Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les voix des professionnels de santé contre cette loi se sont unanimement tues en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, et leur dévouement a primé immédiatement sur le combat qu’ils avaient de nouveau engagé, le matin même des attentats, pour informer des risques contenus dans ce projet de loi. Nos professionnels du monde médical se sont rendus immédiatement disponibles au service des Français, conformément aux valeurs qui les animent authentiquement chaque jour. C’est pourquoi, madame la ministre de la santé, vous vous devez d’entendre leurs préoccupations.
Ce mécontentement général, associé aux nombreux amendements du Gouvernement – plus d’une centaine en première lecture – démontre le degré d’amateurisme dans lequel ce projet de loi santé a été préparé. Avec ce texte, vous risquez d’aggraver les inégalités de santé, de contrevenir aux valeurs de solidarité et d’égalité face à la maladie et d’amoindrir l’indépendance du médecin. Cette loi de modernisation du système de santé doit être non pas une simple loi, mais un projet de société. Vous oubliez que, dans une loi de santé publique, nous devons placer le patient au coeur des réformes.
Votre texte, qui a suscité beaucoup d’attentes, passe à côté de l’essentiel : faire en sorte que les Français deviennent de véritables acteurs de leur santé, d’une part, et revaloriser le métier de médecin, d’autre part. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons souhaité déposer de nombreux amendements. Non pas pour opérer un blocage législatif, mais parce que nous voulons mettre un terme à vos erreurs politiques à toutes les étapes de ce projet de loi.
Au niveau de la prévention, à l’heure où certains socialistes militent pour la légalisation du cannabis, et alors que 13.4 millions de Français ont déjà expérimenté celui-ci, inscrivons dans la politique de santé de l’État la prévention individuelle et collective de l’usage des drogues, notamment le cannabis, afin d’informer nos jeunes. Je ne reviendrai pas sur les nombreux troubles de la mémoire, bouffées délirantes, troubles de l’attention et autres effets néfastes du cannabis sur la santé des Français.
Concernant les troubles du comportement alimentaire, vous avez fait le choix de piller certaines de nos propositions, sans en comprendre les enjeux. Dans les dispositions concernant le mannequinat, vous établissez un critère unique, l’indice de masse corporelle – IMC – qui sera inefficace. Dès lors qu’il s’appliquera au secteur spécifique du mannequinat, il pourrait aussi être étendu à d’autres secteurs d’activité et d’autres métiers. Définira-t-on un seuil d’IMC par métier, qui interdira certaines embauches ? Je propose une modification du code du travail qui n’est pas discriminante, afin de protéger les modèles exposés à l’extrême maigreur dans le cadre de leur travail. Mais je ne me fais pas d’illusion : même si nos propositions sont bonnes, à défaut de les plagier, vous les rejetterez.
Lorsqu’on fait des projections de nos sociétés et de nos modes de vie actuels sur les quinze prochaines années, le constat est affligeant. D’ici à 2030, nous devrons faire face à une nouvelle épidémie : celle de l’obésité. Cette maladie, qui touchait plus de 600 millions de personnes en 2014, devrait se répandre comme une traînée de poudre en quelques années. C’est pourquoi je me suis battue à de nombreuses reprises pour lutter contre ce fléau, trop souvent négligé.
Bien plus qu’un enjeu de santé publique, l’obésité est un véritable problème de société et un marqueur d’inégalités sociales. Le retour à l’équilibre nutritionnel ou à l’activité physique est pourtant possible. La lutte contre l’obésité est une responsabilité collective, mais elle fait aussi appel à la responsabilité individuelle, chacun étant, pour une bonne part, responsable et comptable de son état de santé. Je fais donc une proposition très simple, qui me semble parfaitement applicable et qui compléterait la bonne information des consommateurs : mentionner obligatoirement le nombre de calories par 100 grammes à l’avant du paquet dans toute présentation alimentaire. Il s’agit d’informer pour mieux lutter, et de responsabiliser les consommateurs.
Permettez-moi, pour finir, de revenir sur une mesure phare de votre projet de loi : la généralisation du tiers payant. Par idéologie, vous en avez fait un étendard. C’était inutile, puisque les populations qui en ont besoin en bénéficiaient déjà. Comme les médecins, je n’envisage pas une forme d’étatisation de la médecine. Le principal problème de cette réforme n’est pas la généralisation du tiers payant ; c’est l’aspect obligatoire de cette généralisation. Nous pouvons craindre également une multiplication des actes médicaux non justifiés, ainsi qu’un retard important dans les paiements des praticiens, avec une recrudescence des formalités administratives.
Il est totalement irresponsable de généraliser le tiers payant, qui placera le médecin sous le contrôle total de l’assurance maladie, alors même que de nombreux médecins n’ont pas de secrétariat pour s’occuper de leurs papiers. En effet, avec cette généralisation, le médecin sera contraint de vérifier les droits de chaque patient et de rechercher l’adresse des payeurs parmi 86 opérateurs de l’assurance maladie obligatoire et des centaines d’organismes complémentaires. Enfin, le médecin devra vérifier dans ses comptes la bonne réception des règlements. C’est un casse-tête administratif. Comment peut-on faire de cette généralisation une priorité, alors que des réformes plus urgentes sont nécessaires ? Contrairement aux idées reçues, la situation.du médecin se dégrade d’année en année. Sachez, madame la ministre, que le maintien de la médecine libérale en France est non négociable.
Tout à l’heure, vous disiez que faire un catalogue de maladies ne servait à rien. Permettez-moi de vous rappeler le plan cancer, qui a tout de même fait progresser les choses. Permettez-moi de vous rappeler, aussi, toutes les mesures que nous avons prises pour prévenir les ravages du tabac.
Bref, le Gouvernement présente, une fois encore, une loi fourre-tout, qui englobe de nombreux sujets : la prévention, la santé publique, le vapotage dans les entreprises – grand moment des discussions en commission ! – les soins funéraires, la généralisation du tiers payant, la lutte contre le tabac, les salles de shoot, le prélèvement d’organes, et tant d’autres sujets. Et malgré cela, nous ne savons toujours pas quelle est la politique du Gouvernement en matière de santé publique.