peu que notre groupe était en 2011 le premier fournisseur du ministère de la défense. EADS est de fait une entreprise duale très implantée et, si elle réalise les trois-quarts de son chiffre d'affaires hors de la défense, c'est aussi ce qui lui permet de tirer le meilleur parti du croisement des technologies : les transferts technologiques représentent un mouvement à double sens entre les domaines civil et militaire. Ce n'est pas un élément du « passé » comme certains veulent le faire croire : cette dualité contribue également à amortir l'effet des cycles économiques propres aux activités civiles et de défense. Ainsi, la seconde a beaucoup soutenu l'activité d'Airbus lorsque cette société a connu des difficultés, puis Airbus a soutenu à son tour les activités militaires et spatiales lorsqu'elles en ont eu besoin, dans les années 2000.

EADS est une entreprise multinationale dont les racines sont européennes. Nos effectifs se situent à 95 % dans quatre pays : la France et l'Allemagne, avec environ 50 000 personnes dans chacun de ces pays, le Royaume-Uni, avec près de 20 000 employés, et l'Espagne, avec un peu plus de 10 000. L'ensemble de nos effectifs dans le monde se monte à 135 000 personnes. Ce caractère international fait d'EADS le groupe le mieux à même de piloter des projets internationaux, comme nous l'avons prouvé à diverses reprises.

EADS est enfin une entreprise de maîtrise d'oeuvre, qui dispose des capacités financières et humaines lui permettant d'assumer les risques et de les partager avec le maître d'ouvrage, et qui est capable de fédérer un tissu industriel de sous-traitants, qu'il s'agisse d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou de petites et moyennes entreprises (PME).

Nous avons plusieurs priorités. Je présenterai tout d'abord les programmes que nous menons en coopération et la préparation de l'avenir, compte tenu de la dualité de notre activité. L'observation des cycles et flux technologiques est frappante : souvent, en effet, le développement de recherches à caractère militaire arrive à maturité au bout de dix ans dans le domaine militaire avant d'être transposé, dix ans plus tard, dans le domaine civil. J'évoquerai également nos sous-traitants et plus particulièrement les PME ; enfin, l'exportation – sur laquelle est bâti le modèle d'activité de notre industrie – et l'enjeu d'une filière industrielle nouvelle : celle de la sécurité.

Hors dissuasion nucléaire – domaine dans lequel nous fournissons les missiles des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et, par notre filiale MBDA, les missiles nucléaires aéroportés –, la quasi-totalité de nos programmes sont réalisés en coopération avec un ou plusieurs partenaires européens. C'est le cas notamment du programme de l'A400M – un excellent avion que nous ne doutons pas de pouvoir livrer en temps et en heure à notre premier client, l'armée de l'air française –, des hélicoptères NH90 et Tigre et du satellite MUSIS destiné à l'observation de la Terre.

Je suis convaincu que la compétitivité de notre secteur repose au premier chef sur les petites et moyennes entreprises, qui représentent plus de 10 000 de nos 11 000 fournisseurs. Nous veillons donc soigneusement à entretenir la capacité d'innovation de ce tissu de PME, au prix d'une implication constante de notre management. Plusieurs initiatives ont ainsi été prises en interne en vue de respecter au mieux le calendrier de nos contrats, notamment pour ce qui concerne les paiements dus à ces entreprises. EADS a en outre été le premier groupe à répondre favorablement à l'initiative du ministre de la défense en faveur du pacte Défense-PME et nous signerons demain une convention avec le ministre de la Défense à cet effet.

L'investissement dans la recherche et technologie (R&T) prépare, je le répète, la compétitivité d'après-demain. Pour ce qui est des modalités de cet investissement, outre la démarche consistant à « sanctuariser » un montant déterminé, il est possible d'envisager, de nouvelles formes de partenariat. Nous avons ainsi déjà démontré notre aptitude à investir aux côtés de l'État, à partager l'effort. Dans une période budgétaire difficile, il ne faut pas faire preuve d'innovation et de créativité seulement en matière de R&T, mais aussi dans le financement de cette dernière.

Nous sommes également prêts à investir dans le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels. Je préciserai ma pensée en rappelant qu'en France, lorsque nous livrons ces matériels aux forces qui les réceptionnent, leur entretien est assuré par des organes publics. Notre groupe est déjà partiellement impliqué dans le MCO, mais nous sommes disposés à revoir les lignes de partage. Cette participation de l'industrie au maintien en condition des équipements est importante pour l'avenir de nos forces et de nos capacités militaires. Celles-ci pourront compter sur l'industriel non seulement pour développer mais aussi pour soutenir et maintenir ces équipements. Nous intervenons du reste déjà dans ce domaine pour les armées de l'air britannique et allemande, où les rôles de l'industriel et des militaires sont répartis d'une manière plus fluide.

Pour ce qui concerne les exportations, je formulerai deux propositions. La première consiste à tenir compte de la nécessité d'exporter dès la définition initiale des programmes, en prévoyant plusieurs versions d'équipements, pour qu'ils soient d'emblée exportables. Cette proposition prend toute son importance dans la période budgétaire difficile que nous connaissons.

La deuxième proposition consiste à mieux organiser la coopération entre États européens en matière de soutien à l'exportation, ce qui suppose un changement complet d'état d'esprit et de culture. Les comparaisons avec nos voisins britanniques et, dans une moindre mesure, allemands, ne sont pas de mise dans la compétition à l'exportation dès lors que l'essentiel de nos programmes est mené en coopération avec eux. Comment déterminer, en effet, le pays exportateur d'un avion construit en partenariat ? Le critère du pays d'assemblage est artificiel et particulièrement peu pertinent si l'avion est assemblé dans un pays parce que les accords de vente y ont imposé l'installation d'une chaîne d'assemblage. Il y a des propositions et des évolutions concrètes à apporter sur la manière de concevoir cette coopération.

Enfin, compte tenu du développement très important de l'activité industrielle dans le domaine de la sécurité, qui recouvre aussi bien des équipements simples de détection que des systèmes de protection globaux, voire des dispositifs de cybersécurité, il conviendrait qu'une filière industrielle française se structure dans ce secteur à l'instar de l'industrie aéronautique, à qui son excellente structure permet de bien traiter son tissu de sous-traitants. EADS étant l'un des leaders de cette filière, nous sommes prêts à y travailler, avec des partenaires comme Safran.

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