Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi portant sur la modernisation de notre système de santé. Ce texte ayant été modifié par le Sénat, la commission des affaires sociales a rétabli l’essentiel de son contenu initial, qu’elle a encore amélioré. Nous y retrouvons donc un ensemble de mesures indéniablement positives et que nous soutiendrons de nouveau.
Je pense ainsi au renforcement de la prévention avec un accès facilité à la contraception d’urgence, à la diffusion des tests rapides pour le VIH et à l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque. Je pense également à la généralisation du tiers payant, même si l’on peut craindre qu’elle ne renforce la place des complémentaires privées au détriment de la prise en charge par l’assurance maladie, qui n’a cessé de s’amenuiser au fil du temps.
À cet égard, j’ai bien entendu, et avec intérêt, votre propos réaffirmant que l’assurance maladie obligatoire est la seule à être solidaire. Il reste évidemment à lui en donner les moyens.
J’ajoute qu’une majorité de médecins, loin d’être opposée à une mesure qui doit favoriser l’accès aux soins, continue d’exprimer de légitimes préoccupations qu’il faut entendre. Ces médecins s’inquiètent d’éventuelles difficultés techniques leur faisant perdre un temps précieux au détriment du temps médical consacré à leurs patients et, de plus, retardant le versement de leurs honoraires. Les débats, et surtout les moyens mis en oeuvre, permettront, je l’espère, de lever l’ensemble de ces préoccupations.
De même, nous apprécions positivement la réintégration de la notion de service public hospitalier dans le code de la santé publique, la reconnaissance des professionnels des centres de santé dans les parcours de soins, la réintroduction de la psychiatrie de secteur dans le code de la santé publique – cette mention avait été supprimée par la droite – et la reconnaissance du rôle des conseils locaux de santé mentale dans la stratégie de santé.
Nous sommes également favorables à la possibilité de mener des actions de groupe en santé, notamment pour les personnes victimes de médicaments défectueux ou dangereux, même si nous pensons que cette disposition devrait être encore améliorée – nous nous y emploierons au cours des débats, en l’étendant aux dommages psychologiques.
Je pense encore à l’instauration d’un droit à l’oubli, c’est-à-dire le droit pour des personnes ayant été atteintes d’un cancer de ne pas déclarer, dans le cadre d’une demande d’assurance emprunteur, avoir présenté une infection cancéreuse. À ce titre, nous saluons le travail du Sénat, qui a permis de préciser les délais au-delà desquels le droit à l’oubli intégral est accordé aux anciens malades. Il s’agit là d’une véritable avancée : elle répond aux préoccupations de nombreuses associations qui agissent depuis des années pour faire reconnaître ce droit.
Je veux également saluer les mesures en faveur de la formation des professionnels de santé, avec la diversification des stages étudiants paramédicaux et le renforcement de l’obligation de développement professionnel continu.
Malgré l’ensemble de ces points positifs, je m’étais abstenue sur ce texte et mon groupe s’était majoritairement prononcé contre. Pourquoi ? Pour deux raisons majeures qui, en l’état actuel du projet, restent des sujets de préoccupation.
La première raison est que ce texte ne rompt pas avec l’esprit de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, mise en oeuvre par le gouvernement de droite en 2009. Il ne rompt pas avec l’autoritarisme des agences régionales de santé – ARS – qu’à l’époque, vous aviez d’ailleurs dénoncé à nos côtés, madame la ministre, comme étant des instruments contraignants de réduction des moyens imposés aux territoires.
Or, l’article 27 de ce texte, en rendant les groupements hospitaliers de territoire obligatoires alors qu’ils étaient jusqu’ici facultatifs, renforce les pouvoirs déjà exorbitants des ARS. En effet, si l’organisation territoriale de la santé est pertinente, les prérogatives des ARS devraient être, pour reprendre vos mots, d’animer la démocratie sanitaire et sociale dans les territoires, et non pas d’être les instruments du Gouvernement chargés d’obtenir, coûte que coûte, les 10 milliards d’euros d’économies annoncées sur la santé, dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux.
La seconde raison de notre positionnement concerne les moyens financiers alloués à la mise en oeuvre de ce texte, qui sont en décalage avec les objectifs louables qu’il se fixe. Une fois de plus, nous constatons que la logique comptable prime sur les besoins en prévention et en santé de nos concitoyens. Ainsi, vous fixez d’abord un objectif d’économies à réaliser, puis vous envisagez ce qui est faisable avec ce qui reste comme moyens, alors que la démarche devrait être inverse : quels sont les besoins, de quels moyens avons-nous besoin pour y répondre, quelles dispositions prenons-nous pour dégager les moyens financiers nécessaires pour répondre à ces besoins ?
Comment moderniser notre système de santé, comment le rendre plus efficient, apte à faire face aux grands défis de santé publique de demain, sans lui donner concrètement les moyens d’investir pour l’avenir ?
Comment nos hôpitaux publics, aux prises avec des restrictions budgétaires intenables, qui les mettent dans l’incapacité de fonctionner correctement, peuvent-ils se structurer pour affronter les enjeux de l’avenir – je pense notamment aux soins ambulatoires que le Gouvernement entend, à juste titre, promouvoir ?
Le volet prévention de ce projet de loi comporte des mesures qui sont, je l’ai dit, très intéressantes. Prévenir les maladies est, sans aucun doute, le meilleur moyen de les traiter et, de surcroît, de faire d’importantes économies pour l’assurance maladie. Mais force est de constater que, là aussi, les moyens n’y sont pas : le budget de la prévention est en baisse constante depuis plusieurs années – j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du budget santé le 6 novembre dernier – et, en la matière, votre volontarisme ne suffira pas.
Pourtant, des alternatives existent, et nous les soumettrons au débat. Nous partageons bien évidemment le souci de veiller au bon usage de l’argent public et de réaliser des économies là où elles sont possibles sans pénaliser les citoyens. Pourquoi ne pas faire le choix de remettre en cause la tarification à l’activité, qui pénalise lourdement nos hôpitaux publics ? De même, puisque vous déclarez vouloir desserrer les freins, notamment financiers, à l’accès aux soins, pourquoi ne pas prendre la décision de supprimer les forfaits et les franchises que, là encore, vous aviez, à juste titre, combattus à nos côtés ? Voilà quelques-unes des interrogations fortes que nous nous posons.
Par ailleurs, les modalités de mise en oeuvre d’un système national de données de santé continuent de nous préoccuper. En effet, en l’état actuel, les garanties concernant la confidentialité ne nous paraissent pas suffisantes et nous craignons que ces données puissent désormais être accessibles aux groupes pharmaceutiques ainsi qu’aux assureurs et utilisées à des fins commerciales contre l’intérêt des usagers.
Nous soumettrons donc au débat des amendements ayant pour objet d’apporter davantage de garde-fous à ce nouveau système. Telles sont les réserves et les remarques que les députés du Front de gauche formulent aujourd’hui encore à l’égard de ce texte.