…mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe UDI s’associe à l’hommage unanime qui a été rendu à ces hommes et à ces femmes qui, apprenant les événements, ce 13 novembre, ont décidé de regagner leurs lieux de travail, et à tous ceux qui ont donné leur temps sans compter.
Parmi les trop nombreux innocents qui ont trouvé la mort, j’ai une pensée pour ce jeune papa, brillant géographe, homme dans la force de l’âge, auteur d’une thèse de géographie primée, Résister en habitant : Matthieu Giroud.
Après cette tragédie, l’heure n’est évidemment pas à la polémique, madame la ministre. Il faut travailler, notre collègue l’a dit à l’instant, et la démocratie doit continuer son chemin.
Je vous l’ai dit lors des questions au Gouvernement : nous avons déploré que ce texte soit débattu dans une telle situation politique.
Je vous le dis sans détour et sans la moindre polémique, vous le savez, madame la ministre : le groupe UDI ne votera pas ce projet de loi et ce pour de très nombreuses raisons.
La première d’entre elle est que nous avons trop de respect et de reconnaissance pour le travail du personnel médical qui se mobilise et se relaie chaque jour et chaque nuit auprès des patients.
Nous avons trop de respect pour eux et nous ne pouvons ignorer – comme vous le faites, malheureusement – les mouvements de protestation que ce texte suscite depuis maintenant des mois.
Comment imaginer une réforme sans qu’une réelle concertation ait été menée avec les professionnels de santé, pourtant les seuls garants de l’efficacité des mesures proposées ?
Une telle réforme, nous en sommes convaincus, aurait dû être pensée avec et pour les hommes et les femmes qui sont au coeur du système de santé : les patients, d’une part, et les professionnels de santé, d’autre part.
En outre, nous ne voterons pas ce projet de loi car vous voulez imposer par la force la généralisation du tiers payant.
Le Gouvernement privera ainsi les médecins de leur liberté et prend le risque de dévaloriser leurs actes alors même qu’il est de son devoir d’assurer aux professionnels de santé des revenus attractifs sans lesquels le niveau d’excellence de recrutement et les obligations liées à ce domaine d’activité ne pourraient être maintenus.
Nous condamnons avec la plus grande fermeté le signal envoyé par cette majorité aux médecins alors qu’il était essentiel que leurs formations, leurs rôles et leurs compétences soient enfin reconnus à leur juste valeur.
Nous regrettons que ce texte n’ait pas davantage mis l’accent sur l’orientation des étudiants en médecine vers la médecine généraliste et l’exercice regroupé.
Nous sommes persuadés que les professionnels de santé et, plus particulièrement, les nouvelles générations attendaient de nouveaux modes d’organisation et d’exercice permettant plus de souplesse et d’efficacité.
Nous croyons également que la réponse à la désertification médicale n’est pas nécessairement la fin de la liberté d’installation, mais qu’il faut s’atteler en priorité aux problèmes de structures, de moyens techniques et administratifs, favoriser la mobilité des professionnels et expérimenter de nouvelles formes de rémunération.
Nous ne voterons pas ce projet de loi car il ne correspond pas aux réalités de notre pays.
La réforme de notre système de santé devait permettre de concilier deux exigences majeures : un accès équitable à des soins de qualité dans un contexte de tension budgétaire extrême. Or, il n’en est rien.
Ce texte ne règle pas le problème du financement de notre système de soin et plusieurs questions essentielles sont passées sous silence : le rapprochement entre public et privé et la convergence tarifaire, le financement durable, pérenne, de l’accès aux soins ou, encore, le reste à charge.
Alors que nous avons examiné hier, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il semble que l’on ne puisse aujourd’hui discuter d’une loi de santé publique sans engager dans le même temps une réforme permettant de financer durablement l’accès aux soins de tous.
Aussi, parce qu’il n’aborde pas la question du financement pérenne des soins, ce projet de loi demeure nécessairement incomplet.
Ce texte, mes chers collègues, ne règle pas non plus la question de l’accès équitable à des soins de qualité. Il s’agit pourtant d’un acquis social essentiel que l’on ne saurait remettre en cause au moment où la Sécurité sociale fête ses soixante-dix ans.
Chacun le sait : les difficultés d’accès aux soins devraient s’aggraver à court et moyen terme sous l’effet conjugué du vieillissement de la population, de l’évolution des modes de prise en charge, de la hausse du niveau d’exigence de nos concitoyens – c’est heureux – et de la forte prévalence des maladies chroniques. Or, rien n’est mis en oeuvre pour résorber la fracture médicale qui isole certains territoires et leurs habitants.
Nous sommes sincèrement déçus car nous avions abordé le projet de loi relatif à la santé – comme souvent, à l’UDI – dans un esprit d’opposition certes déterminée, mais constructive.
Nous avons d’ailleurs reconnu d’emblée que le texte était attendu et qu’il comportait des dispositions allant dans le bon sens. Je pense particulièrement au droit à l’oubli, qui permettra aux anciens malades du cancer de ne plus mentionner cette maladie dans leurs antécédents médicaux lorsqu’ils contractent un prêt immobilier ou un crédit à la consommation. Cela constitue une véritable avancée que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutient sans réserve.
Nous avons tenu à faire des propositions et nous avons été à l’origine, par l’adoption de nos amendements, de modifications et d’apports importants – je constate que nos rapporteurs ont la mémoire assez courte : l’interdiction de l’offre de boisson à volonté avec ajout de sucre ou d’édulcorant ; l’obligation pour le client d’un bureau de tabac d’établir la preuve de sa majorité ; l’interdiction pour tous les occupants d’un véhicule de fumer en présence d’un enfant de moins de 18 ans ; la promotion de la santé dans l’enseignement agricole ; la sauvegarde du programme d’accès à la prévention et aux soins des plus démunis.
Enfin, nous avions permis de faire adopter à l’unanimité de cette assemblée la mesure selon laquelle « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». À la suite de l’adoption de cet amendement de l’UDI – à l’unanimité, donc – au mois d’avril dernier, vous aviez pris publiquement et clairement l’engagement, madame la ministre, de mettre fin à la discrimination qui frappe les personnes homosexuelles en la matière. Or, force est de constater que les mesures annoncées récemment ne sont pas satisfaisantes puisque le don du sang ne serait ouvert aux personnes homosexuelles qu’à condition qu’elles puissent se prévaloir – tenez-vous bien ! – d’une période « d’ajournement » de douze mois. Madame la ministre, le maintien d’une telle discrimination entre personnes hétérosexuelles et homosexuelles est inadmissible puisque la seule option acceptable, celle que cette assemblée a votée, est l’égalité devant la loi.
Le Sénat a proposé plusieurs dispositifs satisfaisants qui permettaient de dépasser les clivages sur des sujets sensibles, témoignant ainsi de la recherche d’un consensus – je pense à l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque au sein d’établissements de santé, à l’application de la directive européenne au lieu du paquet neutre, au renforcement du rôle du médecin du travail dans la lutte contre la maigreur excessive, à la liberté de pratique des soins funéraires. Malheureusement, la majorité de cet hémicycle n’en a pas tenu compte et le travail de qualité effectué par le Sénat a été le plus souvent balayé d’un revers de main.
Mes chers collègues, ce projet de loi manque clairement l’objectif qui aurait dû être le sien – ce que l’on ne peut que regretter – et clive la société au moment où elle devrait, plus que jamais, être unie.