Intervention de Marwan Lahoud

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Marwan Lahoud, directeur général délégué du groupe EADS et président d'EADS France :

La fusion entre EADS et BAE Systems se justifiait moins par un souci d'économies que par le fait que nos portefeuilles sont très complémentaires. On nous a parfois reproché de manquer de ce fait de « synergies », mais ces synergies tenaient en l'espèce à nos capacités en matière d'accès aux marchés, domaine où les bénéfices sont moins faciles à quantifier que les suppressions de postes intervenant après la fusion d'entités dont les activités se recoupaient. Les deux entreprises avaient choisi deux chemins différents, BAE s'étant recentrée sur la défense tandis qu'EADS voyait fortement croître son activité civile. Le raisonnement stratégique consistait à constituer un groupe équilibré, non seulement pour des raisons de cycles économiques – on ne voit du reste plus guère aujourd'hui de cycle économique de l'aéronautique –, mais plutôt pour assurer une complémentarité des cycles de financement, sachant par exemple qu'une entreprise d'aéronautique civile doit, tous les cinq à dix ans, dépenser de 10 à 15 milliards d'euros pour développer un nouvel avion. Il s'agissait aussi d'assurer les flux de technologies.

Je suis bien évidemment déçu que ce beau projet n'ait pu être mené à son terme. Il n'en faut pas moins continuer à regarder devant nous. Le projet n'était au demeurant pas vital pour EADS, qui continue de croître et de remporter des marchés. C'est une occasion ratée, mais il n'y a pas péril en la demeure.

Avec ou sans BAE, nous sommes en train de mettre à exécution une décision prise en février et confirmée en juin : le groupe EADS, qui avait jusqu'à présent toujours eu deux sièges – l'un à Paris et l'autre à Munich –, aura un siège unique, à Toulouse, capitale européenne de l'aéronautique et de l'espace. Cette décision s'imposait avec une telle évidence que nous sommes étonnés de l'étonnement de certains commentateurs. EADS compte à Toulouse 30 000 salariés, avec ses usines et ses bureaux d'études les plus importants. Il est donc normal que ses dirigeants soient proches des opérations.

Poursuivant l'impulsion donnée par Louis Gallois, EADS entend faire beaucoup plus à l'avenir pour l'apprentissage. Nous avons déjà accentué notre effort en la matière en nous inspirant de l'exemple allemand, et même de la situation qui prévaut au Royaume-Uni, où 60 % des cadres de l'aéronautique ont été d'abord apprentis dans l'entreprise. Bien que les besoins d'une entreprise où la qualification est importante ne répondent pas directement à ceux des jeunes sans qualification, nous nous efforçons de développer des formations spécifiques pour nos équipes et nous avons déjà pris une initiative en ce sens, avec la région et avec l'éducation nationale.

L'un des problèmes auxquels se heurtent les PME tient dans leur difficulté à attirer des apprentis. Dans le cadre du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), nous nous employons à développer le binômage : un grand groupe forme un apprenti, puis l'encourage à aller travailler dans une PME sous-traitante. Cette démarche peu coûteuse contribue à la solidité de la filière.

Au-delà de tels gestes, les PME attendent aussi de nous que nous leur payions ce que nous leur devons et que nous répercutions dans les contrats de sous-traitance les conditions que nous obtenons dans la négociation des marchés publics. Ces gestes simples supposent néanmoins tout un travail d'éducation de nos acheteurs, à qui l'on demande par ailleurs d'être performants et à qui il faut donc expliquer que la performance ne passe pas seulement par la dureté immédiate dans la négociation, qu'il faut aussi veiller à la pérennité du tissu industriel que représente la sous-traitance.

Les dispositifs de soutien à l'exportation sont tout à fait satisfaisants, du moins pour un grand groupe comme le nôtre, qui peut interagir avec l'administration plus facilement qu'une PME. C'est là encore un domaine dans lequel un grand groupe peut apporter une aide aux PME. Cette aide peut notamment revêtir la forme d'un portage à l'exportation et nous pourrions emmener plus systématiquement avec nous certaines PME dans des pays où nous sommes très présents.

S'agissant d'EADS, nous envisageons en effet, sous réserve de la décision du conseil d'administration et des conditions qui seront celles du marché au printemps prochain, de lancer un programme de rachat d'actions. Il ne s'agira pas pour autant d'argent mal dépensé, car une entreprise doit veiller à la structure de son capital : cet investissement d'avenir doit nous donner plus de liberté d'action, de développement et de croissance. Aujourd'hui, n'importe quel actionnaire « de contrôle » peut, pour des raisons tout à fait externes à l'entreprise, s'opposer au lancement du développement d'un nouvel avion. L'assainissement de la structure du capital évitera de telles situations pour le futur. C'est donc bien un investissement dans notre avenir. Le fait que 70 % du capital soit sur le marché pourrait être facteur de risque si ce capital flottant n'était pas encadré par des règles. Or il est prévu qu'aucun actionnaire, individuel ou de concert, ne peut détenir plus de 15 % du capital, ce qui écarte tout risque de prise de contrôle rampante d'EADS, groupe essentiel à la défense de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et du Royaume-Uni.

Pour ce qui est de l'A400M, n'oublions pas qu'un directeur de programme passe son temps à jongler avec les bonnes et les mauvaises nouvelles. Plus on approche de la date d'entrée en service d'un matériel, plus les mauvaises nouvelles pèsent lourd et plus il faut les gérer du mieux possible. Je répète que nous sommes confiants dans le fait que l'avion sera livré en temps voulu, mais savoir si ce sera en mars ou en avril n'est pas signifiant pour un programme de cette ampleur.

Nous proposons bien évidemment de nous impliquer complètement dans le MCO de l'A400M, à la fois parce que cet appareil est le fer de lance de notre gamme militaire et, je l'avouerai franchement, pour tirer parti de l'investissement important que nous avons réalisé pour cet avion.

Nous avons décidé le 1er décembre que le programme était désormais assez mûr pour reprendre les offres à l'exportation. En 2009, lorsqu'il a fallu réfléchir à l'économie d'ensemble du programme et accepter un investissement lourd dans son développement, le poids des prospects possibles à l'exportation – qui se chiffrent en centaines d'avions – a été déterminant pour que Louis Gallois et le conseil d'administration acceptent un tel niveau d'autofinancement pour un développement militaire. Si des commandes importantes étaient confirmées, il nous faudrait bien évidemment revoir l'économie générale du projet – notamment les cadences, parmi bien d'autres facteurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion