Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Marwan Lahoud, directeur général délégué du groupe EADS et président d'EADS France :

EADS a été structurée sur la base d'un accord entre actionnaires permettant aux États d'être indirectement impliqués – la France par l'intermédiaire de Lagardère et l'Allemagne par celui de Daimler. Cette organisation ne pouvait être longtemps maintenue, car un industriel ne peut pas investir durablement dans une entreprise qui ne relève pas de son secteur. Dans un premier temps, une certaine confusion entre les hommes et les institutions a pu masquer ce défaut. Daimler, qui est un grand de l'automobile, n'a pu immobiliser du capital dans l'aéronautique au profit de l'État allemand que parce que la quasi-totalité de ses responsables étaient d'anciens dirigeants de l'aéronautique. Au départ de Manfred Bischoff, la logique a repris ses droits. Le même raisonnement vaut, mutatis mutandis, pour Lagardère. Il est donc très vite apparu que les actionnaires privés souhaitaient mobiliser leur capital pour d'autres projets.

La semaine dernière, EADS, l'Agence des participations de l'État, la Direction générale de l'armement (DGA), le gouvernement allemand, l'homologue allemand de la Caisse des dépôts, Daimler et Lagardère ont résolu que les États pouvaient être directement actionnaires et exercer leurs droits comme tels sans avoir besoin de mandataires. Les États ont, du reste, des pouvoirs qui ne dépendent pas de l'actionnariat et qui existeraient même s'ils ne détenaient aucune action. EADS est, je le rappelle, le premier fournisseur de la défense française et de la défense allemande, et il est des domaines, comme la dissuasion nucléaire, dans lesquels l'entreprise ne peut pas décider à sa guise sans consulter les autorités françaises. Trois États, la France, l'Allemagne et l'Espagne, détiennent les deux premiers 12 % chacun et le troisième 4 % du capital d'EADS, soit un total de 28 % qui leur assure, dans le cadre d'une capitalisation boursière de 25 milliards d'euros, un pouvoir certain.

La gouvernance est par ailleurs « normale », ce qui signifie que les décisions se prennent dans les instances où elles doivent être prises : le comité exécutif, le conseil d'administration et l'assemblée générale du groupe, chacun selon ses intérêts. Le conseil d'administration est constitué de personnalités du niveau requis par l'importance du groupe et l'assemblée générale vote des résolutions à la majorité simple ou qualifiée selon la nature des décisions. Le seul accord entre les États actionnaires est que ces États, qui n'ont pas de représentant au conseil, voteront indépendamment à l'assemblée générale, à l'exception d'un point : dans le cas où un actionnaire proposerait une résolution modifiant les dispositions relatives à la gouvernance – qui garantissent notamment l'enracinement du groupe en Europe ou empêchent une prise de contrôle en limitant à 15 % la détention d'actions –, l'opposition d'un seul des trois États engagerait les deux autres à voter dans le même sens. À l'exception de cette disposition, je le répète, EADS vit comme une entreprise normale.

La nouvelle gouvernance protège l'enracinement européen du groupe et interdit toute prise de contrôle par un actionnaire indésirable. L'accord trouvé est un grand progrès qui marque une véritable renaissance. L'entreprise est, pour ainsi dire, parvenue à l'âge adulte et quitte le domicile de ses parents, Daimler et Lagardère.

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